Interview

Caroline Grenade sur la discipline positive : «Il est inutile d’aller à la confrontation directe pour résoudre un conflit»

Caroline Grenade

Caroline Grenade a plusieurs cordes à son arc. School Counsellor, formatrice en Discipline Positive pour les parents, ressource person en Discipline Positive dans l’établissement et dans la classe, elle donne quelques pistes pour encourager la Discipline Positive qui donne des résultats.

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Que comprenez-vous par le thème Discipline Positive ?
La Discipline Positive (DP) est une discipline qui “enseigne” dans l’encouragement. Dans la DP, la fermeté et la bienveillance sont deux ingrédients indispensables pour l’épanouissement d’un enfant. En effet, l’enfant a besoin d’un regard bienveillant et de soutien, autant que d’un cadre ferme qui pose les limites. La DP va allier la fermeté et la bienveillance et inviter les éducateurs à pouvoir trouver un juste équilibre entre les deux.

D’où vient-elle ?
La Discipline Positive est une méthode éducative élaborée par Jane Nelsen et Lynn Lott basée sur les philosophies d’Alfred Adler et de Rudolf Dreikurs, tous deux psychiatres autrichiens. Cette approche, ni permissive ni punitive, se veut efficace à long terme, car elle favorise l’acquisition des compétences sociales essentielles pour soi et le mieux-vivre au sein de la communauté comme l’autonomie, le respect mutuel, la coopération et le sens des responsabilités.

Comment devrait s’y prendre un enseignant pour que la discipline soit un élément fort de sa classe ?
En DP, nous nous intéressons au bon fonctionnement du lien entre l’enseignant et ses élèves. Créer du lien signifie se connecter à l’autre par la parole et/ou les gestes. Par exemple, cela peut se faire en prenant le temps d’accueillir personnellement chaque élève en classe le matin en lui disant bonjour et son prénom. C’est la preuve que l’enseignant reconnaît à l’élève une place au sein de la classe et c’est réellement valorisant pour lui. Une fois ce lien établi, l’enseignant peut alors coconstruire avec ses élèves des lignes de conduite respectueuses pour tous et des responsabilités qui seront adoptées par toute sa classe. L’enseignant, ici, n’impose pas sa discipline, il la construit avec ses élèves. Quand l’élève se sent impliqué, cela renforce son sentiment d’appartenance à sa classe et lui donne envie de contribuer au bon fonctionnement de celle-ci.

Certains enseignants ont tendance à se décourager ne sachant pas comment faire avec un élève perturbateur. Que conseillez-vous pour que la classe se fasse dans les meilleures conditions ?
Il est inutile d’aller à la confrontation directe pour résoudre un conflit et d’exiger qu’un élève obéisse ou s’exécute sur le champ. Aussi, face à un problème en classe, il vaut mieux temporiser, laisser retomber la pression et reporter une décision qui pourrait être excessive sous le coup de l’énervement. Donner le temps à son cerveau de se reconnecter, c’est ce que nous appelons « le temps de pause » en DP. Retenir surtout qu’il n’y a jamais urgence à sévir (sauf dans le cas d’une mise en danger). La DP va tenter de rendre la punition inutile progressivement et de trouver des alternatives qui soient respectueuses et appropriées.

La DP s’intéresse aux besoins cachés de l’enfant derrière les comportements inappropriés. En DP, les comportements inappropriés récurrents sont perçus comme un signe de découragement chez l’élève. L’enseignant apprend à décoder ce qui se cache derrière, en d’autres mots il doit comprendre quel est le but, parfois inconscient, de ce comportement.

La DP implique de faire preuve de discernement, d’objectivité et d’inviter l’élève à réfléchir sur les raisons de ses actes.

Une personne recevant un compliment a l’impression d’avoir de la valeur que lorsque les autres approuvent ce qu’elle fait.»

