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Conjoncture : les défis du gouvernement dans un contexte socio-économique morose 

En stabilisant la roupie, le gouvernement pourra éviter une inflation plus élevée.

2023 ne sera pas de tout repos pour le gouvernement. La pression restera forte pour soutenir les ménages, aider les entreprises tout en veillant au développement du pays. Sans compter que le prochain Budget sera l’avant-dernier avant les prochaines législatives et qu’il pourrait être tentant d’adopter des mesures populaires. 

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Dans un tel contexte où il faut soulager les ménages, soutenir les entreprises, trouver des solutions pour approvisionner le pays en eau potable ou encore se doter des moyens pour faire face à une éventuelle récession, la tâche du gouvernement ne sera pas aisée cette année. « Les défis ne manqueront pas cette année pour le gouvernement », confirme Gérald Lincoln, Country Managing Partner chez EY et économiste. 
Mais des priorités doivent être définies. Pour Gérald Lincoln, la priorité essentielle est de stabiliser la roupie pour éviter une inflation encore plus forte. « C’est en raison d’une inflation élevée qu’il y a eu une série d’augmentations des taux d’intérêt l’an dernier. Ce qui a eu pour effet d’augmenter le coût de l’argent pour les ménages, les entreprises, mais aussi pour le gouvernement qui est un gros emprunteur. Ce qui constitue un poids additionnel sur les finances de l’État », fait-il ressortir. 

Le Dr Avinaash Munohur, politologue et Managing Partner d’Arthésias Ltée, est du même avis.  Le premier des challenges, dit-il, est de régler le problème de pouvoir d’achat. « C’est une urgence ! Il n’y a pas à sortir de là. Pour y parvenir, il y a un ensemble de mesures à mettre en place. Mais un des moyens d’influer positivement sur le pouvoir d’achat, c’est de stabiliser la roupie », soutient notre interlocuteur. 

Gestion d’eau, pôles de croissance…

Pour le Dr Avinaash Munohur, l’autre grand défi pour le gouvernement cette année est d’apporter des « réponses concrètes et efficaces » au problème d’eau. « Les consommateurs souffrent de la situation, mais aussi les entreprises. On ne peut pas se permettre de faire perdurer ce problème, surtout que nous sommes un pays dépendant du tourisme et de l’immobilier », argumente le politologue. 

Outre d’assurer la disponibilité de l’eau, le gouvernement devrait aussi mettre l’accent sur les infrastructures à divers niveaux, recommande Dev Chamroo, Senior Consultant chez CITC. « Le Metro Express est une bonne initiative, mais il faudra aussi s’assurer de faire le nécessaire pour tout ce qui est lié à l’eau et l’électricité, au port, aux routes, au coût des Tic », suggère l’observateur.  

Sur le plan économique, Dev Chamroo se prononce pour la diversification de l’économie. « La croissance est essentiellement axée sur des secteurs qui sont en recul depuis plusieurs années, tels que le secteur manufacturier à titre d’exemple. Il faut changer la donne », préconise-t-il. Gérald Lincoln abonde dans le même sens. « Il y a eu un bon démarrage dans le tourisme, mais les conditions ne sont pas idéales car le prix du billet d’avion reste très cher. Le challenge est de savoir sur quels autres pôles de croissance il faut miser », soutient-il. 

Il faudra, poursuit-il, tabler sur le secteur financier « qui est un pôle de croissance avec beaucoup de valeur ajoutée ». Parallèlement, recommande Gérald Lincoln, il ne faudrait pas abandonner certaines initiatives que le gouvernement a déjà lancées telles que l’industrie pharmaceutique, la « knowledge economy » et tout ce qui se rapporte à l’innovation. 

Efficience du secteur public 

Autre défi : la gestion des institutions. « Le gouvernement doit montrer et démontrer qu’il fait tout pour combattre la corruption, ainsi que la criminalité et le trafic de drogue », résume le Dr Avinaash Munohur. Dev Chamroo fait remarquer, pour sa part, qu’il y a trop d’institutions à Maurice. « Ce qui est également dommage, c’est qu’elles ne collaborent pas entre elles. Il faut un alignement entre la mission de ces institutions et la politique économique du pays. Il faudrait aussi qu’elles soient redevables de leurs actions », souligne-t-il. 

