L’ouverture de la conférence internationale « Mauritius after 50 Years of Independence » a eu lieu le mercredi 28 juin à l’Université de Maurice. Durant trois jours, les participants livreront leurs réflexions et feront le bilan des 50 ans d’Indépendance du pays.
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Faire de cette conférence un événement national majeur. C’est le pari que se sont lancé l’Université de Maurice (UoM) et le Mauritius Research Council. Le but est d’ouvrir l’espace de l’université aux réflexions les plus variées. La participation de conférenciers malgaches, français, danois, anglais, écossais, japonais, indiens et allemands illustre la volonté des organisateurs de jeter un peu de lumière sur certains pans de notre histoire. « Il faut s’investir dans la recherche et la création, afin de libérer le génie créateur mauricien. Certes, nous l’avons fait dans le secteur sucrier, mais pas dans d’autres domaines », déplore Nando Bodha.
Les discours se sont succédé de 12 h 30 à 17 h 45. Les intervenants se sont exprimés sur diverses thématiques. Ils ont dépeint une île Maurice marquée par ses étapes coloniales, pré et postindépendante, jusqu’à ce jour. À l’heure des questions, on a eu droit à des réflexions recentrant certains aspects des propos. Vinesh Hookoomsingh, modérateur d’un panel et ex-universitaire à Réduit, s’est interrogé sur le sens et le lieu dédié aux figures historiques de Maurice, les statues de la Place du Quai. Un sujet développé par la doctorante Chaya Hurnauth de l’UoM.
Créolité à Maurice
C’est une universitaire à la fois passionnée et pointue qui a tenté de dépoussiérer le grand livre de l’histoire de Maurice, avec ses secrets et ses non-dits. Manisha Dookhony se demande comment est-ce possible que le terme créole soit le grand absent des documents officiels à l’ère coloniale alors que le terme est bien « présent dans les actes notariés » ? Une telle absence, indique Suzanne Chazan-Gillig de l’université Paris-V Sorbonne, ne peut découler que d’une complicité entre l’administrateur britannique et les colons français.
Excision des chagos
Un moment très émouvant : le récit du Dr Laura Jeffery qui a évoqué les tractations sous-jacentes à l’excision de l’archipel des Chagos du territoire mauricien. L’intitulé de son intervention : For Mauritian, joy ; for Chagossians sadness. Pour l’Écossaise – qui a revendiqué son identité, refusant de s’associer à un acte anglais –, l’indépendance de Maurice a été obtenue au prix des malheurs de la population chagossienne. On retiendra aussi l’intervention du Dr Julie Pegnini dans laquelle elle s’emploie à comparer deux modèles concurrents de construction nationale : d’une part, le mauricianisme, d’inspiration francophone et à visée assimilationniste et d’autre part, l’unité dans la diversité, qui prône le pluralisme et où les différences communautaires sont reconnues.
La conférence se poursuit ce jeudi matin, dès 9 h 45, avec le panel axé sur la thématique Rethinking Citizenship in the 21st century Africa, avec une introduction du Professeur Francis Nyamnjoh, de l’université de Cape Town. Elle se terminera par la thématique Re-engineering Human Capital : Exploring New Models and Methods, avec pour modérateur le Dr Caroline Ng Tseung Wong, de l’UoM.
La Constitution de Maurice vue par Milan Meetarbhan
Sur le thème « A critical Look at the Mauritian Constitution at 50 », le juriste Milan Meetarbhan fait observer que la rédaction de la Constitution de Maurice n’est pas le fait de Mauriciens, mais d’une loi issue de la conférence de Lancashire, à Londres en 1965, soit avant l’Indépendance. Ce qui aurait dû être le document suprême de notre pays, au-dessus de l’exécutif, a fini par être assujetti par les politiques.
« Lorsqu’un gouvernement veut amender la Constitution à des fins politiques, il lui suffit de disposer de deux tiers ou des trois quarts des députés. On l’a vu à deux reprises. Si un gouvernement veut déclarer une loi anticonstitutionnelle, il lui suffit d’amender la Constitution. L’an dernier, il y a eu une tentative avortée grâce au départ d’un parti du gouvernement, ce qui l’a privé de la majorité nécessaire », souligne Milan Meetarbhan. La question du vieillissement de la population a été au centre de l’intervention d’Andrea Ressel, de l’université d’Harvard. Si Maurice a été visionnaire en mettant en œuvre une politique de contrôle des naissances, aujourd’hui se pose la problématique du traitement de nos aînés, en termes de services de santé en tenant compte de la croissance démographique. « Le vieillissement de la population est inévitable. Il faut planifier ce processus en recueillant des données, car il a des impacts sur l’économie », a rappelé Andrea Ressel.
Manisha Dookhony : Rajeunir la classe politique
La problématique d’une population vieillissante serait-elle l’un des chaînons manquants de la difficulté à rajeunir la classe politique ? À entendre Manisha Dookhony, ce facteur explique le refus des dirigeants des grands partis de céder la place aux jeunes : il n’y a aucun espace accordé aux nouveaux venus. Selon Manisha Dookhony, la crise de leadership n’affecte pas seulement la classe politique mais aussi le secteur privé qui ne peut faire mieux que le gouvernement concernant la place faite aux femmes.
Plus près de nous, elle cite l’absence de femmes à la conférence du Parti travailliste annonçant l’investiture de son candidat à l’élection partielle de Belle-Rose/Quatre-Bornes. « Il faut remonter à 1970, année de tourmentes sociales et politiques, pour voir un tournant dans le paradigme politique. Les dynasties sont apparues sur la scène politique dans les années suivantes », dit-elle. Prenant à contre-pied les discours consensuels, elle s’appuie sur la dernière publication du coefficient Gini pour démontrer que les inégalités se creusent à Maurice.
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