Fraîchement nommée à la tête du ministère de l'Égalité des genres, Roubina Jadoo-Jaunbocus promet de tout faire pour ne pas décevoir le Premier ministre. Et d'ajouter que si la Commission sur la drogue l’égratigne, elle n’hésitera pas à faire ce qu’il faut : rendre son tablier de ministre.
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Le monde célèbre en ce samedi la Journée mondiale contre la violence envers les femmes. À Maurice, les brutes ont presque une licence to kill. Que leur dites-vous à ces messieurs ?
La violence envers les femmes prend différentes formes et c’est dégoûtant. C’est la politique du plus fort contre la plus faible. À Maurice, perdure cette mentalité patriarcale contre les femmes. Il faut parler aux hommes.
Pour leur dire quoi : Messieurs cessez de cogner, de harceler…
Les hommes devraient savoir que l’effort devrait venir d’eux-mêmes, à travers des introspections, comme le recommandent les Nations unies.
Se peut-il que la violence des hommes trouve ses racines en amont et qu’ils la fassent rejaillir en aval ?
Il se peut que ces hommes aient connu la violence au sein de leur entourage immédiat et que cet état de choses se soit banalisé au point que faire preuve de violence est devenu pour ces hommes une seconde nature. Certains ne savent pas gérer leur colère. Il faut appliquer l’‘anger management’ pour ce genre d’individus.
Les brutes ne sont pas l’apanage du lumpen, car on a constaté que vos pairs élus s’en donnent à cœur joie quand il s’agit d’être impolis, voire grossiers, envers les femmes…
Pour ce qui est du comportement de certains élus des deux côtés de la Chambre ou des extra-parlementaires, je dirais que la femme a droit au respect. Mais elle doit aussi se faire respecter.
Qu’auriez-vous alors fait si vous étiez sur l’estrade où le député Ravi Rutnah a traité une journaliste de « femel lichien » ?
Je ne peux commenter cela, car je n’étais pas à cette fonction. Toutefois, je pense que le débat est clos quand le Premier ministre, alors en mission à l’étranger, est intervenu pour condamner ces propos.
On parle souvent du Protection Order qui est censé protéger la femme contre son conjoint violent. Toutefois, cet ordre de la cour n’est aucunement un bouclier sûr…
Durcir nos lois par rapport au Protection Order ne mènera à rien. Je considère qu’il y a un abus et une mauvaise utilisation de cet ordre. Souvent j’ai constaté, en tant qu’avocate, que la femme refuse le Protection Order en avançant qu’elle se fie à son conjoint pour faire bouillir la marmite, ou qu'elle a peur d’être punie davantage par celui qui la harcèle physiquement ou mentalement.
De PPS, vous voilà ministre. Quel changement dans votre vie de tous les jours ?
La fonction ne fait pas la personne. Le travail, si.
La femme a droit au respect. Mais elle doit aussi se faire respecter»
Vous sentez-vous de taille ou alors le chapeau est d’une taille de trop pour vous, comme l’affirment certains dans l’opposition ?
Je me sens à l’aise à la tête du ministère de l'Égalité des genres. Le Premier ministre connaît mes capacités de travail et j’ai fait mes preuves déjà en tant que PPS et avocate, n’en déplaise à l’opposition.
L’opposition avance que vous devez votre nomination au seul fait que vous faites partie de l’inner circle du leader du MSM. Que lui dites-vous ?
Sont-ils en train de dire que je suis une incompétente ? Je n’ai pas peur d’échouer, je serais à la hauteur, par la grâce de Dieu. J'ai été nommée pas pour ma soi-disant proximité avec le leader du MSM car je pratique un travail d’équipe et j’ai autour de moi des officiers qui donnent de la niaque.
Pour votre première sortie en tant que ministre, vous avez promis de donner priorité aux enfants des rues. Pourtant, un de vos collègues du Cabinet a mis au rencart un important rapport sur un état des lieux de ce fléau. Comptez-vous le remettre à jour ?
J’ai pris connaissance de ce rapport et ce sera l’une de mes priorités tout en reconnaissant que le sujet est complexe. C’est une réalité mauricienne et on ne doit pas se voiler la face en essayant de trouver des solutions.
Allez-vous tendre la main à ces nombreux volontaires qui connaissent le terrain sur le sujet ?
Je vais leur tendre la main et je vais voir ce qui cloche dans les différents shelters et apporter des solutions à court et moyen termes. Quand il y a des soucis, je fais un appel pour les canaliser vers moi en toute confidentialité. J’apprends les réalités de ce dossier et je compte prendre des actions urgemment. Je vais guérir en amont avant que cela ne m’éclate au visage.
Venons-en à la question qui fâche. L’ex-juge de la Commission s’est dit étonné que vous ayez tenu une lecture avec pas moins d’une trentaine de détenus en prison. Commentaires ?
J’ai déposé et donné mes explications devant la Commission lors d’une audition et c’est du domaine public. Je laisse à cette instance faire son travail. J’ai la conscience claire.
Si, éventuellement, le rapport de la Commission sur la drogue vous égratigne, seriez-vous prête à rendre votre tablier de ministre ?
À la lumière des recommandations du rapport de la Commission, je ne vais pas rester les bras croisés. Je ferais ce que ma conscience me dicte.
Jusqu’à démissionner de votre poste de ministre ?
Je ne suis pas attachée à mon poste de ministre.
Vous dites que vous êtes triste de l’absence de Showkutally Soodhun, mais c’est grâce à son départ que vous êtes ministre. Contradictoire, n’est-ce pas ?
La première fois qu’on a travaillé ensemble, c’était pour la partielle au no. 8 qui a vu l’élection de Pravind Jugnauth. On s’est liés d’amitié depuis. Quant à la décision du départ de Showkutally Soodhun du Cabinet, le Premier ministre assume ses responsabilités, il est à cheval sur ses principes et s’il faut trancher, il le fait.
Estimez-vous qu’il faut toujours que ce soit une femme qui soit ministre de l'Égalité des genres, alors qu’un homme aurait pu mieux faire ?
C’est une bonne question, it’s food for thought.
Depuis le récent remaniement, il y a comme un souffle de révolte au Sun Trust. Certains se voyaient déjà ministres et vous fustigent…
Tout candidat aux législatives et qui est élu a cette légitimité de devenir ministre. Je n’ai rien à voir avec ceux qui me fustigent. C’est le choix du Premier ministre. Ce dernier est déçu par le comportement de certains nominés politiques et et il le leur a fait comprendre.
Ceux qui sont nommés l’ont été par le choix du Premier ministre. Ils doivent savoir que le gouvernement a des principes et un chemin tout tracé que tout le monde se doit de respecter.
Ce que n’aurait pas fait Raouf Gulbul, selon vous, jusqu’à ce qu'il soit obligé de step down à la fois en tant que président de la GRA et de la Law Reform Commission ?
Me Raouf Gulbul a fait ce qu’il a fait et il a dit être profondément blessé par ce qui se passe.
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