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Changement climatique, de la pluviométrie…Réservoirs : l’impératif d’une efficacité améliorée

De nouvelles techniques doivent être explorées afin d’améliorer la capacité de stockage de nos réservoirs.
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Les effets du changement climatique, qui frappent le pays de plein fouet avec des incidences directes sur notre pluviométrie, relancent le débat sur l’efficacité de nos réservoirs. Étant d’une valeur considérable, les six réservoirs du pays doivent être repensés pour assurer une meilleure distribution de l’eau. 

Changement de la pluviométrie 

L’ensemencement des nuages proposé 

osman
Osman Mahomed

« La pluie ne tombe plus dans les régions habituelles. » Le ministre des Services publics Joe Lesjongard l’a concédé, mercredi en conférence de presse. Faisant ainsi valoir qu’avec le phénomène du changement climatique, la pluviométrie à Maurice a considérablement changé. 

Cette déclaration lance le débat sur la pertinence de nos six réservoirs. Quelle est leur utilité s’ils ne parviennent plus à capter la pluie nécessaire ? 

Le député du PTr Osman Mahomed, ingénieur de formation, souligne d’emblée que les six réservoirs du pays sont d’une valeur inestimable pour le pays. « Rien qu’en termes de valeur financière, les réservoirs peuvent facilement valoir une quarantaine de milliards de roupies, ce qui est énorme. Il est donc primordial d’explorer les meilleures solutions possibles pour assurer que ces réservoirs sont en mesure de continuer à servir le pays au meilleur de leurs capacités », affirme-t-il. 

Les réservoirs peuvent facilement valoir une quarantaine de milliards de roupies»

Mais comment faire, si la pluie ne tombe pas dans les régions où ils sont situés ? « Il faut envisager des techniques qui pourront obliger la pluie à tomber dans ces régions précises. » Le député de la circonscription n°2 (Port-Louis Sud/Port-Louis Centre) propose notamment le recours à la technique d’ensemencement des nuages. 

Qu’est-ce donc ? Cela consiste à percer des nuages pour faire tomber la pluie. « Cette mesure avait été proposée quelques années de cela, mais les autorités mauriciennes avaient fait comprendre que cette technique n’était pas appropriée en raison de la petite taille du pays », fait savoir Osman Mahomed. Il est toutefois d’avis qu’avec l’évolution et le développement de nouvelles technologies, « il serait pertinent de garder l’esprit ouvert et voir si cette proposition peut aujourd’hui être appliquée ». 

Autre proposition à considérer : la connexion des rivières situées aux alentours des réservoirs. L’objectif est de faire en sorte que ceux-ci soient mieux alimentés à l’avenir. « Une telle mesure permettrait à un réservoir d’avoir cinq millions de mètres cube d’eau additionnels », avance Osman Mahomed.

Construction de réservoirs : les critères

La construction de réservoirs nécessite deux compétences précises. Celle d’un hydrologue pour décider du site de construction. Et celle d’un ingénieur civil pour exécuter la construction. 

Autre aspect fondamental : les alentours du site identifié. « Le site doit être un bon ‘catchment area’. S’il y a des rivières qui sont situées autour du site identifié, c’est encore mieux », dit Osman Mahomed. 

Concernant la qualité du sol, il fait ressortir qu’un réservoir doit absolument être construit sur de la terre argileuse afin de retenir l’eau. « Un réservoir ne peut pas, par exemple, être construit sur du sable, car toute l’eau sera absorbée rapidement. » 

Un réservoir ne doit également pas être construit à côté d’un champ agricole, selon le député rouge, car les pesticides qui sont injectés dans ces champs pourraient y être déversés et dans le long terme, cela pourrait avoir de sérieuses répercussions sur la santé publique, souligne-t-il. 

La proximité d’une montagne à côté du site identifié pour procéder à la construction d’un réservoir est un autre aspect important, selon lui. « C’est à partir de cette montagne que les matériaux de construction, comme des gros rochers, ainsi que le rocksand seront extraits. Cela évite ainsi d’acheter des matériaux de construction et que des camions fassent le va-et-vient à longueur de journée pour les véhiculer sur le site. »

La décentralisation du captage de l’eau proposée

bagatelle dam
Le Bagatelle Dam est le dernier réservoir à avoir été construit. Après les récentes pluies, il affichait un taux de remplissage de 32,1 % samedi 21 janvier.