Dans le même ordre d’idées, Dev Chamroo estime qu’un autre défi de l’État cette année est d’améliorer l’efficience et l’efficacité du secteur public. « Si en termes de réformes économiques, nous sommes sur la bonne voie, en termes de réformes administratives, il y a grand besoin d’amélioration surtout en termes d’e-governance », fait-il ressortir. Kadress Pillay, ancien directeur de l’Audit, ancien ministre, citoyen engagé et observateur politique, déplore, pour sa part, que dans une société qui avance sur le plan technologique, le secteur public prend son temps. 

Au niveau de la gestion des finances publiques, le gouvernement n’est pas tiré d’affaires. « Le service de la dette commence à inquiéter. Surtout avec une démographie qui n’est pas bonne, avec un taux de natalité en baisse et une population vieillissante en hausse. Ce qui viendra mettre la pression sur les générations futures », prévient Gérald Lincoln. Et Dev Chamroo de renchérir : « Il faudra réduire la dette et apporter un équilibre au niveau de la balance des paiements ».

Si les défis ne manqueront pas, le gouvernement a, quand même, une certaine marge de manœuvre. La situation économique s’est améliorée comparativement aux périodes marquées par la pandémie.

Certaines aides offertes, notamment le Wage Assistance Scheme, ont été retirées de l’équation. En termes de recettes fiscales, l’État a touché plus d’argent sur la TVA en raison de la hausse des prix, mais aussi sur d’autres taxes comme celles entrant dans la structure des prix des carburants. 

Les erreurs à ne pas faire selon… 

Dev Chamroo, Senior Consultant chez CITC : « L’économie reste fragile et vulnérable. La situation dépendra de comment s’en sortiront nos secteurs, nos investissements, entre autres. Dans un tel contexte, l’erreur à ne pas commettre est de faire des dépenses sans retour sur investissement. On ne peut pas demander aux Mauriciens et au secteur privé de se serrer la ceinture pour que le gouvernement ‘casse la baraque’ au niveau des dépenses. Faire des sacrifices s’applique non seulement aux ménages, aux entreprises, mais également au gouvernement. »  

Kadress Pillay, observateur politique : « Nous avons perdu des points sur le plan de la démocratie. Le gouvernement doit se ressaisir. Une image anti-démocratique est dangereuse pour le gouvernement, le pays et la population en général. »  

Dr Avinaash Munohur, politologue et Managing Partner d’Arthésias Ltée : « Le gouvernement devra éviter le manque de transparence dans ses actions ainsi qu’une communication mal maîtrisée. Il faudra mieux parler et communiquer aux Mauriciens. »  

Finances publiques et approche des élections 

Dans un contexte où les élections sont proches, la tentation de « fer labous dou » sera là, affirme le Dr Avinaash Munohur. D’autant plus, ajoute-t-il, que nous sommes dans « une situation de grogne actuellement » avec le pouvoir d’achat en berne et le problème de gestion d’eau. « Le gouvernement va vouloir montrer qu’il est capable de ‘deliver’. On s’attend ainsi à une augmentation de la pension. C’était d’ailleurs dans le programme électoral. On devine également une hausse du salaire minimum, sans compter qu’il y aura une grosse pression sur le ministère du Logement », soutient le Dr Avinaash Munohur. Or, pour Kadress Pillay, jouer les généreux n’est pas conseillé. « Le gouvernement doit faire preuve de sérieux et afficher un leadership éclairé avec des propositions concrètes dans le temps et réalisables avant les élections », suggère-t-il. Dev Chamroo y va aussi de son commentaire. « Mettre en place une politique ‘electoral friendly’ comporte des risques. ‘We can’t bite more than we chew’. Cela est valable aussi pour l’opposition. On ne peut faire des promesses sans une analyse profonde de l’impact de ces décisions », fait-il ressortir. 

 Ils ont dit

Kadress Pillay : « Le combat contre la drogue, le problème de l’environnement, le ‘law and order, le changement climatique, l’éducation, la santé et l’économie sont prioritaires. Il faudra aussi revoir la mentalité par rapport au travail. Le pays fait venir des étrangers alors que des Mauriciens ne travaillent pas. Il faudra connaître les raisons pourquoi les Mauriciens ne travaillent pas et apporter des solutions pour y remédier. » 

Gérald Lincoln : « Je suis plutôt optimiste pour le pays, avec un joli retour des arrivées touristiques en 2022. Une bonne année est devant nous. »

 

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