L’aide juridique (aussi connu comme « avoka pou bann pov ») est une assistance fournie aux personnes qui n’ont pas les moyens de se faire représenter par un juriste, leur permettant ainsi d’accéder au système judiciaire. Le hic, c’est que l’accès à ce système est restreint. Me Arshaad Inder nous en parle.
L’aide juridique est étroitement liée à l’État-providence. C’est une prestation d’aide sociale offerte par l’État aux personnes qui, autrement, n’auraient pas les moyens de se faire conseiller pour recourir à la justice, explique Me Arshaad Inder.
Les services juridiques sont offerts par des avocats de la pratique privée et des avoués. Ils ont le mandat de conseiller leurs clients et de les assister pendant une enquête policière ou de les représenter devant le tribunal.
Cette assistance garantit l’égalité d’accès à la justice afin de protéger les droits des personnes démunies et vulnérables. En particulier les enfants, personnes âgées ou handicapées ou appartenant à des groupes religieux ou ethniques minoritaires.
Mais pas seulement. Car, rappelle Me Arshaad Inder, être démuni ne signifie pas seulement ne pas avoir d’argent. C’est aussi ne pas savoir lire le Code de procédure civile, ni le Code pénal. Ou ne pas savoir quoi faire face à l’injustice, à la pression pour signer des documents que l’on ne comprend pas.
Ainsi, soutient-il, l’aide juridique peut garantir que la personnes ait accès à des informations sur ses droits et obligations. Sans cela, elle verrait ses droits être bafoués lorsqu’elle interagit avec un système de justice pénale. Notamment dans un cas de détention provisoire arbitraire, de torture, d’aveux forcés ou de condamnations injustifiées.
Autonomiser les populations pauvres
Garantir l’accès à l’aide juridique dans le cadre d’affaires civiles et administratives est également essentiel afin d’autonomiser les groupes démunis et marginalisés, poursuit l’homme de loi. Cela vaut également pour les affaires conjugales, de garde d’enfants, de différends au travail et les questions d’héritage et de propriété. Grâce à l’aide juridique, ces personnes peuvent faire valoir leurs droits et contester des cas de discrimination.
Cela contribue à renforcer la confiance des citoyens dans le système judiciaire et la légitimité de l’État, insiste Me Arshaad Inder. Et puis, ajoute-t-il, fournir une aide juridique efficace peut également réduire considérablement la surpopulation carcérale.
Comment recourir à cette aide ?
Selon Me Arshaad Inder, tout détenu ou personne soupçonnée d’avoir commis un délit peut, dès son arrestation, demander l’assistance d’un avocat lors de l’enquête de la police. Ou pour sa demande de remise en liberté sous caution. D’ailleurs, fait-il remarquer, il est de la responsabilité de la police, des « Prosecutors », des magistrats et des juges de veiller à ce que ceux qui comparaissent devant eux et qui ne peuvent se payer un avocat ou sont en situation de vulnérabilité, aient accès à une aide juridique.
D’autre part, toute personne souhaitant obtenir l’aide juridique pour être partie à une procédure civile ou pénale doit en faire la demande en écrit à l’autorité concernée. L’aide juridique s’applique également à une personne qui a le droit de faire appel d’une condamnation ou d’un ordre émis par un magistrat en vertu du District and Intermediate Courts (Criminal Jurisdiction) Act ou de l’Industrial Court Act. Cela comprend l’appel au pénal d’une cour de district, la cour intermédiaire, la cour industrielle, le tribunal de Rodrigues, entre autres
L’argent, poursuit
Me Arshaad Inder, est le facteur le plus courant pour déterminer l’éligibilité à l’aide juridique. Les autres bénéficiaires éligibles fréquemment cités sont les mineurs, comme clairement stipulé dans le Legal Aid and Legal Assistance Act.
Peut-on contester le refus d’une aide juridique ?
Selon Me Arshaad Inder, dès la réception d’une demande d’aide juridique, l’autorité concernée peut procéder à une enquête qu’elle juge appropriée sur les moyens de la personne. Cette dernière est ainsi dirigée vers un avocat ou un avoué, ou les deux, pour déterminer le bien-fondé de sa cause d’action.
L’autorité concernée peut approuver l’octroi de l’aide juridique ou la refuser si elle ne satisfait pas les critères ou si la demande n’est pas fondée. Elle communiquera la décision à la personne.
En cas de refus, la personne peut écrire à l’autorité concernée, exposant les raisons pour lesquelles elle pense que la décision est injuste. Elle peut aussi inclure toute preuve dont elle dispose.
Concernant les procédures devant la Cour suprême ou une cour d’appel, l’autorité est le chef juge ou un juge désigné. Devant une autre juridiction, c’est le magistrat du tribunal en question.
À noter que si une aide juridique a été refusée à une personne parce qu’elle n’est pas financièrement éligible, il n’y a pas de procédure de révision. Cependant, l’autorité peut revoir l’évaluation financière à sa requête.
Les critères pour obtenir une aide juridique
Toute personne souhaitant obtenir une aide juridique doit satisfaire deux critères.
- Ne posséder aucun bien valant Rs 500 000 ou plus ;
- Ses revenus mensuels ne doivent pas dépasser Rs 15 000.
L’aide juridique ne s’applique pas dans certains cas :
- Les procédures devant le Conseil privé
- Un comité disciplinaire
- Les poursuites au pénal en première instance, sauf pour des délits spécifiés dans le « First Schedule » : « public officer flouting claim of illegal detention », « Conspiracy by public officers to flout the law », « public officer resigning with intent to paralyse public service », « violence by public officer », « counterfeiting seal, mark or bank note or unlawful use of a seal », « altering Government mark », « embezzlement and larceny by public officer or notary », « murder », « manslaughter », « unlawful termination of pregnancy », « involuntary homicide and wounds and blows », « rape », « attempt upon chastity and illegal sexual intercourse », « bigamy », « Giving false evidence in case of crime or civil matter », entre autres.
