Interview

Ram Seegobin, de Lalit : «Une alliance MMM/PTr version Boolell possible»

Ram Seegobin Ram Seegobin

Ram Seegobin de Lalit indique qu’il ne sera pas étonné de voir la concrétisation d’une alliance Parti Travailliste/Mouvement militant mauricien à l’occasion des  prochaines législatives. Avec, toutefois, une grosse variante : elle sera version Arvin Boolell.

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Que vous inspire l’affaire Soodhun ?
D’abord, il faut revenir à ce qu’Ivan Collendavelloo a tenté de camoufler, en avançant que son ami Showkutally Soodhun a fait de telles déclarations en « petit comité ». Il oublie que la réunion était formelle et tenue au bureau officiel de l’ex-ministre. Soodhun nous a habitués à tenir des discours dont la teneur est relative à la composition de son auditoire. Il a une longue liste de faux pas politiques inacceptables, dont le plus célèbre demeure son communiqué concernant la position de Maurice dans le conflit Arabie saoudite/Qatar, qui n’est pas celle de l’état mauricien.

Malgré ses nombreux dérapages, Soodhun était-il intouchable ?
Le Premier ministre est resté de marbre devant les gabegies de Soodhun et a adopté la politique de shoot the messenger, que ce soit contre le Parti mauricien social démocrate (PMSD) et ses banderoles pour la fête Eid, la menace de mort contre le leader de l’opposition Xavier-Luc Duval, ou encore ses notes alléguées impayées à une clinique. Au lieu de cela, Soodhun envoie la police arrêter le couple Ruhomally, qui l’avait dénoncé. Il y a également le cas de la dame qu’il a fait expulser d’un atelier de travail, parce qu’elle avait osé lui dire que ses commentaires sur Navin Ramgoolam étaient hors de propos. Soodhun est resté un intouchable et un récidiviste.

«Lalit a du respect pour Fazila Daureeawoo, qui ne traîne pas la même image que Soodhun»

Si Soodhun est demeuré intouchable, c’est la faute à qui ?
Soodhun est intouchable pas pour ses capacités intellectuelles, son travail ou son charisme. Il a un trait de caractère lié à sa naissance, dont a besoin le Mouvement socialiste militant (MSM).

Soodhun parti... et après ?
Il est difficile de penser que Soodhun restera back bencher pour encore deux ans. Ce monsieur n’est pas n’importe qui, c’est un ami personnel des princes. Donc, je vous laisse imaginer…

Il y a eu comme un léger frémissement de la part de certains au sein du MSM…
La politique est ainsi faite à Maurice, sans plus.

Dans l’épisode Soodhun, est-ce que ce sont des chefs  religieux qui ont joué aux sapeurs-pompiers ?
La position de Pravind Jugnauth a été ridicule, alors qu’il était en présence d’une vidéo incendiaire. Quelle enquête policière attendait-il pour prendre une décision contre Soodhun ? Le Premier ministre s’est caché derrière la police de Nobin, qui s’est allègrement prêtée au jeu. Si Pravind Jugnauth avait agi promptement, il n’y aurait pas eu cette dimension communale nécessitant l’intervention de chefs religieux. On a un gouvernement en débandade.

A-t-on un gouvernement par défaut, comme le clame l’opposition ?
On a un gouvernement en débandade. Lalit a toujours maintenu que l’Alliance Lepep est un ramassis de dernière minute, mais qui a quand même remporté les législatives de 2014. On a eu un Premier ministre, en la personne de sir Anerood Jugnauth. Il était évident qu’il n’allait pas terminer son mandat de cinq ans. Son projet était de quitter Le Réduit et de préparer le terrain pour son fils. Sir Anerood a été, dès le départ, un Premier ministre provisoire.

Il a, quand même, pu réaliser son vœu de placer Pravind Jugnauth à la tête du gouvernement avec l’aide de ses partenaires…
On ne crée pas un Premier ministre artificiel, qui attend un jugement du Comité judiciaire du Conseil privé, d’où un leadership mou de sa part. On a un Premier ministre en sursis légal. Le départ du PMSD a causé l’éclatement de  ce gouvernement, en sachant que le Muvman Liberater (ML) vaut ce qu’il vaut, autour d’Ivan Collendavelloo, à Rose-Hill.

