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Travail contractuel : les facteurs de précarité

Travail contractuel

Dans le milieu syndical, on estime que le travail contractuel est la principale cause de précarisation de l'emploi et de la misère. Mais pour le patronat, les entreprises aussi sont dans une situation précaire avec la rude concurrence.

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La précarisation de l'emploi prend de l'ampleur à Maurice. Tel est l’avis de Reeaz Chuttoo, secrétaire de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP). À ce propos, il pointe du doigt le travail sous contrat qui ne permet pas aux travailleurs de jouir de la sécurité d'emploi. « Dans le passé, des professionnels étaient embauchés sous contrat pour l'accomplissement de certains projets spécifiques. De par la nature de leurs contrats, ils jouissaient de certains avantages. Mais de nos jours, le travail contractuel est devenu la norme, même pour les travailleurs manuels avec des conditions de travail contraignantes », déplore-t-il.

Or, du côté du patronat, on avance que le recrutement sous contrat est déterminé par un certain nombre de facteurs. D'abord, indique le directeur d'une entreprise qui a voulu garder l'anonymat, il y a la situation économique. « Les syndicats parlent toujours de la précarité de l'emploi, mais qu'en est-il de la précarité des entreprises ? ». Et d’expliquer qu'avec la rude concurrence sur le marché international, il devient de plus en plus difficile pour les entreprises d'écouler leurs produits.

D’ici décembre, plusieurs contrats de travail pourraient ne pas être renouvelés»

Selon lui, Maurice est en concurrence directe avec des pays dont les prix sont plus compétitifs, notamment en raison du faible coût de la main-d’œuvre. « Je ne dis pas qu’il faut donner un salaire de misère à nos employés, mais il nous faut aussi prendre certaines mesures pour atténuer les coûts de production pour rester compétitifs. » L’une des mesures est de recruter sous contrat déterminé dépendant de la commande. « Bien sûr, si entre-temps, on reçoit d'autres commandes, on va garder nos employés », dit-il. Et d’ajouter que plusieurs entreprises font face à de gros problèmes financiers et sont au bord de la faillite.

Chez les syndicats, on craint que la situation des travailleurs ne se détériore avec le Contract Agency Labour. Ce sont des agences qui louent la main-d’œuvre à des entreprises. « Par exemple, l'entreprise X a besoin d’ouvriers pour accomplir une tâche spécifique. Elle fait appel à l'agence Y  qui lui fournit le nombre de travailleurs requis. Toutefois, les conditions de service et de salaires ne sont pas déterminées par X, mais par Y », souligne Reeaz Chuttoo.

Généralement, ces personnes travaillent dans des conditions très difficiles, mais ils ne peuvent élever la voix de peur que leurs contrats de travail ne soient résiliés. Il dira que la CTSP mène campagne contre ce qu'elle considère comme une sorte « d'esclavage moderne », au sein d'IndustriAll, qui regroupe 50 millions de membres et est présent dans 140 pays du monde.

Ce que dit la loi

L'avocat Dev Ramano, spécialiste en relations industrielles, explique qu'il existe deux types de contrat de travail. Il y a le contrat déterminé et le contrat indéterminé. Le second est de nature permanente, alors que sous un contrat déterminé, un employé est appelé à travailler pendant un certain nombre de jours et de mois. Dépendant de la nature de son travail, le contrat peut être renouvelé ou pas.

Si après 24 mois de travail consécutifs, l'employé en question continue de travailler même si son contrat n’a pas été renouvelé, son travail devient permanent. Toutefois, la grosse majorité des employeurs, observe-t-il, licencient leurs contractuels pour les recruter de nouveau après 28 jours sous un nouveau contrat de travail. Il dénonce plusieurs abus de la part de certains employeurs sous cette clause de la loi.

L'avocat déplore aussi que sous l'actuelle législation du travail, il n’y ait pas de réintégration dans la pratique, même s’il a été prouvé en cour industrielle qu'un employé a été victime d'un licenciement injustifié. « L'employeur préfère lui payer une compensation au taux punitif au lieu de le réintégrer à son poste  », dit-il. D'où son souhait que la loi du travail soit amendée pour qu'un employé puisse être réintégré à son poste s'il a été prouvé qu'il a été licencié injustement.

Les ouvriers, les plus à risque

Les syndicalistes appréhendent une vague de licenciements dans le secteur de la construction où des ouvriers mauriciens ont des contrats renouvelables chaque trois mois. D’ici décembre, selon eux, plusieurs contrats de travail pourraient ne pas être renouvelés. « C'est une pratique qui se répète chaque année. Officiellement, on ne peut parler de licenciement car ces ouvriers ont été recrutés sous contrat. Mais qu'importe, ce sont des Mauriciens qui se retrouvent sans emploi à l'approche des fêtes de fin d' année », ajoute Reeaz Chuttoo.


 

Pour un Portable Severance Allowance Fund 

Compte tenu de l'embauche sous contrat et la robotisation du monde du travail, les emplois deviendront de plus en plus précaires et les licenciements ne cesseront, estime Reeaz Chuttoo. D'où son combat pour l'introduction d'un Portable Severance Allowance Fund. Suivant la mise sur pied de ce fonds auquel le patronat aura à contribuer une somme représentant un jour de salaire chaque mois, les salariés du secteur privé pourront préserver leurs temps de service et autres acquis, indépendamment du nombre d'employeurs qu'ils auront connus durant leur carrière professionnelle.

 

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