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Cédric Béguier, Head of Investment Strategy chez Axys : «La juridiction financière mauricienne n’a pas à rougir des standards européens»

« Aujourd’hui, le trading est accessible à tous et se fait par téléphone ». Ainsi résume Cédric Béguier à propos des opportunités qu’offrent les placements financiers dans des sociétés d’investissements. Le Head of Investment Strategy au sein d’Axys observe ainsi que « beaucoup loupent des trains et restent sur le quai du dépôt bancaire traditionnel ». C’est sans doute parce qu’« en 2023 et 2024, nos stratégies ont porté leurs fruits et nous observons une reprise significative », fait-il valoir en parlant de l’AXIOM Yield Fund qui, souligne-t-il, « reflète une remarquable résilience face à un contexte extrêmement volatil ».

Comment vos fonds d’investissements ont-ils survécu à la double crise provoquée par la Covid et le conflit militaire en Ukraine ?
La Covid-19 a été un événement imprévisible de type «black swan», provoquant une forte volatilité et une détresse significative sur les marchés financiers. L’impact de cette crise a varié selon nos fonds et stratégies. En 2020, notre fonds d’actions globales a démontré une remarquable capacité de récupération, enregistrant un rendement de +22,2 % en USD. À l’inverse, le SEMDEX a mis plus de temps à se redresser, et notre fonds d’actions locales a clôturé l’année avec une performance de -15,4 % (en MUR), tout en surpassant l’indice SEMDEX, en baisse de -22 %.

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Malgré l’instabilité, l’année a été particulièrement favorable pour les fonds obligataires. Dans un contexte de faibles taux d’intérêt, l’AXIOM Yield Fund a progressé de +16,2 %, tout en maintenant le versement de dividendes, témoignant de sa solidité dans des conditions de marché difficiles. Août 2020 a également marqué le lancement de l’AXIOM Africa, qui a enregistré une progression impressionnante de +15,9 % sur les cinq derniers mois de l’année.

Alors que 2020 illustrait notre capacité à tirer parti d’un environnement complexe, l’année 2022 a présenté des défis encore plus importants. Les pressions inflationnistes résultant de la guerre en Ukraine ont entraîné des répercussions durables à la fois sur les marchés actions et obligataires, faisant de cette période l’une des pires pour les portefeuilles équilibrés traditionnels. Néanmoins, grâce à une gestion rigoureuse, l’AXIOM Yield Fund s’est distingué en limitant ses pertes à -2 %, un résultat qui reflète une remarquable résilience face à un contexte extrêmement volatil.

En 2023 et 2024, nos stratégies ont porté leurs fruits, et nous observons une reprise significative. Jusqu’à présent en 2024, les performances de nos fonds témoignent de cette dynamique positive :
• AXIOM Patrimoine : + 13,6 %
• AXIOM Global Equity Fund : + 8,2 %
• AXIOM Africa : + 3,7 %
• AXIOM Yield Fund : + 4,9 %
• AXIOM Equity : + 16,5 %

Ces résultats reflètent une stratégie mêlant patience pour éviter les réactions excessives, une capacité d’adaptation pour tirer parti des opportunités de marché, et une gestion active et rigoureuse pour naviguer dans un environnement incertain.

En définitive, notre approche proactive et notre expertise dans l’identification des opportunités même dans les périodes de turbulences ont permis à nos investisseurs de traverser ces crises tout en préservant leur capital et en bénéficiant de solides reprises lorsque les conditions le permettaient.

Quels sont les titres qui ont mieux résisté durant ces crises et pour quelles raisons ?
Pendant la pandémie de Covid-19, les marchés ont connu des distorsions importantes. À Maurice, Alteo, NIT et MUA se sont distingués comme les meilleures performances de l’année. Dans l’ensemble, les instruments à revenu fixe ont affiché de solides résultats, en particulier ceux à plus longue durée, qui ont profité des baisses agressives des taux d’intérêt. Par ailleurs, notre fonds africain a bénéficié des excellents rendements des actions minières, tandis que des secteurs plus défensifs, comme les produits de consommation courante et la santé, ont tiré parti de l’environnement créé par la pandémie.
En revanche, l’année 2022 a raconté une tout autre histoire, avec des pertes généralisées pour la plupart des classes d’actifs. Les actions ont connu leur pire année depuis 2008, tandis que les prix des obligations ont chuté sous l’effet d’une inflation atteignant son plus haut niveau en quarante ans.

Les secteurs les plus performants du S&P 500 comprenaient l’énergie et les services publics. Globalement, ces deux secteurs ont profité d’une combinaison de contraintes d’offre et d’une inflation persistante. La reprise économique post-Covid a entraîné une hausse de la demande en énergie, exacerbant les tensions sur l’offre et faisant grimper les prix.