En tant que formatrice en Discipline Positive pour les parents et pour la classe, ne croyez-vous pas que la discipline commence à la maison ?
Déjà, vers un an, les tout petits sont prêts pour les règles qui leur permettent d’apprendre des manières d’agir avec les autres personnes et les objets.

Peu importe l’âge, les règles sécurisent et rassurent les enfants si elles sont appliquées avec constance et régularité. Ils savent ainsi à quoi s’attendre et comprennent de façon claire ce qui est accepté et ce qui ne l’est pas. Les enfants ont besoin de l’encadrement d’un adulte (ex. : parent, éducateur). Sans cet encadrement, ils peuvent se sentir angoissés et perdus en raison de la trop grande liberté qui leur est accordée. Cet encadrement qui commence à la maison devrait être renforcé à l’école et adapté en fonction de l’âge de l’enfant.

Certains parents rencontrent malheureusement des problèmes avec leurs enfants. Que leur conseillez-vous pour faire respecter la discipline à la maison ?
Les parents ont souvent des attentes concernant leurs enfants, d’où un sentiment de frustration quand celles-ci ne sont pas satisfaites. La DP invite les parents à revoir leurs attentes et à les ajuster. Il est important de construire des lignes de conduite et des règles de vie familiale. Coconstruire ici signifie poser un cadre en coopération avec ses enfants. On explore le toi, le moi et ensuite le nous et on adopte ce qui convient le mieux à tout le monde. Le pouvoir n’appartient pas exclusivement aux parents, il est partagé avec les enfants, ce qui génère un climat familial plus paisible et ouvert. La communication est aussi un élément à favoriser, cela revient à parler à son enfant, mais aussi à l’écouter et à prendre en compte ce qu’il vit, ressent et pense.

Pour permettre aux parents de découvrir la démarche et les outils de la Discipline Positive, il existe depuis 2017 à Maurice des animateurs d’ateliers-parents en DP qui ont été formés par Béatrice Sabaté et Armelle Martin (formatrices certifiées et Lead Trainers en Discipline Positive).

Quelle est la différence entre le compliment et l’encouragement ?
Complimenter veut dire exprimer un jugement favorable ou féliciter. La personne recevant un compliment a l’impression d’avoir de la valeur que lorsque les autres approuvent ce qu’elle fait. Elle dépend alors du regard que les autres portent sur elle. Un exemple : « Je suis fier de toi, car ton travail est excellent. » Les compliments, comme les bonbons, peuvent être agréables de temps en temps.

Cependant, l’encouragement, qui signifie stimuler, motiver et insuffler du courage à quelqu’un, permet aux élèves de comprendre qu’ils sont capables et met en valeur leurs efforts plutôt que de se centrer sur la perfection ou le besoin de plaire aux autres. La personne recevant un encouragement prend conscience de sa valeur sans l’approbation d’autrui. Et cela l’aide à développer davantage son estime de soi et son autonomie. Par exemple : « Tu peux être fier de toi, car tu as fait des efforts pour ce travail. »

Que faut-il privilégier pour aider l’élève à progresser ?
Quelle meilleure solution à un comportement déviant que de responsabiliser l’élève, lui accorder notre confiance et un rôle au sein du groupe ? Beaucoup d’enseignants peinent à trouver ne serait-ce qu’une chose positive que l’élève fait. Le plus petit effort, s’il est reconnu, fait toute la différence.

Avec la discipline positive, nous choisissons d’encourager, de valoriser et de donner confiance aux élèves par des formules aussi positives que « Tu as fait un sacré effort », « Tu m’épates » ou encore « J’ai confiance en ton jugement » ou encore « Je sais que tu es capable de réussir » !

Ces formules, utilisées sincèrement, peuvent réellement devenir magiques et donner à l’élève le sentiment d’être capable et de pouvoir apporter sa contribution. Car, comme le dit si bien Jane Nelsen : « Un enfant réussit mieux lorsqu’il se sent mieux ! »

 

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