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Allégations de tortures, « suicides », manque d’hygiène… : Incursion dans les cellules policières

La police aurait tendance à torturer les détenus afin de leur soutirer des informations.

Le suicide de Sanjay Beeharry en cellule policière, dans le courant de la semaine dernière, lève le voile sur ce qui se trame dans ces lieux de détention. Les représentants de la loi qui ont été sollicités pour le besoin de cette enquête sont unanimes : les détenus sont souvent torturés lorsqu’ils sont placés en cellules policières. Cela, malgré la présence de caméras CCTV qui sont opérationnelles 24 heures sur sept. Outre la torture, les détenus sont par ailleurs confrontés à d’autres situations incommodes, telles que le manque d’hygiène et le surpeuplement. La police dément tout acte de brutalité et indique que les droits de l’homme sont scrupuleusement respectés dans les cellules.

Il semblerait que les détenus passent les plus longues heures, voire les plus longs jours de leur vie lorsqu’ils sont en détention policière (‘police cell’). « Oui, il y a des détenus qui sont victimes de brutalités, ou de tortures, lorsqu’ils sont en cellules policières. Chose qui est contraire aux conventions des Droits de l’homme dont Maurice est signataire », avancent des hauts gradés de la force policière sous le couvert de l’anonymat. Tout détenu, poursuivent nos intervenants, est pourvu de droits fondamentaux, tels que le droit à l’expression, ou encore le droit aux mouvements. Mais il semblerait que ces exigences sont loin d’être respectés par certains policiers. « Bien souvent, les officiers de police ont tendance à torturer les détenus afin de leur soutirer des confessions. D’autres emploient la manière forte pour punir, ou encore pour intimider et une poignée d’officiers se font plaisir en jouant aux oppresseurs. Cela, afin de démontrer qu’ils représentent la loi », avance un officier de la force policière régulière travaillant dans le centre du pays.

Intimidations

Les individus incarcérés pour des délits criminels, fait comprendre un ancien prisonnier, sont couramment victimes d’intimidations. Notre intervenant va plus loin dans ses dénonciations et pointe du doigt les officiers de la CID et certains éléments de la brigade anti-drogue. « Kan zot ferm enn dimounn, zot bat li bien pou ki li pa revinn kokin dan mem lendrwa », dénonce l’ancien prisonnier qui vient de purger une peine d’emprisonnement pour ‘Larceny with violence’. 

Selon notre intervenant, les officiers de la CID ont tendance à frapper les détenus dans des zones spécifiques : l’abdomen, le dos, le talon, ou le plat des pieds. « Si zot anvi pena mark, zot pou bat dan talon ar dibwa. Ou swa met ou dormi pla vant, met enn goni mouye lor ou. Lerla bat brit. Pa pou ena mark », dit-il. Cela explique le fait que, poursuit l’ancien prisonnier, certains détenus se rendent en cour de justice en boitant ou encore avec une enflure au niveau du visage ou du bras. 

Crainte de représailles

Selon des documentations, cette forme de brutalité policière (qui équivaut à une forme de torture) constitue un délit qui tombe sous la section 77 du Criminal Code. Cette section de la loi stipule qu’un policier n’a pas le droit de faire justice en torturant un détenu. C’est un abus de pouvoir qui est équivalent à une offense criminelle. « Les cas de brutalités et de tortures dans les cellules policières interviennent au quotidien.

Mais les détenus se murent dans le silence par crainte de représailles. ‘Zot per tansion pa donn zot kosion, atas lot kez ar zot, ou swa ar zot fami. A coz samem nou aksepte gayn bate trankil parski nou anvi protez nou fami », dénonce l’ancien prisonnier.

L’irréparable

« C’est la raison pour laquelle certains détenus commettent l’irréparable en s’ôtant la vie », indique une autre source policière. Les détenus qui présentent des signes de désespoir, fait remarquer notre source, doivent immédiatement être admis dans un hôpital psychiatrique, conformément aux protocoles. Mais tel ne serait pas le cas. Tourmentés, les détenus finissent par mettre fin à leurs jours par pendaison. 

Au niveau de l’état-major de la force policière, on avance que le pays dispose d’une cinquantaine de cellules policières. Le nombre de cellules est en fonction de la superficie du poste de police. Le poste de police d’Albion dispose d’une seule cellule. Celui de Rose-Hill a quatre cellules policières. 

