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Analyse : l’offre éducative

ERIC NG PING CHEUN

Longtemps ignoré par la science économique, parce que difficilement mesurable, le capital humain est considéré, depuis les travaux de Gary Becker, comme un facteur du développement économique. Parmi les qualités attachées au capital humain, les diplômes ne représentent pas tout, car sont aussi essentielles l’éducation familiale, l’expérience, les relations et la santé. Avant de blâmer les patrons, il faut reconnaître que les écarts de revenus individuels sont largement dus à la différence de dotation en capital humain. Sauf qu’avec le salaire minimum, un titulaire du HSC peut être rémunéré au même titre qu’un recalé du CPE… S’il décide de poursuivre ses études, il pourra être pris en charge par l’État sans toutefois se sentir partie prenante d’un investissement en capital humain. S’il prend la filière privée, le fait de payer ses études le responsabilise, le stimule et l’engage pour l’avenir : c’est un investissement payant.

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De nos jours, on opte pour des études payantes, non pas pour le diplôme en soi, mais pour augmenter ses chances de décrocher un emploi à la mesure de ses capacités. L’accès à l’université n’est pas un dû, mais se mérite, d’où le principe de bourses. Il ne s’agit pas de l’école primaire ou secondaire, mais des études supérieures ! Aucune université ne peut se permettre un nivellement par le bas.

Si l’on cherche seulement un diplôme, il n’est pas nécessaire d’user les bancs des facultés. Les nouvelles technologies ont accéléré l’obsolescence des universités traditionnelles dans la diffusion de la connaissance. Par la concurrence qui suscite l’innovation, le marché a démocratisé l’accès au savoir. Les MOCC (Massive Open Online Courses) permettent de suivre quasi gratuitement les cours magistraux des meilleurs professeurs du monde.

Complètement déconnecté des opportunités offertes par les technologies, le système universitaire public est condamné à se réinventer afin de s’adapter aux enjeux actuels et de concilier les ambitions des jeunes et les besoins du marché du travail. Pour que nos établissements publics ne restent pas des usines à fabriquer des chômeurs diplômés, il faut une grande réforme à trois volets : les écoles bénéficient d’une entière autonomie, les bons enseignants sont mieux payés, et l’argent public est utilisé à bon escient.

Le niveau d’une université est jugé par la qualité de l’enseignement et des papiers qu’elle publie. Il faut évidemment plus de moyens pour attirer les meilleurs chercheurs et chargés de cours, mais il est aussi important que les enseignants n’aient plus le statut de fonctionnaire. Ils doivent être rémunérés en fonction de leur rendement et jouir d’une totale liberté de penser et de s’exprimer – ce qu’on attend d’ailleurs d’une université. On n’espère pas voir des Paul Krugman locaux écrire dans nos journaux, mais on est abasourdi par l’absence de professeurs dans les débats économiques. Tant qu’une université tombe sous la coupe budgétaire de l’État, personne n’osera critiquer en public les politiques gouvernementales ni démolir les faussetés keynésiennes dans les cours.

Dès lors, la valeur d’un diplôme est tributaire de la réputation de l’université et de ses enseignants et constitue ainsi un signal pour l’employeur. Comme l’ont démontré Kenneth Arrow et Michael Spence, une formation n’a pas pour finalité première d’élever la qualification de quelqu’un, mais elle est un outil d’évaluation et de tri avant l’entrée sur le marché du travail. En raison de la transparence imparfaite de celui-ci, un établissement d’enseignement doit avoir une fonction de filtrage et de révélation des capacités productives réelles des candidats à l’embauche. Ne les connaissant pas, l’entreprise doit rechercher des informations préalables en analysant les mécanismes de certification.

C’est pourquoi il convient de réconcilier les mondes de l’éducation et de l’entreprise, de resserrer les liens des universités avec le monde du travail, et d’inculquer l’esprit entrepreneurial à l’école. Certes, les études universitaires visent à l’acquisition de connaissances générales, mais il est impératif d’étoffer l’offre éducative. Il est impensable que même les programmes de MBA n’incluent pas des visites d’entreprise ! Il n’est alors pas étonnant que beaucoup de diplômés cherchent un emploi dans le secteur public, sinon ils vont grossir les rangs des chômeurs.

Pour que l’enseignement supérieur soit au diapason de l’entreprise, il faudra introduire une concurrence loyale entre établissements publics et privés. Celle-ci les obligera à fournir un service de qualité à un coût optimisé, à améliorer leur gestion et à donner des résultats académiques probants. La compétition fera baisser les coûts pour les contribuables. En matière scolaire, il n’y a pas de progrès sans émulation.

La performance ne varie pas avec le budget du ministère de l’éducation. Il n’existe pas de lien entre dépense publique et réussite universitaire. Un allongement des crédits est un signe que le système n’est pas efficace. Jusqu’ici la dépense annuelle de l’Etat à l’enseignement supérieur public s’élève à Rs 1,3 milliard. Y ajouter Rs 600 millions pour qu’il soit quasiment gratuit ne fait que rendre les universités encore moins autonomes.

Au lieu de financer directement les établissements publics, l’Etat devrait remettre aux familles des bons scolaires, à l’instar des chèques-éducation aux Etats Unis, aux Pays Bas, en Suède, en Australie et en Nouvelle Zélande. Libre aux parents d’utiliser ces « vouchers » pour payer les frais de scolarité d’un établissement public ou privé. Avec la liberté de choix scolaires, les parents feront jouer la concurrence du côté de l’offre éducative et seront appelés à bien exercer leur responsabilité éducative et à éliminer les prestataires médiocres. Bref, une réforme radicale du système éducatif sans dépenser plus d’argent.

 

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