Venons-en à l’ascension de Fazila Daureeawoo comme première femme au ‘Front Bench’ de la majorité gouvernementale et no 4 du gouvernement. ‘Gender issue’ respectée ?
Je dois reconnaître que la présence de Fazila Daureeawoo au Front Bench du gouvernement est un signal fort pour la femme en général. Lalit a du respect pour elle, car elle ne traîne pas la même image que Soodhun auprès d’une communauté particulière. Toutefois, si l’on s’arrête aux exemples que Pravind Jugnauth a cités pour expliquer son move envers les femmes, tels que la présidente de la République ou la Speaker Maya Hanoomanjee, il les a mal choisis. La nomination de femmes à Maurice demeure symbolique, elles sont comme des vases à fleurs, alors que l’on sait que les femmes sont en proie à une discrimination et une victimisation dans tous les domaines.

«Sir Anerood a été, dès le départ, un Premier ministre provisoire»

Et la nomination de Roubina Jadoo-Jaunbocus ?
Pravind Jugnauth a commis une grosse erreur politique en nommant Roubina Jadoo-Jaunbocus ministre, alors qu’elle a passé un sale quart d’heure devant la Commission d’enquête sur la drogue, qui lui reproche son rôle en tant qu’avocate ayant reçu plusieurs détenus à la fois dans une salle commune en prison. Il y a aussi le fait qu’un autre proche du Premier ministre, Me Raouf Gulbul, passe par des moments difficiles après ses auditions devant cette même commission. Il aurait dû attendre avant de nommer Roubina Jadoo-Jaunbocus ministre. D’autant que son mari doit répondre actuellement en cour d’une affaire de violences politiques.

Y aurait-il d’autres motivations politiques, mais inavouées, qui accompagnent la nomination de Roubina Jadoo-Jaunbocus comme ministre ?
Aux circonscriptions nos 2 et 3, il y a seulement Anwar Husnoo du ML et Roubina Jadoo-Jaunbocus du MSM. Il fallait bien nommer le poulain du Sun Trust pour tenter d’asseoir la présence du MSM dans ces deux circonscriptions.

Jusqu’aux prochaines législatives ?
La question du jour est celle-ci : est-ce que ce gouvernement, dans son état actuel, va tenir jusqu’au terme de son mandat ? Ma réponse est non.

Pourquoi tant de certitude ?
Lors de la prestation de serment des deux femmes ministres, sir Anerood Jugnauth, le Mentor Minister, a brillé par son absence. était-ce pour une raison de santé ? Si oui, il y a un problème. Si tel n’est pas le cas, il y a toujours un problème.

Venons-en aux alliances politiques. Rebelote MMM/MSM ?
Les résultats de la partielle ne gêneront pas le jeu des alliances. Les obstacles d’un rapprochement entre le MSM et le MMM s’estompent, comme le PMSD, Soodhun et bientôt le ML, dont le leader s’est brûlé les ailes en soutenant Alvaro Sobrinho. La logique politique et électoraliste pousse vers une alliance MSM/MMM. Tout comme une alliance entre le PMSD et le PTr. Observez le body language de Paul Bérenger, il est devenu passif vis-à-vis du gouvernement. Il viendra dire aux militants que le MSM a changé et que ce parti s’est ressaisi.

Une victoire d’Arvin Boolell au no 18 pourrait-elle changer la donne ?
Il existe l’éventualité que Boolell gagne la partielle. Il deviendra alors chef de file du PTr au Parlement et pourrait être de mèche avec le MMM. Avec la possibilité que Navin Ramgoolam soit condamné par la cour, un rapprochement entre les travaillistes version Boolell et le MMM serait possible.

Le Premier ministre a aussi une affaire en appel devant le comité judiciaire du Conseil privé …
C’est l’une des raisons pour lesquelles sir Anerood Jugnauth reste au sein du Cabinet. Au cas où… He will then step in again.

 

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