Dans un contexte marqué par la volatilité des marchés actions et la hausse des taux d’intérêt, les investisseurs se sont tournés vers les services publics pour leur stabilité perçue et leur moindre risque. L’année a ainsi mis en lumière la résilience de ces secteurs dans un environnement économique difficile.

Quels sont les enseignements de ces deux crises et à ce jour, pouvez-vous affirmer qu’elles sont résolument du passé ?
Non, la crise de la Covid a laissé des traces indélébiles et un souvenir qui restera dans l’inconscient collectif. Ce que nous avons traversé en termes de stress et d’isolement et de restrictions restera à jamais gravé dans toute une génération d’individus. Cette crise laisse encore des stigmates économiques que nous traversons actuellement avec une inflation record et le changement de politique monétaire sans précédent qui s’ensuit pour ramener une inflation galopante post-Covid. C’est cela qui se joue aujourd’hui et qui rythme le quotidien des marchés financiers depuis l’avènement de la pandémie. 

Quant au conflit entre l’Ukraine et la Russie, il est en ce moment même à la fois à son paroxysme en termes de tensions, mais aussi, et nous l’espérons, tout proche de son dénouement avec l’arrivée de Donald Trump qui semble bien déterminé à mettre fin à ce conflit. Quoi qu’il en soit, ce conflit apporte également son lot d’incertitudes sur les marchés et les tensions géopolitiques qu’il engendre dépassent largement les frontières des deux protagonistes.

À ce jour, quels sont les titres qui sont les plus cotés sur la Bourse mauricienne ? 
Depuis le début de l’année, l’indice mauricien offre une performance de +22,5 %. Les titres les plus performants dans l’ordre sont Medine ; P.O.L.I.C.Y et MCB avec des performances respectives de + 63,05 % ; + 47,96 % ; + 42,79 %. Le titre le plus échangé sur la bourse locale est très certainement MCB en termes de volume, mais également celui qui enregistre la plus forte croissance depuis le début de l’année. Nous avons par ailleurs des vues sur d’autres titres qui pourraient bénéficier à ce que nous appelons le Navin trade, mais attendons avant d’en savoir plus.

Quels sont les critères/garanties que recherchent les investisseurs privés d’une part sur Maurice et, d’autre part, à l’étranger ?
Le terme garantie est à proscrire dans notre métier. Je préfère nettement le terme protections, qui correspond mieux à la réalité des marchés financiers. De manière générale, nos clients recherchent surtout de la fiabilité et de la réactivité. Dans un monde où les algorithmes tradent à la milliseconde et où l’IA générative devient mainstream, mais essentiellement face à un monde qui se transforme de plus en plus rapidement, nous nous devons d’être à la fois plus réactifs et clairvoyants. Cela dans le but d’offrir des perspectives d’investissement claires à nos clients quant à leur placement financier, qu’ils soient locaux ou internationaux.

Pourquoi le Mauricien favorise-t-il davantage l’épargne traditionnelle en banque plutôt qu’un placement à travers une société d’investissement ?
Ce n’est pas réservé qu’aux Mauriciens. Cette pratique existe partout, sauf dans certains pays où les placements financiers sont culturels. Il s’agit avant tout d’éducation financière, de perceptions et de gestion des risques. Une personne ne désirant n’avoir aucune exposition à la bourse aura souvent plus d’appétence à favoriser d’autres types de placements comme l’immobilier. Même si certains font preuve d’une aversion au risque exacerbée et imaginent toujours le krach boursier, il y a un adage qui dit qu’une tendance se relance plusieurs fois, mais ne se retourne qu’une fois. Partant de ce postulat, vous comprendrez que beaucoup loupent des trains et restent sur le quai du dépôt bancaire traditionnel. Je ne juge pas et je trouve cela plutôt bien, car il en faut pour faire fonctionner le système bancaire, la finance, c’est tout un écosystème.

Au-delà de la méfiance, il y a de la méconnaissance quant à la facilité d’accès dont les marchés financiers font preuve. Il n’y a rien de plus simple que d’ouvrir un compte titres et de commencer à investir. Aujourd’hui, le trading est accessible à tous et se fait par téléphone. Il suffit de trouver un bon broker qui offre une application mobile et vous voilà prêt à investir et à trader. L’offre est pléthorique, du copier trading qui vous propose de répliquer les positions des meilleurs traders ou gérants stars. Pour ceux qui n’ont pas le temps, vous avez la possibilité d’automatiser vos investissements via des robots traders ou via un placement régulier en DCA pour dollar cost averaging.

Pour vous donner un exemple, un placement de 1 000 $ par mois en DCA (Dollar Cost Averaging) sur le S&P 500, l’indice phare américain, aurait rapporté en moyenne 380 % sur les 20 dernières années. En comparaison, le même investissement sur le Semdex aurait offert un rendement de 58,13 %. En tenant compte de l’inflation, la performance réelle du Semdex devient négative (-3,54 %), tandis que celle du S&P 500 reste nettement positive, à 147 %.