L’avocat commis d’office
Selon Me Arshaad Inder, conformément à The Legal Aid and Legal Assistance Act, un avocat ou un avoué commis d’office ne peut refuser son assistance. À moins qu’il parvienne à fournir au chef juge un motif valable justifiant ce refus.
D’autre part, si la personne n’est pas satisfaite des services de l’avocat commis d’office, elle peut s’adresser à l’autorité concernée (le chef juge ou le magistrat) pour demander un autre avocat. Elle devra au préalable expliquer ses raisons. C’est ensuite à la discrétion de l’autorité d’agréer ou de refuser sa requête.
Il faut évoluer…
Me Arshaad Inder préconise plus de campagnes de sensibilisation pour mieux faire connaître ce service. Pourquoi pas des panneaux d’affichage dans tous les établissements, propose-t-il. Aussi, des huissiers et des « legal officers » doivent constamment rappeler aux personnes le droit à l’accès à l’aide juridique, insiste-t-il.
Dans la foulée, il fait comprendre que pendant une procédure juridique ou une enquête policière, les informations sur les droits de l’individu et les services d’aide juridique doivent être librement disponibles et accessibles. « Quelqu’un ne peut pas se prévaloir du service d’aide juridique s’il n’est pas au courant de ses droits, de quand et comment recourir à ce service, entre autres. » Car, argue Me Arshaad Inder, « les aspirations des peuples à la démocratie et au développement exigent un ‘véritable’ État de droit, ce qui est impossible si la justice n’est pas accessible à tous ».
Les fonds nécessaires
Autre suggestion : que le gouvernement établisse un « Legal Aid Fund » pour financer les programmes d’aide juridique. Mais aussi soutenir les associations et des « university law clinics » qui donnent des conseils aux démunis de la société. Et pourquoi pas parrainer des ONG en fournissant ce service à travers le pays, en particulier dans les milieux défavorisés, dans le cadre d’une structure établie. Du reste, l’avocat est d’avis que le gouvernement peut utiliser les fonds récupérés des délits, par le biais des amendes et des saisies, pour couvrir les frais d’assistance juridique.
Pool élargi d’avocats
Il fait remarquer, d’autre part, qu’il faudrait donner l’opportunité aux avocats qui se sont manifestés d’être des fournisseurs d’aide juridique. Ou encore aux avocats qui fournissent une assistance dans les processus formels de médiation et de règlement extrajudiciaire des différends, les tribunaux, l’Assessment Review Committee, entre autres.
D’autant qu’une personne ayant recours à l’aide juridique n’a pas la garantie d’avoir un avocat de son choix. À ce propos, Me Arshaad Inder estime que l’avis de la personne devrait être considéré, même si, finalement, c’est l’intérêt de la justice qui primera.
Dans certains cas, observe-t-il, le droit à l’aide juridictionnelle peut ne pas être respecté en raison de ressources financières limitées ou la personne a hérité d’un bien et ne répond pas aux critères d’éligibilité. Dans d’autres cas, les critères d’admissibilité peuvent être trop stricts, excluant de fait une grande majorité de personnes qui n’ont pas les moyens d’avoir recours à un avocat. Il propose que ces personnes puissent présenter une demande spéciale au chef juge afin que ce dernier examine les demandes au cas par cas.
Le suivi
Par ailleurs, Me Arshaad Inder souligne qu’un suivi doit être fait pour contrôler la qualité des services d’aide juridique. Un mécanisme doit être mis en place pour maintenir l’intégrité des services d’aide juridique fournis, ajoute-t-il.
« Il faut un système pour surveiller la performance juridique de ceux qui assurent ce service. » Des sanctions doivent être prévues pour toute sous-performance d’un homme de loi, avance Me Arshaad Inder.
Dans la foulée, il propose une formation continue à l’intention de tous les fournisseurs d’aide juridique, également dans des domaines spécialisés.
Pour conclure, l’avocat propose qu’en sus des honoraires exigibles, des mesures supplémentaires soient accordées aux avocats commis d’office. Parmi celles-ci, des allègements fiscaux ou des exonérations, des réductions du remboursement des prêts étudiants, des frais de transport et même d’hébergement dans des cas devant le tribunal de Rodrigues et des frais supplémentaires pour les comparutions devant une instance dépassant trois fois en raison de reports qui ne sont pas liés à l’avocat.
En chiffres
C’est en général le tribunal qui nomme l’avocat commis d’office, sur la base d’une liste formelle ou d’une méthode de rotation avec des critères de qualification spécifiques. L’avocat ou l’avoué concerné recevra, des fonds provenant du Consolidated Fund, la somme qui est déterminée par le chef juge. Il n’est pas tenu d’effectuer de déboursement de ses propres frais. Il peut aussi être remboursé de certains frais encourus lors de la représentation des clients bénéficiant d’une aide juridique, tels que les frais pour des témoins experts, pour des dossiers ou encore des procès-verbaux. Ci-dessous, les frais alloués dans le sillage d’une aide juridique :
Plus de Rs 1,3 M déboursées en 2021
Selon le rapport du judiciaire en juin 2022, l’État a déboursé Rs 1 360 600 en 2021, contre Rs 935 550 en 2020. Les demandes pour une aide juridique en 2021 étaient au nombre de 2 566, contre 4 965 en 2020.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !