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Au Cœur de l’Info : les six premiers mois de 2021 seront très critiques

Kugan Parapen et Eric Ng. Kugan Parapen et Eric Ng.

En ce lever de rideau à la deuxième semaine de novembre, Ruth Rajaysur et Patrick Hilbert ont discuté avec les économistes Éric Ng et Kugan Parapen des mesures de soutien à l’emploi, de la viabilité et la durabilité de ces mécanismes, de l’émergence de nouveaux piliers économiques, des consultations tripartites et de l’allocation-chômage. Le tout s’inscrit dans un contexte de pandémie du coronavirus. Ci-dessous des extraits de l’émission.

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Les chômeurs sont plus nombreux

Grâce aux mesures de l’État visant à maintenir l’emploi dans les secteurs formels et informels depuis le début de la crise sanitaire, le nombre de chômeurs a été contenu à 50 000, a rassuré le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, à l’Assemblée nationale, mardi dernier. L’industrie du tourisme continuera de percevoir une enveloppe d’aide salariale pesant Rs 500 millions. 

Or, pour Éric Ng, le pays compte plus de 50 000 chômeurs, estimant que le grand argentier s’est basé sur des chiffres au 30 juin. Depuis, pas mal de personnes ont perdu leurs emplois. Au-delà de ce nombre, beaucoup de Mauriciens sont sous-employés (travaillant à mi-temps, sont dans un job qui ne correspond pas à leurs capacités et qualifications). En 2019, selon Statistics Mauritius, on serait à un nombre de 117 000. « Le problème de l’emploi n’est pas qu’une question de chômage, car beaucoup ne se sont pas enregistrés », a souligné l’économiste, qui a ajouté que «  la situation de l’emploi est grave. »

Rejoignant Éric Ng dans ses arguments, Kugan Parapen a indiqué que sans le Wage Assistance Scheme, de nombreuses personnes dans le tourisme se seraient retrouvées au chômage. On ne peut passer sous silence le secteur informel. Dans le même ordre d’idées, il a fait état d’une seconde vague, car des personnes se retrouvent avec un salaire moindre en cette période de crise et cessent d’employer d’autres.

Un début 2021 déterminant

Avec la Covid-19 qui sévit toujours et en particulier dans notre marché traditionnel qu’est l’Europe, est-ce qu’on devrait se préparer à un changement draconien ? « L’année prochaine sera encore plus difficile sur le plan de l’emploi. Nous avons pu limiter le chômage grâce au Wage Assistance Scheme et d’autres soutiens de l’État. Tout ceci ne pourra durer éternellement, même à moyen terme », a répondu Éric Ng.

Et d’ajouter : « On ne sait pas si le plan sera maintenu. (…) Les six premiers mois de l’année 2021 seront une période qui sera très critique. (…) Si nous parvenons à traverser le premier semestre, nous pourrons reprendre notre souffle en partie. »

Une allocation-chômage dans une année incertaine

Passé le cap du 31 décembre, l’incertitude plane quant au nombre de licenciements éventuels. Dès le début, une option ne serait-elle pas d’introduire le mécanisme d’allocation-chômage (formule en vigueur dans des pays comme la France, la Grande-Bretagne et la République d’Irlande) ?

Tout en affirmant que cette mesure pourrait être envisagée de manière exceptionnelle, Éric Ng a rappelé qu’un plus grand nombre de Mauriciens viendront s’enregistrer afin d’en bénéficier. Au lieu de se retrouver avec une estimation de 50 000, on aurait peut-être le double. Qui plus est, l’allocation-chômage ne devrait pas décourager le bénéficiaire à chercher un emploi. « On pourrait la considérer pendant une période (dominée) par la pandémie du coronavirus. On devrait voir le coût et sa viabilité », a-t-il souligné.

À Kugan Parapen de renchérir que les plans de soutien aux salaires en vigueur sont déjà une formule d’allocation-chômage. Peut-être, il faudrait revoir les modalités, a suggéré l’économiste.

Employé jusqu’au 31 décembre et ensuite…

La Workers’ Rights Act balise le terrain de l’emploi pour la période allant du 1er juin au 31 décembre. Ainsi, aucune entreprise ne peut réduire le nombre de travailleurs, soit de manière temporaire ou permanente, ou mettre fin à l’emploi. Dans un entretien accordé en marge de l’émission, Jane Ragoo, syndicaliste évoluant au sein de la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé, s’est appesantie sur ce volet.

Si, dans les entreprises où les emplois sont supérieurs à 15, les travailleurs sont assez rassurés, il est question d’être vigilant, car toute l’attention porte sur ladite date butoir. « Ce ne sera pas dans l’intérêt du gouvernement de ne pas revoir cette loi et d’étendre la clause au-delà du 1er janvier. Au cas contraire, ce sera catastrophique », a-t-elle martelé. « Nous continuerons à faire pression pour que le gouvernement comprenne. »

Pour la syndicaliste, les mesures de soutien aux salaires devraient être maintenues aussi longtemps que la Covid-19 serait là. Et de préciser qu’on devrait juger au cas par cas pour savoir quels sont les secteurs en mesure d’opérer et ceux qui ne peuvent le faire.

Est-ce le moment pour accorder une compensation ?

Les discussions et négociations afin de déterminer le quantum de la compensation salariale sont prévues pour le 25 novembre. Ce montant, avec l’inflation moyenne sur l’année comme référence, s’ajoute aux salaires dès janvier. Avec une économie en contraction de 14,2% pour 2020, est-ce qu’on peut se la permettre ? Devrait-on la renvoyer ? Sinon, est-ce que les entreprises doivent casquer afin de stimuler le pouvoir d’achat ?

D’emblée, Éric Ng a mis l’accent sur le fait que beaucoup de compagnies, en particulier les petites et moyennes entreprises, n’ont pas la capacité de payer la compensation. Si on oblige une société à payer un boni, puisque c’est dans la loi, il existe le risque de licenciement en janvier prochain. (…) 
« C’est une très grande crise. (…) On ne le ressent pas trop parce que l’État a injecté beaucoup d’argent et on n’arrive pas à évaluer l’ampleur de la crise », a-t-il argué. « Il ne faudrait pas qu’on se fasse d’illusions »

De son côté, Kugan Parapen est catégorique. Une compensation est nécessaire. La roupie s’est dépréciée. Les prix au supermarché n’ont forcément pas été capturés dans le calcul de l’inflation. « Mais cela est dans le meilleur des mondes. Entre payer une compensation salariale et assurer son emploi, la balance penchera en faveur de la sauvegarde de l’emploi », a-t-il fait ressortir.

Cesser la dépendance au monde

L’économiste Kugan Parapen a estimé que le pays devrait trouver un juste équilibre entre la dépendance à l’externe et en interne. Certes, on devrait maintenir une politique d’exportation, car le pays requiert des devises. Aujourd’hui, c’est une pandémie. Demain, ce serait une guerre mondiale ou un embargo.

 

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