Constat : lors des averses du 19 au 20 janvier, ce sont les régions de Quatre-Bornes et Rivière-Noire qui ont enregistré la plus forte pluviométrie, avec 87,9 mm et 84 mm respectivement. Mare-aux-Vacoas n’a accueilli que 37,9 mm. 

Avec les effets du changement climatique, la répartition des averses n’est plus la même sur l’île. Les régions autrefois sèches accueillent un plus grand volume de pluie, alors que les zones humides, où se trouvent nos réservoirs, sont déficitaires.

vassen
Vassen Kauppaymuthoo

Face à cette situation, de nouveaux points de captage d’eau doivent être aménagés dans ces régions, estime Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement et océanographe. Il parle d’une « urgence ». 

Selon lui, il y a plusieurs zones où de nouveaux réservoirs peuvent être aménagés afin d’augmenter la capacité de stockage d’eau. Il cite Rivière-des-Anguilles (NdlR, où il y a déjà un projet de réservoir), Grande-Rivière-Nord-Ouest, Grande-Rivière-Sud-Est. De même que toutes les grandes vallées, comme à Rivière-Noire, où l’eau peut être stockée en y plaçant des barrages ou en créant des réservoirs.

« Ces réservoirs peuvent être de deux types : de grands mais aussi des structures plus petites, et les délocaliser afin de pouvoir desservir les localités faisant face à des difficultés d’approvisionnement en eau potable », explique l’ingénieur en environnement. 

Ainsi, au lieu de faire des réservoirs d’une capacité de plusieurs millions de mètres cubes, il est possible de faire des réservoirs à Tamarin, Yémen, Rivière-Noire par exemple, poursuit Vassen Kauppaymuthoo. Ce qui pourrait alors soulager les habitants de ces régions. Il propose, dans la foulée, des zones de captage d’eau dans les régions du nord et de l’est du pays.

Ces réservoirs ne devraient pas prendre plusieurs années à construire, poursuit-il. « Si on veut aménager rapidement un réservoir, il suffit de prendre un excavateur, de creuser le sol afin de faire un cordon de terre de deux à trois mètres de haut et d’y placer une membrane imperméable, et remplir d’eau par la suite. Cela devient alors un réservoir » dit-il. Ce type d’aménagement existe sur les grandes propriétés sucrières. 

Il existe aussi des réservoirs métalliques de 10, 20, 30, 50 ou 100 m3 qu’il est possible de monter comme des pièces d’un jeu d’assemblage dans diverses régions ajoute-t-il. Cela contribuera à augmenter la capacité de captage et de stockage d’eau afin de décentraliser la gestion de l’eau.
Vassen Kauppaymuthoo affirme qu’en tant que pays tropical, Maurice ne devrait pas manquer d’eau, même si la pluviométrie a diminué de 8 % par rapport à il y a 50 ans. 

« Avec environ 2 000 mm de pluie chaque année, cela fait environ 3,2 à 3,4 m3 d’eau déversée sur l’île, en prenant en considération la superficie du pays qui est de 1 800 m2, qu’on multiplie par 2 mètres. De ce nombre, 30 % s’évapore, une partie entre dans la terre (10 %) et une partie coule (60 %). »

Si le pays manque d’eau aujourd’hui c’est parce que les décideurs n’ont pas songé à construire des réservoirs à l’exception du Bagatelle Dam»

Ce qui lui fait dire qu’en prenant en considération la quantité de pluie qui coule et la capacité de nos réservoirs, il ne nous reste que 2 % à 3 % d’eau utilisable qui ne s’évapore pas. En augmentant la capacité de captage d’eau, pour l’élever par exemple à 4 %, cela rehaussera la quantité d’eau stockée, permettant ainsi au pays de traverser plus facilement les périodes de sécheresse.

D’autre part, rappelle l’ingénieur en environnement, 60 % de l’eau potable émane des nappes phréatiques. Cependant, avec les diverses constructions en béton et de routes, la percolation n’est plus possible et ces réservoirs d’eau souterrains n’arrivent pas à se recharger, l’eau étant déplacée ailleurs au lieu de pénétrer la terre et remplir les nappes phréatiques. 

