Interview

Sir Bhinod Bacha: «L’Hôtel du Gouvernement me manque»

Ancien chef de la Fonction publique, ayant travaillé avec plusieurs Premiers ministres, dont SSR, SAJ et Navin Ramgoolam, sir Bhinod Bacha a évolué dans l’antre du pouvoir. Aujourd’hui, il agit en tant que consultant indépendant et se dit prêt à servir le pays si on fait appel à lui.

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Que faîtes-vous actuellement?

Depuis décembre 2014, après quelques semaines de vacances, j’ai repris mon bâton de consultant et de conseiller. Je prépare une mission en Afrique que je dirigerai comme “Lead Consultant”. En attendant, je conseille plusieurs groupes et personnes individuellement.

L’Hôtel du Gouvernement vous manque-t-il? L’Hôtel du Gouvernement me manque certainement. Qu’est-ce qui vous manque le plus ? J’ai toujours  travaillé à l’Hôtel du Gouvernement, de 1969 à 2014. J’ai servi sir Seewoosagur Ramgoolam, sir Anerood Jugnauth et tous les autres qui se sont succédé, directement ou indirectement. J’ai contribué au premier miracle économique. J’ai servi mon pays avec sincérité. C’est sûr qu’une certaine dose de nostalgie est inévitable.
[panel contents="Sir Bhinod Bacha a eu une longue carrière dans la Fonction publique. Il a servi le pays à divers échelons de 1969 à 2014. Toujours posté au bureau du Premier ministre, il a servi sir Seewoosagur Ramgoolam de 1969 à 1982, et sir Anerood Jugnauth de 1983 à 1994. Chef de la Fonction publique, il a servi en tant que conseiller dans plusieurs ministères, dont celui du Logement et des Terres. De 2009 à décembre 2014, il était attaché au PMO aux côtés de Navin Ramgoolam." label="Une carrière bien remplie" style="info" custom_class=""]

