Une moyenne de 150 cas par jour est comptabilisée depuis un mois. Pour les autorités, c’est le manque de discipline à respecter les gestes barrières qui explique cette situation. Reportage.
Il est midi, vendredi dernier. Visiblement, le temps ensoleillé et le jour de marché donnent raison aux Mauriciens de sortir. Les rues de la ville de Vacoas, d’habitude peu fréquentées, sont bondées. Les maraîchers du marché de Vacoas sont prêts à entamer cette journée qui s’annonce fructueuse.
Sept personnes sur dix ne portent pas leur masque de protection correctement "
La température des personnes est prise à l’entrée du marché. Mais l’étroitesse des allées empêche la distanciation physique entre les consommateurs.
Vikram, un maraîcher du marché de Vacoas, attribue la hausse des cas de Covid-19 à l’indiscipline des Mauriciens.
« Premièrement, sept personnes sur dix ne portent pas leur masque de protection correctement. De plus, il est difficile de respecter la distanciation sociale dans un marché. Le marquage n’est pas respecté. Les autorités disent qu’il est temps de co-habiter avec le virus. Du coup, il y a eu une banalisation de la maladie. Il y a eu un relâchement au niveau des gestes barrières. Il est évident que cela résulte en une augmentation des cas de Covid-19 », estime-t-il.
Samad, un autre maraîcher du marché de Vacoas, quant à lui, estime qu’à ce stade, il est inévitable de contracter le virus, malgré toutes les précautions prises. « C’est le cas partout à travers le monde. Alors qu’on tentait de donner un coup d’accélérateur à la campagne de vaccination en disant que c’est la seule solution pour protéger le peuple, aujourd’hui les recherches prouvent que même le vaccin connaît une baisse d’efficacité », avance-t-il.
Il y a eu un relâchement au niveau des gestes barrières. Il est évident que cela résulte en une augmentation des cas de Covid-19 "
À Quatre-Bornes, c’est le même scénario. Le soleil de plomb ne décourage pas les Mauriciens qui sortent en foule, même en semaine. La station de métro de la ville des fleurs est bondée à longueur de journée. Et le manque de distanciation physique est visible.
Harris Raumaya, un chauffeur taxi à Quatre-Bornes note que les Mauriciens négligent les gestes barrières. « La médecine est en train de nous donner les outils pour combattre cette pandémie. Mais il y a un relâchement dans le respect des gestes barrières. Les citoyens doivent être conscients de leur responsabilité envers leur prochain. Ils doivent respecter les règlements mis en place par les autorités », explique-t-il.
Du côté du centre commercial de Moka, les enseignes fonctionnent normalement, malgré la flambée des cas. Les tables de restaurants sont occupées pour le déjeuner, les Mauriciens prennent le temps de faire du lèche-vitrine à leur aise. Nous observons le non-respect des gestes barrières.
Nous faisons un dernier arrêt : la station de métro de Victoria à Port-Louis. À l’heure de pointe, à 16 heures, on aperçoit une centaine de Mauriciens descendant du métro. Ils se rendent au parking pour prendre shuttle sans respecter les gestes barrières.
Explications des experts
Dr Vasantrao Gujadhur : « La manière de communiquer mène les Mauriciens à baisser la garde »
L’ancien directeur des services de santé, le Dr Vasantrao Gujadhur, estime que la hausse des cas positifs de Covid-19 est dû à la reprise des activités. « Nous avions un nombre important de cas dans la communauté avant la reprise des activités. Celle-ci a contribué à la hausse des cas. La réouverture des centres commerciaux, des lieux de culte, des salles de sport, etc. n’a pas aidé à briser la chaîne de transmission. Avec le nombre de cas asymptomatique, il est difficile de savoir si une personne est porteuse du virus. Par ailleurs, même une personne vaccinée peut contracter et transmettre le virus », fait-il observer.
Il ajoute que le manque de distanciation physique et de gestes barrières met de l’huile sur le feu. « Le manque de distanciation sociale dans les moyens de transport, les centres commerciaux et les centres de traitement est flagrant. De plus, les autorités ne s’appliquent pas assez à faire respecter les protocoles sanitaires. Il est donc normal que les Mauriciens soient moins vigilants. »
Il souligne égale-ment des failles dans la façon de communiquer du ministère de la Santé. « La façon dont le ministère de la Santé communique égare les Mauriciens. Puisque le nombre de cas n’est pas comptabilisé au quotidien, les Mauriciens sous-estiment la gravité de la situation. De ce fait, ils baissent automatiquement la garde, sortent à outrance et ne respectent pas les gestes barrières à la lettre », renchérit-il.
Dr Iswaraj Ramracheya : « L’ignorance du mode de transmission contribue à alimenter la propagation »
Le Dr Iswaraj Ramracheya, consultant en diabète, en endocrinologie et en médecine interne, quant à lui, indique que pas mal de patients âgés sont décédés de la Covid-19 récemment.
Selon lui, plusieurs raisons expliquent cette situation. « La capacité d’adaptation des centres de santé, les conseils et la prestation de soins, la disponibilité des tests, la recherche de contacts en sont quelques-unes. »
Par ailleurs, il y a aussi l’indisponibilité de séquençage génétique. « On ne fait pas de séquençage génétique. On ne connaît donc pas les souches qui infectent la population. On ne peut pas exclure l’éclosion de variants. »
Il fait également mention des rassemblements sociaux, de l’assouplissement des restrictions pour les marchés et supermarchés, de la reprise de l’école et de la plus grande mobilité de la population.
« Il n’y a pas de barrière de protection adéquate contre la transmission. La majorité peut porter un masque, mais peu de gens se couvrent le nez. L’ignorance du mode de transmission contribue à alimenter la propagation. »
Dr Philip Lam : « Il y aussi une probabilité que le virus soit devenu plus virulent »
Interrogé au sujet des 10 325 cas enregistres en deux mois, le Dr Philip Lam soutient que Maurice ne fait pas exception aux autres pays qui font face à la pandémie. Il explique cette hausse par la reprise des activités. « Le virus circule depuis l’ouverture en mars et c’est tout à fait normal que la propagation s’accélère avec le temps. Le relâchement dans le respect des gestes barrières est aussi un facteur. Il y a également une probabilité que le virus soit devenu plus virulent », explique-t-il.
Le spécialiste en médecine interne ajoute que tout le monde est exposé aux risques de contracter le virus après la baisse d’efficacité du vaccin après un certain temps. Afin de contrecarrer cet état de choses, il indique que le gouvernement administrera une troisième dose de vaccin dès la semaine prochaine.
« Les recherches ont prouvé que l’efficacité des vaccins comme Pfizer, Sinopharm, entre autres, diminue avec le temps. De ce fait, afin de booster les anticorps des Mauriciens et de leur donner le maximum de chances pour lutter contre le virus, nous administrerons une troisième dose », conclut-il.
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