Promesses et annonces à l’approche des élections font partie de la culture politique. Cette année, nous assistons à une surenchère, surtout en ce qui concerne l’emploi et la pension de vieillesse. Sans compter la politique 2.0 qui gagne du terrain en ciblant une jeune génération peu politisée qui votera pour la première fois. Le Dr Roukaya Kasenally, spécialiste en démocratie, nous donne son avis sur ces ingrédients qui animent la marmite politique.
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Si on tient compte des annonces de chaque bloc, surtout concernant la pension de vieillesse, peut-on dire que la surenchère est le thème principal de ces élections ?
Ce serait triste et décevant que ce soit le thème central de ces élections générales. Il ne fait aucun doute que depuis le début des années 90, la culture du clientélisme a commencé à s’implanter dans la politique mauricienne. Un certain nombre de personnes a commencé à soutenir les partis, pas parce qu’elles avaient épousé ou valorisé l’idéologie de ce parti mais à cause des gains matériels.
Nous avons tous entendu parler du syndrome « tempo, sari, mobile » qui s’est accentué avec la politique des grosses sommes d’argent. Les élections et les discussions nationales qui les entourent devraient porter sur des échanges sérieux, équilibrés et responsables - la création d’un contrat social entre les électeurs et ceux qui aspirent à être élus. J’entends dire autour de moi que les paris incontrôlés des dirigeants politiques sont considérés comme juvéniles et irresponsables. Les électeurs veulent être traités sérieusement. Il souhaite que leurs votes comptent.
Les annonces sont de plus en plus audacieuses. Mais sont-elles réalistes ?
Je crois personnellement que certaines des promesses électorales sont de plus en plus irresponsables. Les promesses de « pansement » ou « sucrées » ne sont pas durables, surtout dans un petit État insulaire où la seule ressource est la population. Je crois sincèrement que le véritable test du vrai et grand leadership consiste à prendre des décisions difficiles et audacieuses.
Expliquez-vous…
Certains craignent de prendre des décisions difficiles et audacieuses, souvent nécessaires pour remettre un pays sur la bonne voie. En fait, au cours des 50 dernières années, toutes les mesures populaires ou populistes prises par les gouvernements n’ont jamais été inversées. Enseignement gratuit, transport gratuit pour les personnes âgées et les écoliers… Nous pourrions maintenant assister à une hausse substantielle de la pension. La question est rarement posée de savoir si le pays peut se le permettre.
Une des motivations des coalitions est le caractère inévitable de la victoire et la logique selon laquelle lorsque deux partis traditionnels se rencontrent, la politique des chiffres devrait fonctionner. Or, ce n’est pas toujours le cas.»
Nous pouvons dire que depuis 1967, nous avons fait le tour de toutes les alliances possibles entre les partis. N’y a-t-il pas une saturation ?
Il y a quelques années, j’ai mené une recherche approfondie sur la nature et les motivations des coalitions à Maurice. En fait, toutes les alliances postérieures aux élections indépendantes ont été préélectorales (à l’exception de 1976). Aujourd’hui, tous les partis majoritaires ont été permutés et combinés différemment. L’une des principales motivations de ces coalitions préélectorales est le caractère inévitable de la victoire et la logique selon laquelle lorsque deux partis traditionnels se rencontrent, la politique des chiffres devrait fonctionner.
Or, ce n’est pas toujours le cas. Les résultats des élections générales de 2014 en sont un parfait exemple. Une autre caractéristique notable des alliances est que très souvent après les élections, elles s’effritent, à l’exception des élections générales de 2000 où les deux partenaires de la coalition sont restés unis jusqu’à la fin de leur mandat.
Pensez-vous que l’électorat a évolué ?
Bien entendu. Les sociétés évoluent. Leurs électeurs aussi. Nous ne devrions pas oublier qu’aujourd’hui l’électeur mauricien a accès à un large volume d’informations diverses. Il n’est pas contraint de se limiter à une seule source d’informations. Le citoyen peut choisir parmi une gamme de produits médiatiques - presse écrite, radios privées, sites en ligne et bien sûr les médias sociaux prolifiques.
Autre tendance qui mérite d’être soulignée : le taux de participation à toutes les élections générales post-indépendantes a été supérieur à 80 %, avec une chute à 75 % aux élections générales de 2014. Je crois comprendre que malgré la forte participation électorale, le Mauricien moyen doit être instruit et informé de la valeur de son vote. Il faut aussi qu’il prenne conscience du fait que s’il souhaite être un citoyen engagé, ce n’est pas uniquement durant les élections qu’il doit l’être.
Si on se fie au taux d’abstention des dernières élections, peut-on dire que la jeune génération vote différemment ou encore qu’elle ne vote pas du tout ?
Nous n’avons pas encore décomposé les données en fonction de marqueurs tels que le sexe et l’âge. Il y a quelques années, avec un groupe de chercheurs, nous avons mené une enquête approfondie auprès d’un groupe de 500 jeunes âgés de 18 à 25 ans. L’objectif était d’évaluer leurs connaissances et leur comportement politiques.
La grande majorité a fait preuve d’un désintérêt pour la politique, estimant que les choses ne changeraient jamais vraiment. Pour les prochaines élections, un certain nombre de jeunes qui se sont présentés de manière indépendante ou qui ont créé de nouveaux partis politiques souhaite recourir à une nouvelle façon de faire de la politique. Cela aura-t-il un impact sur le segment des jeunes électeurs ? Attendons voir…
La technologie est une arme grandement utilisée par les politiciens en ce moment. Pensez-vous qu’elle occupera toute la place lors des prochaines campagnes électorales ?
Les médias sociaux offrent une visibilité inimaginable. Tout leur pouvoir est exploité par les dirigeants politiques, les candidats individuels et les différents partis. Les déclarations et les événements sont constamment affichés, diffusés en direct, partagés et commentés pratiquement minute par minute. Des batailles 2.0 qui se livrent chaque jour sur les réseaux sociaux, tels que Facebook. Le prix à remporter étant de retenir l’attention des électeurs.
Selon les dernières statistiques, Maurice compte plus de 800 000 abonnés à Facebook. C’est pour cette raison que ceux qui souhaitent attirer l’attention des électeurs utilisent Facebook comme plateforme de distribution et de redistribution. Bien que cela concerne la démocratisation de l’accès à l’information, il faut rester attentif à un certain nombre de problèmes : l’apparition de contenus falsifiés, non vérifiés ou choquants ou encore le volume considérable de contenus pouvant facilement créer une surdose ou une surabondance.
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