
Parvez Dookhy : « Restons vigilants sur tous les fronts »

Avocat en droit international, Parvez Dookhy a salué cet accord comme l’épilogue d’un long combat, tout en soulignant les responsabilités qui en découlent. « Le Royaume-Uni reconnaît désormais la souveraineté mauricienne sur les Chagos et il ne pourra plus revenir en arrière. » Il rappelle toutefois que l’adoption de cet accord par le Parlement britannique est une étape cruciale, car c’est ainsi qu’il deviendra juridiquement contraignant dans l’ordre interne du Royaume-Uni.
Parvez Dookhy avertit : si le Royaume-Uni devait revenir sur sa parole, il serait considéré devant les instances internationales comme un occupant illégal. Mais au-delà du plan juridique, l’avocat invite les Mauriciens à faire preuve de vigilance. « Il nous revient de surveiller l’Inde afin qu’aucune base militaire ne s’installe sur notre territoire, de veiller à ce que les rentes générées ne soient pas dilapidées par les dirigeants et de garantir une exploitation respectueuse de l’environnement », énumère-t-il. Pour lui, ce n’est pas seulement un gain territorial, mais une responsabilité historique. « Nous ne pouvons plus dire que Maurice est un petit pays. ». Il évoque l’immensité de la zone économique exclusive qui accompagne cette souveraineté retrouvée.
Nando Bodha : « Une page se tourne, une autre commence »

Le leader du Rassemblement mauricien, Nando Bodha, a, lui aussi, salué cette avancée en la qualifiant de tournant décisif. Pour lui, cette étape symbolise la fin du combat pour la reconnaissance de la souveraineté, mais surtout le début d’une nouvelle ère faite de « réhabilitation et de reconstruction ».
Grâce à cet accord, Maurice dispose désormais des moyens nécessaires pour remettre l’archipel sur la voie de la prospérité, de la justice et de la dignité. Toutefois, il nuance cette victoire en évoquant la présence militaire britannique à Diego Garcia, qui reste sous leur souveraineté fonctionnelle. « Cette situation montre que la décolonisation du continent africain reste incomplète », regrette-t-il. Il estime que des négociations multilatérales impliquant l’Union africaine, l’Inde et d’autres pays amis auraient pu aboutir à un accord plus favorable.
Nando Bodha rend un hommage appuyé aux Chagossiens. « Ce sont eux, ceux qui ont été déracinés, qui ont porté cette cause avec détermination. » Citant Nelson Mandela qui les comparait aux Palestiniens de l’océan Indien, il insiste sur la nécessité de les honorer. Il appelle à un processus de réinstallation respectueux des droits humains et à la mise en place d’un forum régional au sein duquel Maurice pourrait défendre ses intérêts.
Anil Gayan : «Un devoir accompli»

Pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, Anil Gayan, « c’est le sentiment du devoir accompli ». « La lutte a été longue, mais aujourd’hui, le pays sort gagnant. » Il se souvient avec précision de ses premières démarches dès 2000, alors qu’il était à la tête de la diplomatie mauricienne. Pour lui, cette victoire ne saurait être détachée du rôle crucial joué par sir Anerood Jugnauth.
« Cet homme, malgré son âge, a eu le courage de plaider devant la Cour internationale de justice. Il faut lui rendre hommage », insiste Anil Gayan. Il note que c’est une victoire pour le pays, mais aussi pour le peuple chagossien qui a souffert dans l’exil. Pour ce juriste, l’argent prévu dans l’accord « passe au second plan ». Il dit avoir confiance dans la capacité des autorités à bien gérer les ressources mises à disposition pour le développement de l’archipel.
Ce n’est pas seulement un chapitre politique qui se ferme, ajoute-t-il, mais une page de justice réparatrice. « Aujourd’hui, nous avons rendu justice au pays, mais aussi à un peuple qui a longtemps vécu dans l’oubli. »
Satteeaved Seebaluck : « Ce genre de victoire n’arrive qu’une fois dans une vie »

À la retraite depuis 2020, l’ancien secrétaire au cabinet, Satteeaved Seebaluck, a suivi toutes les étapes décisives de ce combat national. Il conserve une mémoire précise de chaque moment fort. « En 2016, SAJ m’avait confié le dossier. Et en 2017, je le vois revêtir sa robe d’avocat pour porter l’affaire devant la Cour internationale de justice », raconte-t-il avec émotion.
Il se dit honoré d’avoir travaillé aux côtés du célèbre avocat Phillip Sands et d’avoir assisté à toutes les grandes réunions diplomatiques, politiques et même techniques qui ont jalonné ce dossier. Malgré la pression, il ne s’est jamais découragé. « Même après ma retraite, j’ai gardé confiance. Ce genre de victoire n’arrive qu’une fois dans une vie », dit-il. Satteeaved Seebaluck se souvient aussi des longues nuits passées à affiner les arguments devant le Tribunal du droit de la mer ou devant la CIJ. Il rend hommage à toutes les personnes, souvent anonymes, qui ont travaillé sans relâche. « Aujourd’hui, le pays peut être fier de ce qui a été accompli. Cette victoire est collective. »
L’accord signé entre Maurice et le Royaume-Uni ne marque pas seulement la fin d’un contentieux. Il impose une nouvelle dynamique de gouvernance et de justice. Derrière cette victoire diplomatique se profilent des enjeux stratégiques, sociaux et environnementaux. La réinstallation des Chagossiens, la préservation de l’écosystème marin, la gestion des ressources financières et l’affirmation de la souveraineté mauricienne dans la région constituent les grands chantiers de demain.
Comme l’ont fait observer Parvez Dookhy, Nando Bodha, Anil Gayan et Satteeaved Seebaluck, cette victoire est une conquête du droit, de la persévérance politique et de la mémoire. Le peuple mauricien a non seulement récupéré un territoire, mais aussi une part essentielle de son histoire.

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