Un accident peut tout changer et devenir une terrible source d’impuissance et de frustration. C’est le cas de cet homme qui nourrissait divers projets pour sa famille.
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Seewkumarsingh Anwar Rawoo est anéanti dans son for intérieur. On le comprend. Comment peut-il être autrement quand vous n’avez qu’une seule jambe, une situation qui vous empêche d’exercer votre profession et qui vous oblige à compter sur les autres ? Compter sur les autres n’est pas un problème à vrai dire, mais quand vous n’avez que 58 ans, c’est terriblement gênant. Parce qu’à cet âge, vous êtes encore capable d’accomplir beaucoup de choses, surtout quand vous avez des enfants à marier. En tant que père aimant, vous souhaitez tout faire pour eux et vous voulez qu’ils sachent qu’ils peuvent compter sur vous.
Seewkumarsingh Anwar était un homme dévoué à sa famille. Marié et père de trois enfants (deux filles et un garçon), il était maçon et travaillait pour son propre compte. Natif de Port-Louis, il était parti habiter à Rivière-du-Rempart où il avait construit sa maison.
Pour comprendre qui est Seewkumarsingh Anwar, il faut remonter à des années en arrière, plus précisément quand il était âgé d’environ 18 ans et qu’il s’est marié. Il arrive que les hommes qui se marient à cet âge se montrent irresponsables et ne remplissent pas leur rôle de père comme il se doit par manque de maturité. Ensuite, quand les problèmes surgissent, ils préfèrent fuir et laissent leur partenaire se démener avec leurs enfants… Tel n’a pas été le cas pour Seewkumarsingh Anwar. Il a bâti sa maison sur un lopin de terre que sa femme a hérité de sa sœur et s’est installé avec sa famille. À cette époque, le couple avait deux enfants. Il était le seul à faire bouillir la marmite et pourtant il y est parvenu. Ses trois enfants ont tous terminé leurs études.
Mon père pleure souvent et cela me fait de la peine.
Ne voulant pas laisser sa famille seule à Rivière-du-Rempart, Seewkumarsingh Anwar a préféré abandonner son travail au Central Electricity Board et s’est mis à son propre compte. C’est ainsi qu’il était disponible à tout moment à tout un chacun.
Le jour où tout a basculé
Puis la vie de Seewkumarsingh Anwara a basculé début 2018. Alors qu’il construisait une maison dans sa localité, il a utilisé une tronçonneuse pour couper un arbre qui gênait les travaux. Malheureusement, ce faisant, il a sectionné son pouce de son pied droit. Deux mois plus tard, la plaie ne s’est pas cicatrisée et ce n’est qu’après l’accident que Seewkumarsingh Anwar a appris qu’il avait le diabète. Il souffrait atrocement, n’arrivant plus à dormir le soir. Comme son état s’empirait, les médecins devaient constater avec horreur qu’il avait développé la gangrène. Il ne restait donc qu’une solution : l’amputation.
« Je ne blâme pas l’hôpital public, mais toujours est-il que nous aurions mis toutes les chances de notre côté si nous avions eu les moyens », explique Shameema, sa fille cadette. «Quand nous sommes allés à une clinique privée, on nous a réclamé Rs 50 000 pour les frais de la clinique, plus les frais du médecin et ceux des médicaments. Où trouver autant d’argent ? Le pied de mon père aurait-il pu être sauvé si nous avions eu les moyens de payer pour les soins ? Peut-être que oui, peut-être que non… ».
Le moral au plus bas
Inutile de vous dire que Seewkumarsingh Anwar a le moral dans les chaussettes. Autrefois, il était un homme débrouillard et, aujourd’hui, c’est à peine s’il peut effectuer quelques tâches. Il doit se contenter d’être un simple spectateur. Alors qu’il lui reste encore tant de choses à accomplir, comme préparer le mariage de sa fille l’année prochaine.
« Mon père pleure souvent et cela me fait de la peine. C’était quelqu’un qui comptait sur lui-même, mais ce malheureux accident a tout changé. Aujourd’hui, son moral est au plus bas. Je sais qu’il pense à mon mariage et qu’il est très stressé, lui qui aurait tant voulu se tenir sur ses pieds pour marier sa fille ! Je sens bien qu’il est animé de doutes, de craintes et d’appréhensions. Il se pose des tas de questions quant à l’avenir. En tant que père aimant, c’est tout à fait normal. En même temps, je sens qu’il hésite à me demander certaines choses », raconte Shameema.
Aucune assistance sociale
Seewkumarsingh Anwar est éligible à une pension d’invalidité, du moins sommes-nous nombreux à le penser, mais tel n’est pas le cas ! Il ne reçoit ni pension d’invalidité ni aide sociale. Une pension d’invalidité lui a été, certes, versée, mais durant une dizaine de mois seulement et elle a été supprimée par la suite. « Mon père a été examiné trois fois par un tribunal médical et sa demande a été rejetée à chaque fois. Nous avons fait appel contre la décision, mais celle-ci a également été rejetée. Le tribunal médical estime qu’il est invalide à hauteur de 60%», explique sa fille.
Faute d’une pension d’invalidité, la famille a effectué des démarches pour que Seewkumarsingh Anwar puisse au moins bénéficier d’une aide sociale. Après une énième comparution devant le tribunal médical, elle devra patienter jusqu’au 26 septembre prochain pour découvrir le verdict.
Une prothèse qui blesse
Une personne amputée du pied ou de la jambe voit son niveau de vie être considérablement réduit. Toutefois, une prothèse peut lui procurer un peu de dignité, à condition que la prothèse lui convienne et que la personne puisse marcher ou même courir avec presque normalement. « Mon père a bien eu une prothèse, mais elle ne lui sied pas. Au contraire, quand il veut marcher avec, la prothèse le fait souffrir. De plus, elle n’est pas à la bonne longueur et il se retrouve avec une jambe plus longue que l’autre… », fait ressortir Shameema, qui, vu le prix exorbitant d’une prothèse professionnelle, ne peut en offrir à son père.
Elle ajoute que les médecins lui ont finalement conseillé de ne pas porter de prothèse, car si le pied se remettait à saigner, son père risque d’être amputé de la jambe.
Etienne Sinatambou, ministre de la Sécurité sociale : «Ce n’est pas au ministre de décider d’accorder ou non la pension»
Etienne Sinatambou insiste que la décision d’accorder ou non une pension à une personne invalide dépend uniquement du tribunal médical et que ce n’est pas à lui de prendre cette décision.
« Je me suis informé : selon les normes internationales, une personne amputée souffre d’une incapacité de seulement 30 %. En tant que ministre, je ne peux renverser la décision des médecins. Je comprends la détresse de la personne dont la demande a été rejetée, mais voilà, c’est comme ça… », a-t-il commenté.
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