« Nous devons limiter ou diminuer le bétonnage et le remplacer par des zones vertes, des micro-forêts ou des forêts indigènes, afin de sauvegarder l’humidité et ainsi attirer davantage de pluies. Cela coule de source que la pluie va tomber là où il y a des arbres ou des forêts qui agissent comme un aimant. Les zones bétonnées, au contraire, dégagent de la chaleur et empêchent la condensation et la pluie de tomber », fait-il savoir.

Pour Vassen Kauppay-muthoo, le pays devrait avoir des objectifs à long, moyen et court termes. Dans l’immédiat, pour soulager la population, il suggère des unités de dessalement décentralisés pour approvisionner les villages côtiers. Dans le moyen terme, il est possible d’avoir des réservoirs décentralisés en faisant des cordons de terre pour retenir l’eau. Et d’ici 5 à 10 ans, il faudrait que le pays dispose de nouveaux réservoirs. 

« Si le pays manque d’eau aujourd’hui, c’est parce que les décideurs n’ont pas songé à construire des réservoirs à l’exception du Bagatelle Dam. » Entre-temps, la consommation d’eau a augmenté, passant de 120 à 130 litres par personne. D’où l’urgence de mettre en place un plan pour résoudre le problème d’eau pour les 50 prochaines années. 

eaux

Gestion de l’eau : ce qui cloche

cwa

Face à la crise de l’eau, la Central Water Authority (CWA) a-t-elle la capacité de se réinventer ? À cette question, un ancien cadre affirme, sous le couvert de l’anonymat, que l’organisme a l’expertise nécessaire pour bien gérer ses ressources. N’empêche, quelques « ajustements » s’imposent pour une gestion plus efficiente. Pour sa part, l’hydrologue Farook Mowlabucus plaide pour un « Reservoir Operation Rule ». 

Responsabilité 

Qui est responsable de la gestion des réservoirs, la CWA ou la Water Resources Unit (WRU) ? Selon l’ancien cadre de l’organisme, c’est la CWA qui a le devoir et les compétences pour. « À l’époque, la WRU était responsable de la construction de barrages et non de la gestion des réservoirs », dit-il. 

Clans

L’existence de clans au sein de la CWA serait au détriment de sa bonne gestion, poursuit notre interlocuteur. « D’un côté, certains tentent d’être bien vus. Et de l’autre, des seniors ayant les compétences sont mis à l’écart », regrette-t-il. 

Méritocratie 

L’ancien cadre évoque également une certaine « frustration ». Car bien des fois, une personne n’ayant aucune connaissance de l’eau est propulsée au poste de directeur de la CWA. 

« Auparavant, c’était des ingénieurs qui, au fil des années, gravissaient les échelons pour devenir directeur adjoint et ensuite directeur. Ils avaient les aptitudes pour bien gérer la CWA. Ce qui n’est plus le cas. Aujourd’hui, on n’a pas forcément la bonne personne à ce poste. »

Pour lui, la CWA n’a pas forcément besoin de se réinventer. « Il faut juste créer un environnement où tout un chacun se sente bien », préconise-t-il. 

Reservoir Operation Rule

L’hydrologue Farook Mowlabucus précise que, dans les années 89-90, Severn Trent Water Authority avait élaboré un plan pour opérer le Mare-aux-Vacoas, soit le Reservoir Operation Rule. « On aurait dû faire cela pour tous les réservoirs. Cela aiderait les ingénieurs à mieux gérer nos réservoirs, car il y a plusieurs scénarios qui imposent des gestions différentes. » 

Réduction des pertes

Le plus important, selon l’hydrologue, est de régler le problème de pertes sur le réseau. « Les pertes sont de plus de 50 %. Si la CWA produit 300 000 mètres cubes d’eau par jour, ce n’est finalement que 150 000 mètres cubes qui arrivent dans les foyers. Cette quantité est suffisante, puisque les gens ne se plaignent pas en temps normal. Si on réparait les fuites, on pourrait ainsi préserver ces 150 000 mètres cubes d’eau qui se perdent », lance Farook Mowlabucus.  

Thierry Laurent /Jean Marie St Cyr / Adila Mohit

 

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