Cette mise en perspective vous montre à quel point votre épargne, si elle reste sur un compte saving s’érode rapidement face à l’inflation et je ne parle même pas des comptes courants.
Face à cette réalité factuelle d’abondance d’offres, les particuliers auraient tort de s’en priver.

Les investisseurs font-ils une totale confiance aux agences de notation lorsqu’on sait, selon des rapports, que celles-ci n’avaient pas vu venir une crise mondiale comme celle des ‘subprime’ ?
C’est un sujet complexe. Disons que l’homme est doté d’une mémoire sélective. Toutefois, il lui arrive d’apprendre de ses erreurs. Les agences de notation sont majoritairement américaines. Elles offrent des services essentiels quant à une lecture simplifiée des niveaux de risque que peuvent représenter des dettes émises par des pays ou des sociétés. Cette grille de lecture est pour certains, paroles d’Évangile. Pour d’autres, elle n’a aucun sens. Elles ont néanmoins le mérite d’exister et de faciliter la prise de décisions. Là où je ne suis pas forcément d’accord, c’est dans la standardisation du processus de notation. De ce fait, certains pays ou entreprises, de par leur position géographique ou leur structure politico-économique, seront toujours mal notés par ces agences de notation. Pourtant, ils représentent une opportunité ou un rendement/risque mesuré à prendre en considération dans une allocation de portefeuille dite harmonieuse et représentative du spectre économique global.

Malheureusement, certains pays ou entreprises sont lésés par ce système et peinent à se financer ou à refinancer leurs dettes, car ce système de notation ne prend pas en considération l’environnement général dans lequel ils évoluent. Je pense bien évidemment à l’Afrique qui devrait faire appel à des agences de notation locales, plus à même de les analyser et de les noter. Maurice pourrait d’ailleurs être un très bon centre financier capable de fournir ce type de services aux différents pays de la zone.

La juridiction locale est-elle définitivement sortie d’affaire après avoir quitté la liste noire de l’UE ?
Oui. Maurice a su mettre en place de nouveaux contrôles et mécanismes de conformité très rapidement afin de répondre aux exigences de la communauté internationale. La juridiction financière mauricienne n’a pas à rougir des standards européens. Il y a toujours des pistes d’amélioration. Nul n’est parfait. Mais, notre système financier est très bien régulé et encadré, ce qui est gage de confiance et de stabilité auprès des acteurs financiers internationaux. Et comme je le mentionne précisément, le marché déteste l’incertitude. D’ailleurs, l’île Maurice arrive à la 96e place sur 152 dans le classement du Basel AML index.

Comment se pose la réalité d’une roupie faible dans des secteurs comme le vôtre ?
Cela ne date pas d’hier, mais rien n’est figé et surtout pas en matière de Forex. Les choses bougent et elles évoluent parfois très vite. Je suis persuadé que les responsables économiques et politiques œuvrent de concert afin de donner un second souffle à la roupie. Il faudra certainement enfoncer des portes ouvertes et faire preuve d’audace pour infléchir cette tendance. Seul l’avenir nous dira s’ils réussissent.

Quels sont les ‘signes’ qui permettent à des entreprises comme les vôtres d’appréhender les tendances afin de réaliser des investissements judicieux ?
Les signes sont tellement nombreux et cette question a fait couler tellement d’encre, et tellement de financiers, de milliardaires et de professeurs tentent de donner leurs formules, qu’il me faudrait certainement plus que ces quelques lignes pour vous répondre. Toutefois, je peux vous dire que les maîtres-mots sont : Analyse, Stratégie, Prudence, Persévérance et Détachement.

Le système financier africain a-t-il positivement évolué en termes de gouvernance afin d’attirer des fonds comme les vôtres ? 
En termes de gouvernance, même si des problèmes de devises et de liquidité des titres cotés sur les bourses locales persistent, la situation s’améliore. Cependant, à l’image de l’adoption de nouvelles technologies en Afrique et notamment du mobile banking, les règles de bonne gouvernance sont tout aussi vite mises en application. Je dirais donc que, et sans équivoque, que l’Afrique est une terre d’avenir en termes de placement financier : tout reste encore à faire, car il y a tellement de potentiel et pas suffisamment d’accessibilité aux bourses locales.

Nous avons d’ailleurs franchi le pas en lançant il y a trois ans un fonds commun de placement 100 % actions africaines qui évolue très bien. Ce type de placement dit frontière ou exotique sur les marchés internationaux offre une diversification et une exposition qui devient de plus en plus recherchée par des investisseurs à la recherche de diversification et d’exposition géographique autre que les grandes places boursières américaines ou européennes.
 

  • defimoteur

     

 

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