Conformément aux conventions des droits de l’homme, tout détenu doit être enfermé dans une cellule pourvue de tous les besoins de base. C’est-à-dire nourriture, couverture et vêtement. Selon des renseignements, certaines cellules policières seraient toutefois surpeuplées, faute de place. L’hygiène et la propreté sont remises en question. 

« Certaines cellules empestent le moisi »

« Vous savez, je rencontre souvent mes clients dans des cellules policières. Je suis étonné de constater que ces lieux de détention sont loin d’être conformes aux droits de l’homme. Certaines cellules sentent le moisi et l’odeur des toilettes », fait comprendre un avocat spécialisé dans le domaine criminel. 

L’homme de loi, qui soutient que les policiers ont toujours recours à la torture afin de soutirer des aveux aux présumés criminels et trafiquants de drogue, demande aux officiers de la commission des droits de l’homme d’effectuer des visites régulières dans des cellules. 

Outre des visites surprises des défenseurs des droits de l’homme, poursuit l’homme de loi, les policiers doivent être sensibilisés sur le respect des détenus. « Les images des caméras CCTV, qui doivent être visionnées quotidiennement, et stockées au Main Command Centre d’Ébène. Toute anomalie doit être rapportée aux Casernes centrales de Port-Louis », propose l’homme de loi.

L’image avait fait le tour du monde. Souvenez-vous, le défunt David Gaiqui était enchaîné à une chaise après avoir subi une ‘Strip search’ par la police de Curepipe. L’image a été publiée avec le consentement d’un de ses avocats, Me Anoup Goodary, qui avait capturé l’image.
L’image avait fait le tour du monde. Souvenez-vous, le défunt David Gaiqui était enchaîné à une chaise après avoir subi une ‘Strip search’ par la police de Curepipe. L’image a été publiée avec le consentement d’un de ses avocats, Me Anoup Goodary, qui avait capturé l’image.

L’avocat Anoup Goodary : « Un bon nombre de cas demeurent non rapportés »

Me Anoup Goodary, l’un des avocats ayant défendu le défunt David Gaiqui (le détenu enchaîné qui a été soumis à une ‘strip search’ au poste de police de Curepipe en 2018), se dit convaincu qu’il y a moins de cas de brutalités policières dans les cellules. Sans doute, dit-il, en raison de la création de l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) en 2018. Mais cela ne veut pas dire que les policiers ne torturent plus. « Je pense qu’il y a quand même un bon nombre de cas de brutalité policière qui demeurent non rapportés aux autorités », dit-il. 

L’avocat, qui confirme que beaucoup de cellules policières font preuve d’un manque d’hygiène et d’aération, plaide également pour le bien-être des policiers. « Les policiers doivent travailler dans un lieu sain », suggère-t-il.

 

 

L’inspecteur Shiva Coothen de la police : « La brutalité en cellule policière est révolue »

L’inspecteur Shiva Coothen, qui intervient au nom de la force policière, balaie d’un revers de main toute allégation de brutalité policière dans les cellules. « La brutalité en cellule policière, ou encore la torture, est révolue. Toutes les cellules policières ont été revues. Le personnel de la commission des droits de l’homme et les représentants de la force policière visitent les cellules. Des améliorations sont apportées là où le besoin se fait sentir. Valeur du jour, la majorité des cellules policières répondent aux normes des droits humains », déclare-t-il. 

Le haut gradé de la police précise qu’aucun individu n’a le droit d’être détenu sans avoir été traduit en cour de justice. L’inspecteur Shiva Coothen rappelle que les cellules sont également pourvues de caméras de surveillance opérationnelles. 

« Lors de leur admission en cellule, nous nous assurons que les détenus soient dépourvus de bijoux, ceintures, lacets de souliers et autres effets personnels. Parfois les détenus utilisent d’autres moyens afin de commettre l’irréparable », lance-t-il. 

L’inspecteur Shiva Coothen indique également que la police exerce « un contrôle régulier » sur les cellules le jour comme la nuit. Des rondes sont effectuées chaque 30 minutes, ajoute le haut gradé, par les officiers de police en service.

L’inspecteur Shiva Coothen avance, par ailleurs, que la police a un regard sur les trois centres de détention (à savoir Moka detention centre, Line Barracks detention centre et Vacoas detention centre) à travers le pays.

 

 

 

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