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Vidur Ramdin : «À Niamey, c’est mon bilinguisme qui a fait la différence»

S’il fallait trouver l’expression concrète du génie des Mauriciens loin de leur terre natale, Vidur Ramdin en est un exemple et il l’incarne sans tambour ni trompette. À 34 ans, le Mauricien est directeur du département Communication et Marketing du Fonds de Solidarité Africaine, un poste qu’il doit à ses diplômes, mais aussi au bilinguisme dont les Mauriciens découvrent petit à petit les atouts.

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Vacances et travail. À Maurice depuis deux semaines, Vidur Ramdin a posé ses valises dans son village natal à Montagne-Longue, où il peut s’enorgueillir d’ajouter son  nom à une longue liste d’intellectuels qui ont contribué au progrès de Maurice, dont le plus emblématique reste Mungur Bhagat, figure éminente de la langue hindi. « J’avais certes de l’ambition, mais à aucun moment je ne me voyais responsable d’un important département en Afrique, avec le statut d’un diplomate, exempté de taxes et disposant des mêmes privilèges qu’un coopérant », sourit-il.

Vidur Ramdin, c’est d’abord une tête sympathique, une figure joviale, et la lucidité dans les réflexions lorsqu’il en vient à l’Afrique. S’il est fils de fonctionnaire, ce dernier n’était certes pas grand commis de l’État. « Mon père était seul à travailler et on était obligé de nourrir des vaches pour equilibrer le budget familial. Nous étions une famille très modeste, comme il en existait dans les années 1970 », se souvient-il.

Banque Mondiale

La famille, végétarienne, puise ses forces dans la lecture quotidienne des Vedas, et est persuadée que l’éducation reste le seul moyen de gravir l’échelon social. Après l’école, le jeune Vidur passera le HSC au Mahatma Gandhi Institute puis s’inscrit à l'Université de Technologie, où il étudie l’hôtellerie suivie d’une maîtrise et d’un Master in Business Administration en Tourism and Management. Entre les études, il prend de l’emploi au collège Universal en 2006 et, deux ans plus tard, il est embauché comme Head of Department au collège Friendship.

En 2011, le bureau local de la Banque mondiale lui confie la direction d’une étude intitulée Evaluation and Monitoring, dont l’objectif est de vérifier l’état des PME locales, leurs forces et faiblesses et leur impact sur l’économie. « L’étude a été réalisée dans le sillage de la crise dite des 'Subprimes', il fallait évaluer la capacité de résilience après cette crise économique mondiale. Pour cette étude étalée de 2011 à 2012, j’avais créé un département à la Development Bank of Mauritius. Il existait déjà différents plans d’aide aux PME afin de les soutenir en termes de campagnes de promotion, de branding et de communication. L’étude avait mis le doigt sur quatre principaux obstacles auxquels se heurtaient les PME : le faible niveau d’éducation de leurs chefs et la nature souvent familiale de leurs entreprises, le problème d’accès aux finances et l’absence de culture d’entreprise, ce qui constituait des entraves à leur développement. Mais le document n’a jamais été rendu public », fait ressortir Vidur.

Fonds de Solidarité Africaine

Après cette incursion dans le milieu des PME, il se joint au projet d’Amity University, où il est Head of Marketing and Communication. À Ébène, durant quatre ans, il est chargé du branding de l’institution, du recrutement des étudiants, de la communication avec la presse, entre autres. Il est aussi conférencier à temps partiel à l’Open University et au Mauritius Institute of Education.

Le tournant dans sa carrière intervient en 2016, où il apprend par voie de presse que le Fonds de Solidarité Africaine (FSA), dont Maurice fait partie, recrute un directeur de communication et de marketing pour ses services à Niamey, au Niger. « C’était un risque, car j’étais végétarien. Mais ma femme, Anisteebye, m’a soutenu. Nous sommes partis ensembles à Niamey en février 2017, puis j’ai passé l’entrevue en français, mais c’est mon bilinguisme qui a fait la différence », raconte-t-il.  

À Niamey, le couple débarque dans un No Man’s Land où, raconte Vidur, le concept de végétarisme est quasi-absent, de même que les plats à base de légumes dans les restaurants.
« Mais l’accueil des Nigérians et leurs connaissances de Maurice grâce aux chaînes satellitaires ont compensé notre préférence alimentaire », sourit-il. Après un bref séjour dans un hôtel, le couple décide d’emménager dans un appartement situé dans un quartier huppé de Niamey, où résident des expatriés européens et  l’ambassadeur indien.

Missionné pour monter

Dans la capitale nigériane, le jeune Mauricien est missionné pour monter, « à partir de rien » un département Marketing et Communication pour le FSA. « Il n’existait pas de profil professionnel pour le personnel requis, j’ai alors recruté à temps partiel des étudiants. Grâce à un budget mis à ma disposition, je leur versais une allocation », explique-t-il. Au FSA, Vidur, initié au français dans le cursus éducatif mauricien, se rend aussi compte qu’il lui faut apprendre le français juridique afin d’avoir la maîtrise totale de son département. « Comme j’ai passé des années à étudier, cela n’a pas été difficile », confie-t-il. Parmi ses attributions, il lui faut créer des évènements, traduire des documents et discours, développer des stratégies de marketing, rédiger des newsletters, entre autres, sans compter un site internet en développement. « C’est dans la préparation de ces activités que je me suis familiarisé avec une obligation de rigueur, qui fait partie de la culture européenne de travail, pas forcément présente à Maurice. À Niamey, où le système administratif est français, je me suis aussi aperçu que le protocole occupe une place importante », fait observer Vidur.

Statut de diplomate

Titulaire du statut de diplomate, délivré par l’État nigérian, le Mauricien confie qu’il a négocié ses conditions de travail avant de signer un contrat de durée indéterminée.  « Tout est pris en charge par le FSA, l’hébergement et les frais alimentaires. Il faut savoir que le FSA est né d’une proposition de la France, ce qui lui confère une grande respectabilité », explique-t-il.

La vie quotidienne n’est pas sans ombre pour Vidur dont l’épouse est employée à la Maurice au Mauritius Revenue Authority (MRA). « Il faudra trancher en faveur de l’Afrique, où toutes les perspectives de croissance sont au vert, c’est là-bas l’avenir des entrepreneurs mauriciens. Ce n’est pas pour rien que la Chine y a envoyé des centaines de milliers de ses ressortissants, où se trouvent aussi les ‘global branding’, les grandes entreprises engagées dans les énergies renouvelables. Mais les Mauriciens doivent se débarrasser de leurs préjugés à l’égard des Africains et il faut que notre gouvernement lui-même entreprenne des études pointues sur chaque pays, et non pas se contenter des données généralistes », indique-t-il.

Même s’il admet que certains pays du continent africain sont confrontés au respect de la bonne gouvernance, au manque d’éducation et d’infrastructures, la criminalité, l’absence d’un système de santé adéquat, Vidur ne veut pas jeter le bébé avec le bain. « Je veux être partie prenante du développement de l’Afrique, de son avenir. Dans l’immédiat rien ne m’intéresse à Maurice, surtout pas la politique », lâche notre interlocuteur, dont un doctorat viendra sous peu allonger sa liste de diplômes.

 

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