
- Un contrat de Rs 16 Md finalisé pour Rs 30 Md en devises
Comment et pourquoi les critères de spécifications de l’appel d’offres ont-ils été modifiés environ un mois après sa publication ? C’est la question centrale que tente d’élucider la Financial Crimes Commission (FCC), dans le cadre de son enquête sur l’attribution de contrats totalisant près de Rs 30 milliards à la compagnie Mercantile & Maritime Group (MMG) en 2023, pour l’approvisionnement en carburant et produits pétroliers.
Publicité
Après l’arrestation, le lundi 29 avril, de Kareena Neisius, directrice de MMG, pour « conspiracy to commit money laundering », les enquêteurs examinent de plus près les irrégularités présumées ayant entouré l’octroi de ce contrat d’un montant de USD 691 millions, soit environ Rs 30 milliards.
L’attention se porte sur des modifications apportées aux critères de l’appel d’offres au cours de l’exercice, à un moment clé, peu avant la signature du contrat entre MMG et la State Trading Corporation (STC). Ces ajustements, que la FCC soupçonne d’avoir été « taillés sur mesure », auraient notamment concerné les modalités de paiement. En effet, Mercantile & Maritime Group était la seule compagnie à avoir proposé d’accepter un paiement en roupies mauriciennes, contrairement aux autres soumissionnaires opérant dans le secteur pétrolier. Ce critère aurait été décisif. Bien que spécialisée dans le courtage maritime, MMG avait aussi proposé des services d’affrètement de cargaisons de carburant – une offre finalement retenue par la STC.
Après l’audition de Rajiv Servansingh, ex-CEO de la STC, les enquêteurs de la FCC ont obtenu certains éclaircissements sur les processus ayant conduit à la sélection de MMG. L’un des objectifs de l’enquête est de déterminer si ces changements de critères visaient à favoriser cette entreprise en particulier.
Par ailleurs, bien qu’il n’ait jamais été arrêté ni condamné, le fondateur et CEO de Mercantile & Maritime Group, Murtaza Ali Lakhani, voit son nom revenir régulièrement dans des controverses liées au commerce du carburant depuis 2005. En 2023, au moment où le contrat avec la STC était en cours de finalisation, le Wall Street Journal révélait que Murtaza Ali Lakhani faisait l’objet d’une enquête du Département de la Justice des États-Unis. Il était alors soupçonné d’avoir enfreint les règles du G7 concernant le plafonnement des prix du pétrole. Son lien avec un magnat russe de Rosneft avait attiré l’attention des autorités américaines.
La FCC cherche également à savoir si la STC a procédé à un exercice de ‘due diligence’ avant d’octroyer le contrat à MMG. Pour la commission, un simple exercice de vérification aurait dû alerter la STC sur les risques associés à cette firme.
Rajiv Servansingh a été entendu sur les procédures internes liées à cette attribution. Son audition, jugée cruciale, n’est toutefois pas encore complète.
Un prix presque doublé
Comment un contrat public initialement estimé à Rs 16 milliards a-t-il été finalisé à hauteur de Rs 30 milliards, incluant des paiements en devises ? C’est aussi l’une des questions clés que tente d’élucider la FCC. Ce marché, qualifié de « contrat en or », a déjà conduit à l’arrestation de Kareena Neisius, directrice de MMG, pour blanchiment d’argent.
La FCC soupçonne de graves irrégularités, notamment en ce qui concerne l’écart important entre le montant initial évoqué — Rs 16 milliards — et la somme finale engagée : Rs 30 milliards. Le Réduit Triangle s’interroge sur d’éventuels délits de blanchiment d’argent et de détournement de fonds publics. Les enquêteurs ont décortiqué le mécanisme mis en œuvre pour l’exécution de ce contrat entre la STC et MMG.
En juin 2023, alors que le pays faisait face à des tensions sur l’approvisionnement en carburant, MMG aurait obtenu le marché pour la fourniture de produits pétroliers. Selon les éléments recueillis par la FCC, la STC, alors dirigée par Rajiv Servansingh, aurait approuvé ce contrat.
Pour la FCC, ce contrat aurait été attribué dans des conditions jugées irrégulières. Une compagnie concurrente basée à Oman aurait soumis une offre à un tarif plus avantageux. Toutefois, sa proposition aurait été rejetée car elle exigeait un paiement en devises étrangères. De son côté, MMG avait accepté un règlement en roupies mauriciennes — un critère qui aurait pesé lourd dans la balance.
Autre élément troublant : MMG a été enregistrée à Maurice le 4 août 2023. Or, les discussions autour de ce contrat avaient déjà été conclues dès juin. Comment une société qui n’était pas encore légalement implantée dans le pays à ce moment-là a-t-elle pu décrocher un contrat d’une telle ampleur ? De plus, MMG n’aurait participé à aucun appel d’offres formel relatif à l’affrètement de cargaisons pour la STC.
Mercantile & Maritime Group
La société Mercantile & Maritime Group (MMG) est détenue à 100 % par Murtaza Ali Lakhani, qui en est également l’un des administrateurs. Deux autres directeurs figurent dans l’organigramme : Kareena Liinaa Neisius, nommée en août 2023, et Benoît Marie Puga, depuis octobre 2023. Le secrétariat de la compagnie est assuré par Intrasia Corporate Services, depuis le 27 octobre 2023. MMG est domiciliée à L’Aventure du Sucre, à Beau-Plan.

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !