Le conseil de village de Montagne-Blanche s’est retrouvé sous les feux des projecteurs, après la récente controverse impliquant le député du Mouvement socialiste militant (MSM) Kalyan Tarolah. Cet épisode a parallèlement mis en lumière les jeux politiques dans les conseils de village, qui ne sont pas à l’abri des calculs politiciens.
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Si c’est généralement le fonctionnement des municipalités, ainsi que des conseils de district, qui ont plutôt tendance à occuper l’attention du public et des politiciens, le fonctionnement des conseils de village est, pour sa part, souvent relégué au second plan. Pourtant, force est de constater que les conseils de village peuvent aussi peser sur l’échiquier politique, car les stratagèmes et tentatives de renversement de pouvoir y sont profondément ancrés dans les mœurs politiques.
Les salaires de la discorde
Un des premiers facteurs venus changer la donne dans le fonctionnement des conseils de village n’est autre que l’introduction des salaires pour les conseillers villageois à travers le Local Government Act, qui avait été présenté en 2011 par l’ancien ministre Hervé Aimée. Avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, il n’y avait que les conseillers municipaux et de districts qui étaient éligibles pour un salaire. Mais depuis 2011, les conseillers villageois y ont aussi droit. Actuellement, le président d’un conseil de village a droit à un salaire de Rs 10 000 par mois, le vice-président à Rs 6 000 et le simple conseiller Rs 3 000.
Corriger une discrimination
Sanjit Teelock, ancien conseiller au ministère des Collectivités locales, est celui qui avait préparé la nouvelle loi des Collectivités locales de 2011. Il explique que le but de cette démarche consistait à revaloriser le travail des conseillers villageois et ainsi corriger une discrimination. « Mais force est de constater que cette mesure est venue bouleverser la donne. Du coup, une rotation a été mise en place par les conseillers eux-mêmes afin que chacun d’entre eux puissent occuper le poste de président et de vice-président lors de ce mandat de six ans », explique l’ancien conseiller.
Cependant, certains conseillers, une fois élus au poste de président, veulent s’accrocher au pouvoir. Cela a été le cas au conseil de village de Dubreuil. « Je me souviens qu’en 2014, le président sortant ne voulait pas quitter son poste mais, au moment des élections, nous avons pu faire bloc et l’obliger à prendre la porte de sortie », explique Ravi Bhayraw, conseiller villageois à Dubreuil.
Dans d’autres villages, comme à Montagne-Blanche, certains conseillers ont décidé d’avoir recours à la motion de destitution, afin de pouvoir ravir les postes de président et de vice-président. Cela avant même que ceux-ci n’aient tous deux terminé leur mandat de deux ans. Rakesh Seeburrun, membre du conseil villageois de Montagne-Blanche, explique qu’il a frôlé la destitution en 2018. « J’étais alors président du village et j’ai soudainement appris qu’on voulait loger une motion de destitution contre moi et le vice-président. J’ai pu déjouer cette tentative de justesse », se souvient-il.
Incertitude
Plusieurs conseillers de village s’accordent à dire que c’est à partir de 2015 que l’incertitude a commencé à gagner les conseils de village. Si le Local Government Act de 2011 permettait à un président du village de destituer une personne de son équipe dans le cas où cette dernière n’était plus en ligne avec sa politique, cette pratique appartient au passé depuis 2015. « J’avais offert un tel pouvoir aux présidents dans un souci de garantir la stabilité dans les conseils de village. Je me souviens que cette mesure avait été sévèrement critiquée par l’ancien leader de l’opposition, Paul Bérenger, qui avait qualifié cette mesure de dictatoriale », ajoute Sanjit Teelock. Il fait remarquer que, depuis l’abolition de ce pouvoir, plusieurs conseils de villages sont en proie à l’instabilité.
Quid de l’influence des députés et ministres ?
Si au moment des élections, les partis traditionnels ont tendance à se tenir en retrait, la situation évolue en cours de mandat. Ce sont bien souvent les conseillers villageois appelés à siéger comme conseillers de districts qui sont les plus exposés aux partis politiques traditionnels. « Généralement, les conseillers de district trouvent une entente pour que trois d’entre eux obtiennent la chance de siéger au niveau du district. Les six autres se partagent le poste de président et de vice-président de conseil de district. Mais une fois qu’ils font leur entrée dans les conseils de district, ils sont souvent appelés à côtoyer les élus de la circonscription », raconte, pour sa part, un conseiller de district de Rivière-du-Rempart. Ces conseillers sont alors appelés à faire le jeu politique des élus contre certaines promesses financières, d’emplois ou de nominations. « Les élus, généralement ceux qui sont dans l’opposition, veulent avoir la mainmise sur certains conseillers de districts afin de pouvoir déstabiliser ces collectivités locales. De tels jeux sont de plus en plus récurrents à l’approche des élections générales, car les partis politiques veulent donner l’impression que tel ou tel village est plus proche d’eux », ajoute ce même conseiller de district.
Toutefois, pour plusieurs conseillers villageois, lorsqu’un conseiller se prête au jeu des politiciens, c’est le village qui en sort perdant. « Il faut comprendre qu’un village n’a pas droit aux mêmes moyens qu’une ville. C’est pour cela qu’il nous faut privilégier l’esprit d’équipe et ne pas faire de la politique partisane », explique un autre conseiller de village.
C’est ainsi que l’intérêt financier, la mainmise sur les conseils et l’influence des partis traditionnels se sont immiscés dans la gestion des conseils de villages. Le procédé est certes différent mais l’objectif reste le même.
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