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Services publics : les cartons rouges servis à la CWA

Les rapports qu’entretiennent des ingénieurs avec des fournisseurs seraient la source du mal.

Manque de suivi dans les projets. Retard dans la livraison. Anomalies financières. La Central Water Authority est annuellement minée par ces types de problèmes qui mènent souvent à la suspension de hauts cadres de cet organisme, voire des ‘principal engineers’.

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Rien que pour cette année, trois « principal engineers » de la Central Water Authority (CWA) ont été suspendus en raison du mauvais entretien de certains réservoirs qui avaient été placés sous leur responsabilité. Pas plus tard que la semaine dernière c’était au tour de l’acting Chief Operating Officer d’être suspendu après qu’on lui ait reproché d’omettre une facture de Rs 5 millions dans les comptes de cet organisme. 

Les faiblesses au niveau du respect des procédures entourant les exercices d’appels d’offres ont été régulièrement mises en lumière, et ce, à différents niveaux. Que ce soit par le bureau national de l’audit ou par certains départements du ministère des Finances qui ont un droit de regard sur les activités d’appels d’offres tombant sous différents organismes appartenant à l’État mauricien. 

Au niveau de la CWA, une source autorisée proche de la direction ne manque pas de faire ressortir que la CWA a souvent droit à un ou plusieurs cartons rouges concernant la manière dont les exercices d’appels d’offres sont réalisés. « À tire d’exemple, nous avons souvent été blâmés dans l’exercice de préparation des documents d’appels d’offres ou encore au niveau des procédures entourant l’évaluation des offres formulées par les soumissionnaires », nous explique cette source. 

Une des toutes premières fois où la CWA s’était attirée des foudres du ministère des Finances remonte à 2008. C’était autour de l’acquisition de 80 000 compteurs d’eau pour une somme avoisinant les Rs 30 millions. Plusieurs manquements avaient été observés au niveau du Bid Evaluation Committee qui comprend des hauts cadres de la CWA. Des reproches avaient été faites au comité pour avoir procédé à l’évaluation des offres qui n’étaient « pas responsive » alors que plusieurs offres qui correspondaient aux critères d’appels d’offres n’avaient pas été tenus en ligne de compte. De plus, la compagnie, qui avait initialement été sélectionnée, n’avait aucune légitimité en raison du fait qu’elle n’avait pas assuré la fourniture de compteurs lors de l’année écoulée. « Il s’agissait d’une faute grave qui avait d’ailleurs obligé la CWA à procéder à une nouvelle évaluation avec pour conséquence des retards au niveau de la réalisation du projet », fait part cette source proche du management de la CWA. 

La CWA avait quelques années plus tard, soit en 2014, été pointée du doigt autour du projet de construction du Bagatelle Water Treatment Plant. Dans ce cas précis, le comité d’évaluation de la CWA avait été sévèrement critiquée pour avoir porté son choix sur un soumissionnaire qui n’avait même pas soumis les documents nécessaires dans son offre. « The successful bidder did not submit any documentary evidence as to the requirement for specific construction, operation and maintenance experience with their bids », avait-on fait remarquer à la CWA. 

De plus, la CWA avait aussi été critiqué pour ne pas avoir prêté attention au fait que le soumissionnaire qui avait initialement été sélectionné ait fait une offre trop inférieure comparée aux autres compétiteurs. Notre source à la CWA soutient en effet qu’il y avait une différence de Rs 300 millions entre le ‘successful bidder’ et ses autres compétiteurs, ce qui constituait déjà une anomalie compte tenu de la complexité du projet en question. 

Une année plus tard, toujours dans l’optique de procéder à l’acquisition de compteur d’eau, la CWA fait une nouvelle fois face à une pluie de critiques pour l’annulation de l’exercice d’appels d’offres, cela après avoir déjà porté son choix sur un soumissionnaire. « Cette décision avait été sévèrement critiquée au niveau de l’Independent Review Panel », fait part cette même source. L’IRP ne trouvait aucune logique d’annuler tout un exercice « which has never been questioned, nor the evaluation report sent back for review or modification, and suddenly, when the successful bidder is known, when it becomes important and urgent to modify the criteria. Inevitably, the question arises to why from the time of drafting the tender documents until the evaluation report was finalised, no modification of certain aspects of the tender appeared necessary », avait fait ressortir l’IRP. 

Les nouvelles modifications qu’avait souhaité apporter la CWA aux appels d’offres n’avaient jamais été proprement justifiées. « Even the panel is left in the dark as to how a split contract is more advantageous, and why advantageous, and why reduced quantities could not be negotiated with the successful bidder », avait établi l’IRP.

Le ministère des Services publics : « Il ne faut pas généraliser les cas »

« Nous ne pouvons faire d’amalgames, car chaque cas est différent. Il est vrai qu’il y a des ingénieurs qui sont sous le coup d’une suspension à la CWA, mais tous ne sont pas nécessairement impliqués dans des cas de malversation. Certains ont été blâmés pour ne pas avoir bien fait le suivi des dossiers tombant sous leur responsabilité », explique un représentant du ministère des Services publics. Consciente de certains risques de « laisser-aller », cette même source indique que des guidelines ont été mis en place afin d’assurer une meilleure efficacité.

Ces liens qui dérangent 

Quels sont les rapports qu’entretiennent des ingénieurs de la CWA avec les fournisseurs qui participent régulièrement aux exercices d’appels d’offres. Bien que plusieurs sources s’accordent à dire qu’il y a tout un code de conduite bien établi afin de bien définir les limites à ne pas franchir pour un ingénieur et les compagnies qui prennent part aux exercices d’appels d’offres, il arrive toujours que certains se retrouvent à transgresser les règles. 

L’ancien General Manager de la CWA, Harry Booluck, affirme avoir en effet déjà témoigné d’un cas au temps où il était aux commandes de l’organisme. « Je me souviens qu’il nous fallait à l’époque effectuer l’achat d’un véhicule, mais comme il s’agissait d’une transaction financière qui n’impliquait pas un gros montant nous n’avions donc pas sollicité le Central Procurement Board (CPB). Un chef ingénieur avait alors recommandé l’acquisition d’un véhicule et avait affirmé que l’état du véhicule était en parfait état et que ce serait idéal pour la CWA », avance Harry Booluck. Mais peu de temps après, explique-t-il, « le véhicule en question a commencé à avoir de sérieux problèmes, et au bout de quelques temps, il n’était que bon pour la casse. Ce n’est bien qu’après que j’ai découvert que l’ingénieur qui avait recommandé ce véhicule était un contact privilégié de la personne avec laquelle nous avons acheté ce véhicule. Comme l’ingénieur était déjà décédé nous avons dû clore ce dossier ». 

Un ancien conseiller au ministère des Services publics soutient, pour sa part, que pas mal d’ingénieurs de la CWA peuvent se retrouver en situation de conflits d’intérêts, car certains travaillent secrètement comme consultant pour le compte de certains fournisseurs et d’autres compagnies. « Il s’agit d’une pratique interdite, mais il nous est tout de même difficile de savoir ce que fait un employé tout le long de la journée d’autant qu’ils sont souvent appelés à se rendre sur des sites. J’avais à l’époque instauré des systèmes de GPS dans plusieurs véhicules de la CWA et cela avait permis de mettre au jour plusieurs pratiques illicites », soutient Harry Booluck.

 

 

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