
L’euphorie traduite après les résultats des dernières élections générales pourrait vite laisser place à des déceptions pour le premier budget du régime actuel. Le ministre des Finances a donné une indication qui a refroidi les attentes émanant de la campagne électorale de l’Alliance du changement.
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Les termes ‘dure’ et ‘difficile’ employés par le Premier ministre et son numéro deux en anticipation du budget 2025-26 sont sujets à diverses interprétations. Ces derniers en ont fait mention lors du meeting de l’Alliance du Changement à la place Edward VII, à Rose Hill, le 1er mai. Le Dr Navin Ramgoolam a déclaré que : « Se enn bidze dir ki pe vini. Pour moi, ce n’est pas la popularité qui compte, mais notre pays. Notre priorité, c’est notre pays ». De son côté, Paul Bérenger, Premier ministre adjoint et leader du Mouvement militant mauricien (MMM), a estimé que l’ancien régime a « fini lekonomi sa pei la. Nous devons obligatoirement présenter un Budget difficile. Le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, le gouvernement et moi accomplirons nos devoirs envers tous les enfants. Enn bidze difisil pe vini. Nous n’avons pas le choix. Nou bizin redress lekonomi. Nou bizin get 5 an divan nou. »
Que peuvent signifier ces phrases ? D’un côté, il y a la nécessité de réformes structurelles et de l’autre l’état de la caisse du gouvernement. Dans le concret, fait comprendre un économiste, des réformes structurelles pourraient concerner des mesures qui vont contribuer à la croissance, être plus efficaces et productives dans les deux secteurs, investir au lieu de consommer. L’Alliance du Changement avait à titre d’exemple évoqué la gratuité du transport public lors de sa campagne. « C’est une mesure qui peut aider la productivité. Les gens n’auront pas à utiliser leur véhicule personnel. L’introduction d’une taxe sur l’essence ou « congestion pricing » lorsque les automobilistes utilisent leur véhicule dans les heures de pointe pourrait être une contrepartie. L’intelligence artificielle peut être utilisée. Le prix de l’essence pourrait être réduit parallèlement. C’est une réforme difficile, mais un moyen pour le gouvernement d’honorer ses promesses », argue l’économiste.
Bhavish Jugurnath, économiste, rappelle que le rapport State of the economy a été publié l’année dernière. C’est en se basant sur celui-ci que Moody’s a proposé des réformes structurelles. S&P Global va dans ce sens également pour sa dernière notation sur Maurice. Elle a accordé douze à dix-huit mois comme période moratoire aux autorités mauriciennes pour qu’elles renversent la situation économique. Au cas contraire, une rétrogradation de la notation pourrait intervenir. Les finances publiques de Maurice sont une des préoccupations majeures de ces deux agences de notation. « Le niveau de la dette publique et le déficit budgétaire doivent être corrigés. Le système social, les dépenses du gouvernement font partie des réformes. L’ancien régime avait mis beaucoup d’accent sur les mesures sociales. Le gouvernement actuel devra revoir ces mesures », explique Bhavish Jugurnath.
Promesses électorales et éventuelle déception
Pour Bhavish Jugurnath, ce sera difficile pour le gouvernement d’honorer les promesses comme la baisse du prix de l’essence ou les allocations dans ce premier budget. Le paiement du 14ᵉ mois n’a pas été fait comme annoncé préalablement. « Le Premier ministre veut probablement dire que pour le moment, ce sera difficile d’exécuter les promesses tenant compte de la situation des dépenses publiques et de la dette publique », dit-il.
Un autre économiste est d’avis que le Premier ministre prépare la population à un budget qui ne va pas renfermer les mesures promises. « L’argument de manque de moyen et de la situation héritée sera mis en avant. Cela ne tient pas la route. Il n’y a pas de surprise dans le rapport de State of the economy. D’ailleurs, il aurait fallu que le gouvernement vienne de l’avant avec un document qui s’intitule ‘responding to the state of the economy’. L’Alliance du Changement aurait dû expliquer comment elle va mettre en œuvre les promesses électorales tout en étant responsable pour permettre au pays d’avancer », avance l’économiste.
Le premier budget de l’Alliance du Changement fera-t-il des déçus au sein de la population ? Un membre du gouvernement soutient que la situation économique est difficile. Il affirme que le gouvernement fait le maximum. Cela dit, poursuit-il, « le contexte fait que nous ne pourrons pas donner à gauche à droite. La réalisation des promesses se fera dans le court et long terme. Ce ne sera pas un budget catastrophique non plus. Le social sera mis en avant. Ce sera un budget responsable ». Une politique austère – qui ne devrait pas être d’actualité - consisterait à hausser les taxes pour équilibrer la caisse de l’État ou diminuer les dépenses du gouvernement.
D’autre part, des questions subsistent sur l’influence que pourrait avoir l’ancien ministre des Finances qui porte aujourd’hui la casquette de gouverneur de la Banque de Maurice dans la réalisation du prochain budget. « On dit qu’il faut que la banque centrale soit indépendante. Il ne faut pas non plus que le ministère des Finances opère cette fois sous la tutelle de la Banque de Maurice. L’indépendance doit être dans les deux sens. Il y a des conseillers qui connaissent le sujet économique et qui sont rémunérés au ministère des Finances. Espérons que leurs conseils soient pris en considération », conclut un économiste.
Un fonds de Rs 10 milliards pour atténuer la flambée des prix
Dans le manifeste électoral de l’Alliance du Changement, une mesure semble être très attendue. Il s’agit de la mise en place d’un fonds de Rs 10 milliards pour atténuer l’augmentation des prix. Une solution plausible, argumente un économiste, consisterait à dresser une liste des produits essentiels. « Les prix vont fluctuer. Si la situation est normale, le gouvernement n’aura pas à intervenir. Ce serait intéressant qu’il intervienne dans l’éventualité que les prix grimpent de plus de 3 % chaque trimestre. L’intervention servira à éviter que les prix bondissent de plus de 3 %. Il faudra cependant réformer le système de Sécurité sociale. On ne pourra pas garder les systèmes fragmentés tout en rajoutant d’autres. En mettant un seuil raisonnable, on va opérer via un ciblage qui fera qu’une bonne partie de la population aura une protection de son pouvoir d’achat », explique notre interlocuteur.

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