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[Blog] Comment sauver le CEB ?

Le dernier rapport annuel du Central Electricity Board (CEB) fait état d’une perte de plus de Rs 4 milliards. Les fonds de pension de cet organisme ont aussi un trou de plus de Rs 5 milliards. Il y a quelques années, non seulement le CEB enregistraient des profits mais il affichait aussi une liquidité record. Depuis, des milliards ont été transférés ailleurs, même jusqu’à subventionner le prix du sucre offert aux planteurs de canne !  Que faut-il faire pour sauver le CEB et éviter que les pauvres consommateurs payent les pots cassés ? 

maximum demand

1.    Maîtrise de la demande

Si le CEB intitule son rapport ‘Ensuring the Security of Supply”, il ne fait que rappeler le formidable défi qui doit nous concerner tous : assurer qu’il n’y aura pas de coupures liées au délestage, des « rolling load-shedding » comme actuellement en Afrique du Sud. La fourniture doit être   suffisante pour satisfaire la demande à tout moment. Mais il faut bien se préparer face à un pic maximal record de la demande en jour de semaine en été prochain. Avec la forte reprise des activités économiques comme dans le secteur touristique et la probabilité de hautes températures et d’humidités anormales avec le dérèglement climatique, notre usage inefficace de climatiseurs peut probablement provoquer un grave manque entre la demande et la fourniture sur le réseau. 

Face à cette situation, le CEB aura à dépendre davantage sur les turbines à gaz qui brûlent du kérosène, le fioul le plus cher. Les moteurs à l’huile lourde dans ses autres centrales auront aussi des coûts d’opération supérieurs avec une hausse du cours du baril de pétrole qui parait désormais très vraisemblable, approchant déjà la barre de USD 90 actuellement.  Les maîtrise de la demande par l’efficacité énergétique et les économies d’énergie bénéficieront autant au CEB qu’aux consommateurs, sans oublier les bénéfices pour l’environnement et dans la lutte contre le dérèglement climatique. Une baisse de la demande, donc de la facture, d’au moins 5 %, sans aucun investissement au préalable, est possible dans la plupart des bâtiments énergivores de la capitale, par exemple. 

C’est là que l’Energy Efficiency Management Office (EEMO) doit jouer pleinement son rôle, conjointement avec le CEB,  afin d’éviter tout délestage sur le réseau. Mieux encore, la fusion de l’EEMO et de la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA), annoncée dans le dernier Budget est une excellente mesure qui doit être appliquée au plus vite. Non seulement cela catalysera les synergies pour un meilleur management de l’énergie (maîtrise de la demande et renouvelables), mais ouvrira également la voie à une entité qui se focalisera sur les énergies durables, laissant le CEB à ses propres prérogatives.

2.    Les énergies renouvelables

Selon son dernier rapport annuel, le CEB était déficitaire surtout à cause d’un coût total, y compris de la production, de Rs 7,06 le kWh contre un prix de vente de Rs 5,86 le kWh uniquement. Depuis, il y a eu une hausse de tarif qui cible une importante catégorie de consommateurs, ceux avec entre 300 et 400 kWh mensuellement. Non seulement cela augmentera significativement les revenus du CEB, mais lui donnera aussi beaucoup de liquidité. Mais il faut faire attention avec l’argent obtenu afin de ne pas refaire les erreurs du passé !

Le CEB est une des rares institutions, voire la seule, qui engrange au minimum une moyenne de Rs 5 million en cash chaque heure que ses caisses sont ouvertes. Cela représente une revenue garantie car les consommateurs   doivent payer. Donc en terme de liquidité, et surtout avec la relance économique, le CEB n’est pas en danger de faillite.   Même si nous oublions les différents transferts de fonds qu’il y a eu dans le passé au détriment du CEB et nous ne récupérons pas tout cet argent, l’organisme a tout à gagner à miser aujourd’hui sur les énergies renouvelables, le stockage, la modernisation du réseau et le management de l’énergie. Au lieu de se tourner vers un projet à haut risque et inabordable comme celui nécessitant du Gaz Naturel Liquéfié (GNL), le CEB doit recourir aux énergies disponibles localement qui sont aujourd’hui les sources les plus compétitives sur le marché sur le moyen et le long terme. Le tableau ci-joint issu du dernier rapport annuel du CEB illustre comment en un jour de demande maximale les énergies renouvelables, particulièrement le solaire, permettent de satisfaire la demande.  Et cela à un moindre coût que les énergies fossiles importées et polluantes. Comme les vagues de chaleur accompagnent les moments d’intense radiation solaire, la production d’énergie photovoltaïque atteint un pic, littéralement, quand on en a le plus besoin.

3.    Subventions

Concrètement, que faut-il faire afin que décolle les énergies renouvelables finalement ?  D’abord il faut reconnaître que la Roadmap actuelle n’est pas un mauvais plan. Mais comme une carte géographique, cette feuille-de-route n’est utile que lorsqu’elle correspond précisément sur le terrain à des  actions  se concrétisant  sans délai. Nous n’arriverons jamais à destination rien qu’en contemplant le meilleur des plans.

