Dans les magasins et sur les trottoirs, rien ne distingue les sacs fabriqués à Maurice, des mêmes produits fabriqués en Chine. Pourtant, à l’usage, ce sont les produits mauriciens qui durent plus longtemps, assure Sahazad Dilkholaush, dont l’entreprise est engagée dans la fabrication de sacs en polyester.
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Comme de nombreuses petites entreprises, celle de est installée à son domicile et parmi sa dizaine de salariés, quatre sont des membres de sa famille. L’atelier qui a gardé quelques réminiscences de la manufacture artisanale s’est enrichie depuis ces dix dernières années de machines à coudre industrielles et la matière première est désormais importée d’Inde. « C’est plus robuste et moins cher », explique Sahazad Dilkholaush, qui précise en plaisantant : « On peut en trouver en Chine mais c’est plus cher. En Chine, on trouve de tout mais seuls les prix différent ».
Parmi les produits qui quittent l’atelier, deux types de sacs constituent l’essentiel : sacs pour dossiers et laptop et cooler bag. « On a les équipements pour tout fabriquer », explique-t-il.
Son savoir-faire a fini par lui faire décrocher quelques clients réputés, dont Airports Of Mauritius Ltd, Rogers, le Groupe Currimjee, mais c’est le marché grand public qu’il voudrait toucher. Le responsable ? Les produits chinois. « Nous ne pouvons pas les affronter, à cause de leurs prix, indique-t-il. À chaque fois, que je vais voir un commerçant, il présente toujours le même argument : les sacs chinois sont moins chers que les miens. J’ai beau lui expliquer que mes sacs sont plus solides, mais il me répond que la marge de prix est trop grande, il n’obtient aucun profit. Moi, de mon côté, je ne peux pas trop réduire mes coûts de production pour le satisfaire ».
Sous le toit familial
L’idée de monter sa boîte remonte à 1984. Au sortir du collège, avec ses 5 Credits en HSC, il s’est demandé comment faire pour trouver un bon travail afin de pouvoir se marier. À Camp-Diable, où il trouvera sa future épouse Nazeea, née Dookhy, aujourd’hui décédée, il tombe sur un cordonnier qui a prospéré. « J’étais impressionné par le nombre de clients qu’il s’était fait », raconte-t-il. L’idée fait tilt.
De retour à Bois-Chéri, emballé par le projet, il en fait part à son père, lequel lui permet d’ouvrir sous le toit familial un atelier de confection de sacs. Pour débuter, il s’inspire des articles achetés chez Azad Hansye, à Curepipe. « On avait pu obtenir quelques commandes de magasins à Rose-Hill, Curepipe et de marchands de rue », poursuit-il. En 1994, la petite entreprise déménage à Bois-Chéri, où Sahazad a construit sa maison. Il va aussi y installer son atelier qui, depuis quelques années, a commencé à se développer à la faveur de l’essor de la zone franche manufacturière, gros employeur de femmes et de jeunes filles. Grâce au crédit que lui fait Ayoob Domun, un fournisseur de maroquin de Port-Louis, il commence à s’approvisionner à Maurice.
Secteur manufacturier
À cette époque, le gouvernement avait adopté une politique en vue de favoriser le développement du secteur manufacturier. Des zones franches furent créées un peu partout à travers Maurice, permettant l’embauche de milliers de femmes. « Les femmes mariées et les jeunes filles avaient besoin de sacs, les fameux cabas, pour aller au travail. C’est dans ce marché niche que nous avons investi, avec l’achat des équipements et le recrutement », fait ressortir le petit entrepreneur. Les foires régionales sont aussi un bon marché, qui lui permettent d’écouler d’autres articles. Grâce au crédit que lui fait un fournisseur de maroquin de Port-Louis, il peut alors se lancer.
Cet état de grâce sera interrompu lorsque Maurice adhérera aux clauses de l’Organisation mondiale du commerce, lesquelles autorisent la libre circulation des biens et services parmi ses membres. Cette clause va laisser la voie grande ouverte à l’entrée, des produits chinois de consommation de masse. « Cela est arrivé lorsque des commerçants ou d’autres personnes qui voulaient faire du business, sont partis prospecter en Chine », raconte Sahazad Dilkholaush. Les sacs en maroquin seront parmi les premières victimes de l’invasion chinoise. « Mes produits n’ont pas pu se relever face à la concurrence. Nos coûts de production étaient trop élevés », dit-il.
Mort lente
Aujourd’hui, la mort lente du marché se poursuit. Pour Sahazad, l’introduction du salaire minimal à presque Rs 9 000, sonne comme un coup de grâce. « Je ne pourrais jamais verser à un coupeur de fil un tel salaire, car nos recettes de vente sont insuffisantes », dit-il, en faisant aussi prévaloir l’attitude négative des commerçants, qui ne font aucun effort pour favoriser les produits Made in Mauritius dont la qualité est supérieure aux produits chinois.
« C’est aux autorités de soutenir les produits locaux, en mettant à notre disposition des sites de vente permanents dans des endroits ciblés. Je suis convaincu que les Mauriciens sont disposés à acheter des produits locaux de bonne qualité, même légèrement plus chers. Si nos produits sont vendus dans les grandes capitales européennes et aux États-Unis, c’est parce que nous avons une main-d’œuvre qualifiée et un savoir-faire. Il faut absolument un deuxième souffle aux petites entreprises mauriciennes », fait-il valoir.
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