
- Il a été tué sous les yeux de son cadet âgé de 16 ans
- Allan, l’aîné du défunt, arrêté pour meurtre
- José, ami de longue date : « Il était plus qu’un père pour moi »
Il était connu dans tout Baie-du-Tombeau. Ceux qui fréquentaient Mark’s Aquarium savaient qu’on y trouvait plus qu’un commerce : on y croisait surtout un homme de cœur, passionné, toujours prêt à rendre service. Depuis 35 ans, Mark Yeung Shi Yin s’était dévoué corps et âme à son entreprise. Ce magasin spécialisé dans les poissons et aquariums était devenu une référence dans la région.
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À 74 ans, il n’avait rien perdu de son énergie. Là où d’autres auraient songé à la retraite, lui continuait de travailler, toujours curieux, toujours dans l’action.
Marié une première fois, Mark avait eu un fils, Allan, aujourd’hui âgé de 40 ans. Leur relation n’avait pas toujours été simple. Après une séparation douloureuse, Mark avait refait sa vie. De cette seconde union étaient nés deux enfants : une fille de 18 ans et un fils de 16 ans, encore au collège. Même si cette relation n’avait pas duré, il restait un père attentif, présent malgré la distance. Ses enfants représentaient tout pour lui, et il espérait un jour leur transmettre son savoir, son travail, sa fierté.
Mais le destin a pris un tournant tragique.
Depuis quelque temps, les relations entre Mark et son fils aîné s’étaient détériorées. Allan avait travaillé quelque temps dans le commerce familial. Le père, toujours bienveillant, voulait lui donner une chance de s’en sortir, espérant que le travail le remettrait sur le droit chemin. Mais Allan avait de mauvaises fréquentations. Des problèmes liés à la drogue avaient fini par ternir leur relation. Mark avait découvert des disparitions d’argent et de matériel. Lassé et profondément blessé, il avait fini par le tenir à l’écart. Il lui avait même dit qu’il ne lui laisserait rien en héritage s’il ne changeait pas.
Ces mots, prononcés dans la colère et la déception, allaient sceller leur destin.
Dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 octobre, tout a basculé. Mark se trouvait chez lui, à Morcellement Swan, en compagnie de son fils cadet. La soirée semblait ordinaire. Puis, sans prévenir, des silhouettes se sont introduites dans la maison. Les cambrioleurs connaissaient les lieux — trop bien. Ce n’était pas un vol improvisé, mais un plan mûrement réfléchi.
L’agression a été d’une extrême violence. Mark a été frappé, avant que sa carotide ne soit sectionnée. Il est mort sur le coup, sans avoir eu le temps de se défendre. Dans un geste froid et calculé, les assaillants ont ensuite mis le feu à la maison, tentant d’effacer les traces de leur crime. Le fils de 16 ans, témoin impuissant de la scène, a réussi à s’échapper in extremis. Terrifié, il a donné l’alerte.
À l’aube, le quartier s’est réveillé dans la stupeur. Les voisins ont vu les flammes, les gyrophares, les policiers s’affairer autour de la maison calcinée. La nouvelle s’est vite répandue : Mark Yeung Shi Yin, l’homme affable du quartier, celui qui faisait sourire tout le monde, n’était plus.
Dès les premières heures, ses employés et amis se sont rendus sur les lieux. Parmi eux, José, son fidèle bras droit. Depuis plus de 40 ans, il travaillait à ses côtés. Leur amitié, forgée dans la confiance et le labeur, était indestructible.
Les mots lui manquent lorsqu’il parle de Mark. « Nous avions 45 ans d’amitié. Il était bien plus qu’un père pour moi. Ce qu’il a fait pour moi, personne ne l’a fait », lâche-t-il, la voix tremblante, les yeux humides.
Il raconte leur quotidien : les longues journées à acheter ou livrer les produits, les nuits parfois écourtées par le travail. « Nous n’avions pas d’horaires. On commençait tôt, on finissait tard. Parfois, on dormait à peine. On se partageait tout. »
Une trahison
L’enquête de la police criminelle a rapidement révélé une piste. Les caméras de surveillance et les témoignages faisaient état d’un véhicule circulant dans la rue cette nuit-là. En remontant la trace, les enquêteurs ont découvert qu’il s’agissait d’une voiture louée le 30 septembre à Trou-aux-Biches. Le contrat mentionnait le nom d’Allan.
Les policiers ont aussitôt compris. Une semaine avant le drame, Allan avait planifié le cambriolage avec quatre complices. Le plan était simple : voler de l’argent et des objets de valeur dans la maison. Mais rien ne s’est passé comme prévu.
Interrogé, Allan a d’abord nié. Il prétendait avoir passé la soirée avec sa compagne. Mais face aux preuves accumulées — la voiture louée, les appels téléphoniques, les témoignages —, il a fini par avouer.
Avec lui, trois autres suspects ont été arrêtés : Wayne Jean Pascal Barry, 18 ans, Jonathan Dylan Aimée, 22 ans, et un mineur de 16 ans. Tous ont été inculpés provisoirement de meurtre et placés en détention. Le mineur a comparu devant la Children’s Court.
Pour les proches de Mark, l’annonce a été un nouveau choc. Non seulement il avait été tué, mais le principal suspect n’était autre que son propre fils. Une trahison insupportable.
Les funérailles de Mark Yeung Shi Yin ont eu lieu samedi après-midi. L’atmosphère était lourde, empreinte d’émotion. Des dizaines de personnes, parfois silencieuses, parfois en larmes, se sont succédé pour lui rendre hommage.
Dans la foule, on reconnaissait des visages connus de Baie-du-Tombeau : d’anciens clients, des amis de longue date, des collègues, des voisins. Tous décrivaient le même homme : un travailleur infatigable, un ami fidèle, un père aimant.
L’un d’eux, un vieil habitué du magasin, résume d’une phrase : « Li ti toultan ena enn bon mo pou dimounn. »
Sur les réseaux sociaux, les hommages se sont multipliés. Les messages parlent de chagrin, de colère, d’incompréhension. Beaucoup évoquent son sourire, sa gentillesse, son humilité. Mireille, une cliente fidèle, a écrit : « Ou ti kontan badine, zordi ban (…) ine prend ou lavie. »
Pour d’autres, ce drame illustre les dérives d’une société qui perd ses repères. Les commentaires dénoncent la montée de la violence, les ravages de la drogue, la détresse silencieuse des familles.
Le nom de Mark Yeung Shi Yin restera associé à une histoire douloureuse, celle d’un père qui a tout donné, d’un fils qui s’est égaré, et d’une vie fauchée dans la confiance trahie.

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