Par exemple, le rapport annuel du CEB souligne qu’au mois de juin 2022 seulement 118 kW sur 10 MW prévus pour le photovoltaïque solaire résidentiel, soit environ 1% de l’objectif, a été atteint. Des constats similaires sont établis pour d’autres programmes allant de ceux pour les véhicules électriques à ceux pour les institutions religieuses, le secteur public et les ONG en passant par les projets plus conséquents comme le MSDG. Comment imaginer alors pouvoir installer, par exemple, plus de 400 MW de photovoltaïques additionnels d’ici 2030 représentant un investissement de plus de Rs 25 milliards comme préconisé par la Roadmap ? 

Le Sommet sur le Climat à Nairobi qui vient de se terminer ne fait que rappeler l’urgence pour que des pays comme le nôtre, également un Petit Etat Insulaire en Développements (PIED) souffrant de par sa vulnérabilité d’une grave injustice climatique, puisse accéder au financement international. Les fonds verts existent et devront obligatoirement se multiplier pour faciliter la croissance des énergies renouvelables. Déjà plus de USD 23 milliards ont été promis pour l’Afrique, loin des USD 100 milliards requis pour le climat en général au niveau global chaque année. Or une fraction seulement nous suffira et nous avons aussi bien d’autres mécanismes à notre disposition pour le financement vert. 

Dans le passé, c’est grâce à des subventions que les chauffe-eaux solaires et les photovoltaïques sous le programme SSDG ont pu avoir du succès. Il faut changer notre façon de penser : les subventions sont absolument politiquement correctes pour financer les énergies durables. Dans le long terme, tout le monde en sortira gagnant, contrairement au subsides pour les énergies fossiles qui s’élevaient mondialement à USD 7 trillions en 2022. Certes, à Maurice il y a des taxes sur les produits pétroliers, mais rien ne dirige pas ce prélèvement vers la promotion des renouvelables. Au contraire, indirectement il y a trop d’incitations à utiliser les énergies fossiles allant des voitures hors-taxes jusqu’au transport gratuit en passant par choix du CEB d’avoir recours au Gaz Naturel Liquéfié (GNL), une décision réitérée dans le dernier rapport annuel. Qui plus est, il est même mentionné les turbines GNL rouleront d’abord au diesel aux heures de pointe. A un coût d’investissement énorme de plus de Rs 20 milliards pour le projet GNL, rien que pour la partie génération, s’ajoutera donc un risque de frais d’opération plus qu’exorbitant sur une période continue. 

4.    Conclusion

Tout cela ne peut que mener à conclure que le CEB n’est pas l’instance dont la mission première et le mandat prioritaire est d’implémenter les énergies renouvelables. Il faudra un autre organisme pour agir comme facilitateur pour concrétiser la Roadmap, doté des moyens et de compétences nécessaires afin d’atteindre les objectifs définis. Peut-être à partir de la fusion de l’EEMO et de la MARENA qui doit se réaliser au plus tôt. La bonne gouvernance implique qu’il ne doit pas avoir de conflit d’intérêts entre les personnes engagées dans les différents organismes qui doivent opérer en toute indépendance, sans ingérence politique. D’ailleurs l’entrée en opération de l’Utility Regulatory Authority (URA) et les amendements au CEB Act comme à l’Electricity Act exigent que le CEB se réinvente, particulièrement sa partie qui s’occupe de la génération. Si celle dernière entre dans un lock-in avec le GNL, comme le veulent certains avec des « vested interests », alors elle est très mal partie pour l’avenir. 

Une partie du CEB devra garder le monopole sur la transmission et la distribution. Son avenir passe par la modernisation du réseau pour créer un « smart grid », à commencer par l’adoption du net-metering. Cette seule mesure en soi fera un grand bien à la cause des énergies renouvelables comme aussi de la maîtrise de la demande. Ailleurs au monde pour les installations de moins de 10 kW, c’est ce type de facturation qui est proposé. Les subventions suggérées plus haut ne seront requises qu’au début, car dans la durée le netmetering permettra une fiabilité plus solide. Il faut aussi voir la perspective d’une industrie de l’énergie verte avec une dimension régionale, un atout pour l’Afrique qui a un potentiel incroyable en énergies renouvelables.
Quel meilleur cas-d ’école pour illustrer la transformation que représente le remplacement des subsides sur les énergies fossiles par celles sur les renouvelables que le cas de Rodrigues. Le rapport du CEB y mentionne une perte de Rs 172 millions pour 2022, comparable si nous nous referons à Maurice à une perte de Rs 10 milliards chaque année puisque les déficits y perdurent depuis toujours. Actuellement 95% de l’électricité de Rodrigues est à partir de l’huile lourde et le diesel. Réorienter ces pertes vers un investissement dans les énergies durables assurera plus de pérennité à ses opérations dans cette ile, sans déficit ni dégât à l’environnement.  

De même, pour Maurice, le rapport du CEB l’affirme clairement : la perte de Rs 4 milliards est causée par le coût de production trop lourd, conséquence de la hausse des prix des énergies fossiles importées et de la faiblesse de la roupie. Il est évident que nous ne pouvons faire les mêmes erreurs à l’avenir et nous attendre à des résultats différents.

 

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