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Après l’aveu de Joe Lesjongard - Transition énergétique : les raisons du retard

Joe Lesjongard L’aveu du ministre Lesjongard sur la transition énergétique suscite des inquiétudes.

Le ministre Joe Lesjongard a récemment reconnu que la transition énergétique ne se déroulait pas aussi rapidement qu’attendu. Pourtant, des signes avant-coureurs étaient visibles depuis quelques années déjà.

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Aveu d’échec en matière de transition énergétique ? « Nous avançons moins rapidement que nous le voulions », a reconnu le ministre des Services publics et de l’Énergie Joe Lesjongard lors de l’inauguration d’une nouvelle ferme solaire à Arsenal, le jeudi 8 février.

Pour des observateurs et experts dans le domaine, la déclaration du ministre vient confirmer que la politique en matière d’énergies renouvelables n’est pas à la hauteur. En particulier dans le contexte des engagements pris par le gouvernement mauricien pour atteindre une production énergétique verte à hauteur de 35 % en 2025 et 60 % d’ici 2030.

Pourtant, les signes du retard pris par Maurice dans ce secteur étaient déjà présents, notamment avec les chiffres publiés l’année dernière indiquant une baisse de 6,9 % de la production d’énergie renouvelable, qui s’élevait seulement à 19,2 %. Comment en sommes-nous arrivés là, alors que la transition vers les énergies renouvelables devient essentielle pour les États insulaires comme Maurice, confrontés aux conséquences croissantes du dérèglement climatique, exacerbé par l’utilisation continue des énergies fossiles ?

Sunil Dowarkasing, ancien stratège pour l’organisation non gouvernementale internationale Greenpeace, soulève une question essentielle : comment le gouvernement mauricien a-t-il décidé d’évoquer les objectifs ambitieux de 35 % de production d’énergie propre d’ici 2025 et de 60 % d’ici 2030 ? « Y a-t-il eu une étude préalable qui a permis au gouvernement d’avancer de tels chiffres, ou est-ce que tout cela a été avancé uniquement pour des besoins populistes ? » s’interroge-t-il.

L’ancien député est convaincu qu’aucun travail sérieux n’a été effectué. Si tel avait été le cas, le ministère des Services publics et de l’Énergie aurait simplement exposé sa vision sur le type d’énergie renouvelable à exploiter pour atteindre ces objectifs, avance-t-il.

Il souligne également que la problématique des Independent Power Producers (IPP) n’a pas été abordée dans cette politique de transition énergétique. « Il aurait fallu, dès le départ, décider si la politique de transition énergétique continuerait à reposer sur les gros groupes énergétiques à Maurice, ou si l’on procéderait simplement à une décentralisation du système énergétique en permettant aux foyers mauriciens d’en faire partie intégrante », fait-il ressortir.

S’appuyant sur le fait qu’il y a en moyenne 125 000 foyers à revenus moyens à Maurice, Sunil Dowarkasing estime qu’il aurait été sérieusement envisageable d’introduire des compteurs intelligents (smart meters). Selon lui, cela aurait permis non seulement de produire de l’énergie propre, mais aussi à des familles de générer une somme de Rs 25 000 tous les deux mois. Cette somme aurait représenté un revenu plus qu’honorable pour ces foyers, sans compter que leur facture d’électricité aurait été considérablement réduite.

Soupçons de corruption

Un autre élément, selon Sunil Dowarkasing, qui contribuerait au retard des énergies renouvelables à Maurice, réside dans les soupçons de corruption qui ont récemment entaché certains projets, notamment l’allocation d’un contrat pour le développement d’une ferme solaire à la firme réunionnaise CorexSolar, qui fait actuellement l’objet d’une enquête par l’Independent Commission Against Corruption (Icac). Lorsque des soupçons de corruption planent sur un projet, c’est l’ensemble du secteur impliqué qui en souffre, fait-il valoir.

La députée du Mouvement militant mauricien (MMM) Joana Bérenger, qui a été la première à mettre au jour l’affaire CorexSolar, partage le même avis que Sunil Dowarkasing. Selon elle, « si le ministre Lesjongard avait été attentif dès le départ aux dénonciations faites dans le cadre de cet exercice d’allocation de contrat et qu’on avait décidé de procéder autrement, en allouant notamment le contrat à un autre soumissionnaire, le projet aurait tout simplement pu être en cours à l’heure actuelle ».

Résultat des courses, presque un an après l’allocation du contrat en février 2023, le projet n’a toujours pas démarré. « Le ministre Lesjongard doit assumer ses responsabilités dans tout cela, car il a lui-même affirmé sur le plateau de Radio Plus que l’opposition peut très bien continuer à parler, mais que les autorités iront bel et bien de l’avant avec CorexSolar », martèle-t-elle.

Selon l’expert en matière énergétique et chargé de cours à l’université de Maurice Khalil Elahee, le ministre a raison de dire que la transition énergétique n’est pas aussi rapide. Cependant, il affirme qu’il est crucial d’aller dans cette direction. Pour accélérer le processus, il estime qu’il est stratégiquement nécessaire de faire une croix sur le gaz naturel liquéfié (LNG) et de concentrer tous les efforts sur les énergies renouvelables et la maîtrise de la demande énergétique.

En termes de mesures concrètes, il suggère une révision institutionnelle du cadre régissant le Central Electricity Board (CEB), l’Energy Efficiency Management Office (EEMO), la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA) et l’Utility Regulatory Authority (URA) afin de stimuler la transition énergétique. Où en est la fusion annoncée de la MARENA et de l’EEMO, comme mentionné dans le Budget ? Comment repenser le CEB suite aux amendements à la loi sur l’électricité et à la loi sur le CEB ? Qu’en est-il de l’URA dans un contexte qui exige une gouvernance énergétique irréprochable ?

Enfin, il souligne qu’il est impératif de rechercher des financements verts et de subventionner les énergies renouvelables.

 

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