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Compensation salariale : le calcul se fera sur un taux d’inflation de 3,3 %

Compensation salariale Le taux d’inflation annoncé a été diversement commenté à l’issue de la réunion de jeudi qui s’est tenue à huis clos.

En prélude des réunions du comité tripartite sur la compensation salariale prévues le 6 décembre et qui seront présidées par le Premier ministre et ministre des Finances, un comité technique, présidé par le ministre du Travail Soodesh Callichurn, s’est réuni jeudi. Statistics Mauritius annonce un taux d’inflation de 3,3 % jusqu’à décembre.

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Quel sera le taux de la compensation salariale accordé aux salariés pour compenser la perte du pouvoir d’achat en 2018 ? On sait déjà qu’il sera calculé sur un taux d’inflation de 3,3 %, comme annoncé par le directeur de Statistics Mauritius. Ce taux a été diversement commenté par le patronat et les syndicats, à la sortie de la réunion du jeudi 22 novembre qui s’est tenue à huis clos.

Pradeep  Dursun, Chief Operating Officer de Business Mauritius, rappelle que selon les règlements, si le taux d’inflation est inférieur à 5 %, il n’y a pas de compensation salariale. Hypothèse que rejettent le ministre Soodesh Callichurn et les syndicats. Selon le porte-parole du patronat, si des entreprises financièrement solides peuvent accorder la compensation salariale en sus du salaire minimal, ce ne sera pas le cas pour les petites et moyennes entreprises.

Le taux d’inflation de 3,3 % ne fait pas l’unanimité chez les syndicalistes. Pour Reeaz Chuttoo, secrétaire de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), « on ne peut pas dire que tous les salariés sont frappés par une inflation de 3,3 % ». Les petits salaires sont plus frappés par la hausse des prix que les salaires plus élevés. « Si on détermine la compensation avec un taux de 3,3 % et le salaire de base de Rs 16 500 préconisé par Statistics Mauritius, cela fait Rs 548. Or, 95 % des membres de la CTSP touchent moins de Rs 16 500 mensuellement », dit-il. D’où sa demande pour une compensation de Rs 1 000 pour les salaires au bas de l’échelle et Rs 550 pour les salaires de plus de Rs 16 500.

Atma Shanto, du Trade Union Common Front Platform, estime que ce taux d’inflation ne reflète pas la réalité. Il réclame une enquête du bureau des statistiques sur la disparité salariale dans le secteur privé.

Ashok Subron, négociateur de la General Workers Federation et de la Confédération syndicale de gauche-solidarité, a mis en garde le gouvernement contre toute tentative de ne pas accorder de compensation salariale. Il a réclamé une enquête sur le montant total de l’impôt sur le revenu imposé aux entreprises privées. « C’est sur les résultats de cette enquête que nous déterminerons le montant de la compensation que nous communiquerons au ministre des Finances. »


Pradeep Dursun : «Il faut considérer les entreprises qui ont une faible marge de manœuvre»

Pradeep Dursun, Chief Operating Officer (COO) de Business Mauritius, dresse un premier constat. « Si le taux d’inflation est inférieur à 5 %, on ne paiera pas de compensation salariale. » Il insiste sur le fait qu’on ne peut pas se baser uniquement sur l’inflation pour calculer le montant de la compensation salariale. « La croissance, la productivité et l’emploi, ainsi que la capacité des entreprises à payer sont d’autres éléments dont il faut tenir compte. » Si on fait abstraction de la capacité de payer, plusieurs entreprises auront du mal à payer la compensation salariale.

Selon Pradeep Dursun, il faut aussi tenir compte des résultats de l’Impact Assessment sur le salaire minimal pour déterminer le montant de la compensation. Le COO de Business Mauritius regrette qu’un an après l’entrée en vigueur du salaire minimal, « il n’y ait pas eu de refonte du système salarial à Maurice ». Il s’inquiète surtout pour les petites entreprises, qui comptent plusieurs employés et qui devront payer la compensation en sus du salaire minimal. S’il trouve légitime que les entreprises qui ont la capacité de payer le fassent, il estime néanmoins qu’il « faut aussi penser à celles qui ont une marge de manœuvre très limitée pour accorder la compensation salariale ».


Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME : «Un fardeau additionnel pour les entrepreneurs »

amarLe coup d’envoi des négociations sur la compensation salariale a été donné jeudi. Quelle est votre position sur la question ?
La situation est déjà difficile. Une augmentation salariale influera directement sur les coûts de production. S’il n’y a pas un gain de productivité pour compenser cette hausse des salaires, les consommateurs mauriciens ou les importateurs de l’étranger devront en faire les frais. Or, il n’y a pas de gain en productivité sans investissement dans les outils modernes de production ou à travers d’autres baisses de coût de production.

Les PME ont-elles les moyens de payer la compensation salariale ?
La question n’est pas là. Dès que la compensation sera annoncée, tout employeur serait légalement tenu de la payer, qu’il en ait les moyens ou pas. Faute de quoi, il y aura dépôt de bilan… bref la fermeture. Quand il y a eu l’introduction du salaire minimal, plusieurs entrepreneurs – et pas uniquement les petits – ont eu des difficultés à payer. Venir avec une hausse salariale déraisonnable et difficilement absorbée rendra la compétition au niveau national et à l’international encore plus rude. Il y a un risque que les entrepreneurs locaux se tournent davantage vers l’importation que la production locale. Notre base industrielle, qui s’amenuise d’année en année, s’effritera davantage.

Les syndicats recommandent une compensation variant entre Rs 550 et Rs 1 000. Qu’en pensez-vous ?
J’ai toujours dit qu’une compensation salariale payée sur une base nationale n’est pas dans l’intérêt du pays. Il y a des secteurs (tourisme, TIC, secteur financier, construction) qui ont la capacité de payer. Parallèlement, il y a d’autres secteurs, surtout ceux qui sont engagés dans l’activité industrielle, qui sont en difficulté. Avec la compensation salariale, on vient leur ajouter un fardeau additionnel sur le dos. Cela pèsera lourd sur la balance.


Parole à des économistes

Vishal Ragoobur : «Il faut tenir compte de la capacité de paiement des entreprises»

« La logique de la compensation est de compenser la perte du pouvoir d’achat. Si on établit qu’il y a eu perte du pouvoir d’achat, il faut payer la compensation salariale. » Tel est l’avis de Vishal Ragoobur. Toutefois, ajoute l’économiste, il faut prendre en considération d’autres facteurs, comme la capacité de paiement des entreprises, l’emploi, le chômage, la croissance et la situation économique en général.

Ganessen Chinnapen : «Il faut un juste milieu»

L’économiste Ganessen Chinnapen est catégorique : « Il y a eu la flambée des prix liée aux chocs externes. Il est donc important de réajuster cette perte du pouvoir d’achat par une compensation. Il faut toutefois un juste milieu. » Il ne faut pas, ajoute-t-il, que le montant de la compensation « soit trop haut ou trop bas car il ne servira pas à couvrir la perte du pouvoir d’achat ».

Eric Ng : «Il faut limiter le paiement à un barème de salaire»

Pour Eric Ng, il est impératif de payer la compensation d’autant plus que le taux d’inflation a augmenté. « Ceci dit, faut-il accorder la compensation à tout le monde ? C’est discutable. Comme le contexte économique est difficile, il faut se limiter à un barème de salaire pour le paiement de la compensation », ajoute-t-il.

Pierre Dinan : «Que le taux de la compensation ne soit pas influencé par les élections»

« La compensation salariale est une pratique qui existe depuis longtemps. À moins de tourner la page complètement, il est bon qu’il y ait ces réunions tripartites », commente Pierre Dinan. L’économiste insiste sur le fait que la compensation doit être justifiée.

« L’inflation étant relativement basse, il ne faudrait pas que le taux de la compensation soit influencé par les échéances électorales », souligne-t-il.

Et de conclure : « Au-delà de la compensation salariale, il est bon de rappeler que la population mauricienne dans son ensemble est en train de vivre au-dessus de ses moyens. Il y a deux signes qui ne trompent pas : le déficit qui ne cesse de grandir et le taux de la consommation par rapport au Produit intérieur brut et au faible taux de l’épargne. Qu’attendons-nous pour prendre conscience que nous devons dépenser selon nos moyens ? »

 

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