Le fonctionnaire assure la permanence du service. Pourtant, cette notion de permanence de la Fonction publique  est mise à rude épreuve  à chaque changement de régime... Nul n’est indispensable. Dans le cas du fonctionnaire, il y a la permanence, mais aussi la rotation.  Il est recruté par la Public Service Commission (PSC) et son poste, quel qu’il soit, est ‘permanent and pensionable’. Il ne peut ‘prendre racine’ dans un seul ministère. Il doit bouger. Quand il y a un changement de gouvernement, le ministre veut naturellement s’entourer de ceux avec qui il se sent à l’aise. C’est une question de confiance. Cela justifie-t-il la valse de transferts ? Un fonctionnaire doit être prêt à bouger à n’importe quel moment. Un transfert ne doit pas être perçu comme une punition. Dans la majorité des cas, beaucoup restent en place. Il y a aussi ceux qui demandent leur transfert car ils ne peuvent travailler avec leurs ministres. J’estime que c’est une bonne chose que les hauts fonctionnaires bougent de temps en temps. Ils y gagnent en termes d’expérience. et c’est bon pour la machinerie gouvernementale. Le Premier ministre aurait  demandé aux fonctionnaires de se réveiller... Serait-ce à dire qu’ils sont endormis ? Il faut situer cette phrase dans son contexte. Le gouvernement a pris un engagement avec la population et  présenté sa Vision  2030. Pour atteindre ses objectifs, il est nécessaire que les fonctionnaires soient à la hauteur de son ambition. Les  mauvaises habitudes doivent disparaître. Certains sont relativement ‘somnolents’ ou désintéressés. Un fonctionnaire doit servir loyalement le gouvernement du jour. Beaucoup de dossiers, que vous avez certainement eus entre les mains, ont été référés aux Casernes centrales... De fin mai 2009 à décembre 2014, je n’étais qu’un Senior Adviser sans aucun pouvoir administratif et sans autorité légale. Je n’avais pas accès à ces dossiers. Mon nom ayant été mentionné dans trois cas, il était normal que les Casernes centrales me convoquent. En mon âme et conscience, j’ai dit la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je suis satisfait d’avoir contribué, comme  tout patriote désireux d’aider la justice, à ce que toute la lumière soit faite. Êtes-vous disposé à travailler avec SAJ ? C’est une question très délicate et intéressante. Délicate, parce que SAJ me connaît bien, j’ai été son plus proche collaborateur et conseiller de 1983 à 1994. C’est le gouvernement qui décide à qui il fait appel. Tout patriote doit être prêt à servir le pays. Si demain le PM fait appel à moi, bien sûr, j’y répondrais positivement. On peut aussi servir le pays autrement, soit travailler dans la même direction que souhaite le gouvernement. SAJ m’a choisi pour travailler directement avec lui en septembre 1983, bien que j’aie travaillé directement avec et sous SSR, son adversaire politique de 1969 à 1982. Il sait que je suis un professionnel, pas un politicien. Ma réponse à votre question est sincère, il faut la prendre telle quelle. Ce n’est pas une réponse politicienne, mais celle d’un patriote qui adore son pays et tous ses concitoyens. Pensez-vous pouvoir apporter votre contribution à l’avancement du pays ? Vu ma longue expérience professionnelle au PMO, je suis persuadé que je pourrai aider le pays sous le leadership de SAJ et selon sa volonté, durant le mandat que le peuple lui a donné. Me connaissant, il sait que j’entretiens de bonnes relations avec ses ministres et les leaders des trois partis de l’Alliance Lepep. Quelle est votre évaluation / appréciation des neuf mois au pouvoir du gouvernement ? Neuf mois sur un mandat de cinq ans, c’est relativement court pour juger un gouvernement qui a promis de nettoyer le pays et créer des bases solides pour la reconstruction. Il a résolument voulu crever un très gros abcès. Il l’a fait avec succès. Cela a entraîné dans son sillage quelques dégâts inévitables. Le chemin à parcourir est long et SAJ le sait très bien. Qu’en est-il des dommages collatéraux? Ils sont inévitables. Le peuple est toujours impatient. Il attend des résultats instantanés. La patience et la coopération du peuple sont primordiales pour le gouvernement. Il faut donner du temps au temps. Je suis persuadé que SAJ ne s’épargnera aucun effort pour que le pays aille dans la direction voulue. Pensez-vous que le gouvernement communique ses intentions comme il le faut ? Un gouvernement doit toujours remporter la bataille de l’information, à tous les niveaux. Cela passe avant tout par les ministères. Il ne faut pas que la communication se limite à quelques ministres. Serait-ce le cas actuellement ? Il n’y a pas assez de communication. Le peuple n’est pas bien informé… Pensez-vous que  Navin Ramgoolam a réussi son come-back politique ? N’étant ni politicien, ni politologue, ni observateur politique, il m’est difficile de répondre à  cette question. On dit que ‘tout est possible en politique’, que ‘la politique, c’est l’art du possible et de l’impossible’. On dit de Navin Ramgoolam que c’est un battant. Cela se voit qu’il refait surface. Cependant, il a  en face de lui, outre ses adversaires politiques, un adversaire de taille: l’opinion publique. C’est son plus grand ennemi. On ne veut de lui ni comme leader du Parti travailliste ni comme candidat. En tout cas, la route est bien longue pour lui. Toutefois, il a conservé son charisme. Il peut donc garder l’optimisme? L’opinion publique, surtout à Maurice, c’est comme du sable mouvant.  De grands leaders ont mordu la poussière : SSR dans son fief de Triolet, sir Abdool Razack Mohammed à Plaine-Verte, Bissoondoyal à Rose-Belle, Jules Koenig à Phoenix, SAJ à Rivière-du-Rempart...Tout cela pour expliquer que nous avons un peuple sophistiqué. D’ailleurs, à Maurice, la politique, c’est notre sport favori.

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