Interview

Suresh Chandra Seeballuck: «Si la Fonction publique était inefficace le pays n’aurait pas avancé»

Suresh Chandra Seeballuck
Ancien Chef de la Fonction publique et Secretary to Cabinet, Suresh Chandra Seeballuck réitère sa foi dans la Fonction publique. [blockquote]« Si la Fonction publique était vraiment si inefficace, le pays n’aurait pas avancé », estime-t-il.[/blockquote] [col-md-4] [panel contents="À 68 ans, Suresh Chandra Seeballuck comptait 42 ans de service. En mars 2001, après avoir travaillé dans plusieurs ministères, il est nommé Permanent Secretary au bureau du PM d’alors, sir Anerood Jugnauth. La même année, le 11 septembre, il est nommé Secretary for Home Affairs. En 2003, il reste pour servir Paul Bérenger devenu Premier ministre. Après les élections de 2005, il demeure en poste avec Navin Ramgoolam comme Premier ministre. Il est nommé Secretary to Cabinet en 2006, jusqu’à son départ en décembre 2014. Marié, il est père d’un enfant." label="Biographie" style="info" custom_class=""] [/col-md-4] Que pensez-vous de la vision 2030 du gouvernement ? Comme son nom l’indique, c’est une vision. Maintenant il faut travailler pour atteindre les objectifs. La vision est ambitieuse, mais je pense qu’elle est réalisable. Quid des moyens pour réaliser cette ambition ? Le gouvernement dispose dejà d’une large majorité. Il a donc la latitude pour atteindre ses objectifs. Forcément, il y aura des mesures impopulaires, mais elles seront indispensables dans la réalisation de cette vision. Le Premier ministre a demandé aux fonctionnaires de se réveiller... Sont-ils endormis ? Je suis le premier à reconnaître que tout n’est pas parfait dans la Fonction publique. On s’accorde tous à dire, y compris mon successeur, que certaines brebis galeuses gâtent l’image du service. Il existe aussi des brebis galeuses dans le secteur privé. Mais de là à dire que les fonctionnaires doivent se réveiller... Si la Fonction publique était vraiment si inefficace, le pays n’aurait pas avancé. En janvier, par exemple, le secteur privé est en congé du 1er au 7 janvier, voire plus. Imaginez le scénario inverse — la Fonction publique en congé pendant une semaine. Impensable. Les fonctionnaires ont joué et continuent à jouer un rôle extrêmement important pour soutenir le progrès et le développement du pays. [col-md-8][/col-md-8] [row custom_class=""][/row] C’est la notion de « réveil » qui vous pose problème ? Le mot est inapproprié. Qu’est-ce qu’on pourrait dire à la place ? Que le service n’est pas performant. La Fonction publique a fait de grandes avancées et continue à le faire. La Fonction publique est un maillon indispensable pour le développement du pays. On ne peut envisager des réformes sans son apport. Les gouvernants doivent avoir foi dans les fonctionnaires. Pourtant les gouvernants sont les premiers à juger et à condamner les fonctionnaires ? C’est déplorable. Le terme « fonctionnaire » est devenu péjoratif. Quand on dit « sa enn fonksioner sa », on juge la personne. On estime que c’est quelqu’un qui est payé pour ne pas travailler. Ce qui n’est pas le cas. De nombreux fonctionnaires travaillent au-delà les heures réglementaires. Et pourtant on parle de machinerie grippée ? La Fonction publique n’est pas grippée. Les procédures sont transparentes et certaines prennent du temps. Il y a « room for improvement ». Il faut s’adapter. S’adapter comme dans l’adage « adapt or perish »... Personne ne va périr. L’objectif est d’améliorer le service et pour cela, beaucoup de réformes ont été mises en place et d’autres le seront à l’avenir. Les réformes ne sont pas figées dans le temps, c’est une constance. Toutefois, ce qui change, c’est la nature de la réforme. Les pratiques qui étaient bonnes dans les années 60 sont inadaptées aux besoins du jour. Le système actuel favoriserait-il l’ingérence politique ? Oui et non. Le ministre est un politicien avant tout. Toutes ses actions ont une portée politique. Cela influence ses décisions. Le fonctionnaire doit s’assurer que toutes les décisions restent « within the spirit of the law ». J’admets que c’est assez difficile. Le fonctionnaire doit savoir comment naviguer « so that he does not fall foul in the law. » Les fonctionnaires ne devraient-ils pas se focaliser sur des objectifs nationaux plutôt que de tomber dans la routine ? La routine est assurée à un certain niveau. Au plus haut échelon administratif, l’accent est justement sur les objectifs nationaux. Je ne pense pas que la routine touche seulement la Fonction publique. Le syndicaliste Sadien estime que les hauts fonctionnaires devraient refuser des instructions verbales des ministres. Est-ce possible ? Il y a déjà eu une décision en ce sens il y a quelques années. Dans la pratique toutefois, ce n’est pas possible. Il y a un rapport de confiance établi entre le haut fonctionnaire et son ministre. Une telle pratique peut créer une méfiance entre les deux et ce n’est pas bon pour le bon fonctionnement du ministère. Dans votre cas par exemple, acceptiez-vous des instructions verbales de l’ancien Premier ministre ? Oui. Comme je vous ai dit, il y a un rapport de confiance qui s’établit. J’avais confiance en sa parole, mais mon devoir de haut fonctionnaire me permettait de discuter de certaines choses si je n’étais pas à l’aise avec une décision. Avez-vous déjà refusé de suivre une instruction verbale ? Il est de mon devoir de suivre les instructions. Si je pense qu’il y a un problème, je ne m’oppose pas frontalement. J’aborde le sujet lucidement et présente mon point de vue. It’s also my job to advise. L’ancien PM, assez souvent, a changé ses décisions après qu’on eut  discuté d’un dossier. J’estime qu’un haut fonctionnaire doit pouvoir conseiller son ministre s’il pense que sa décision n’est pas appropriée. Que se passe-t-il au cas où, malgré les conseils de son Permanent Secretary (PS) ou Senior Chief Executive (SCE), un ministre s’obstine à aller de l’avant ? Les fonctionnaires ont aussi leurs astuces propres à eux. Ils se mettent à couvert dans le dossier. Un manager dans le secteur privé dispose de beaucoup de latitude. Un PS/SCE du public est lui aussi un manager. Pourtant il ne dispose pas des mêmes privilèges. Pourquoi ? Réponse simple. Le privé n’a pas les mêmes contraintes que la Fonction publique. Que ce soit dans l’application d’une décision au niveau national ou pour l’achat d’un véhicule, on doit rester dans les paramètres légaux. Ce que le privé n’est pas obligé de faire. La Fonction publique a un devoir de transparence. Nos objectifs sont différents, quoique le travail est complémentaire. Un commentaire sur le dernier rapport de l’Audit... Il est regrettable que ce rapport ne souligne pas les actions qui ont été prises par rapport au précédent. Car, croyez-moi, chaque rapport est suivi et les actions nécessaires prises. On expose les « dépenses » et les « gaspillages » sans justifier certaines décisions. Après 42 années de service, des déceptions ? Beaucoup de satisfactions, mais une grosse déception : le projet du métro léger, qui était à deux doigts d’être finalisé. Je suis très déçu.
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