Interview

Questions à Atma Bumma : «Nos dirigeants doivent partir lorsqu’ils échouent aux élections»

L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence, en France, peut-elle pousser la classe politique mauricienne à se rajeunir ? Le secrétaire-général du Mouvement Patriotique (MP) n’y croit pas, tant que les dirigeants des principaux partis resteront accrochés à leur leadership.

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L’élection d’Emmanuel Macron remet sur le tapis la question du rajeunissement de la classe politique à Maurice. Est-ce possible ?
Il faut distinguer rajeunissement et renouvellement. Il faut les deux, avec une dose de jeunes recrues expérimentées. Ce rajeunissement est essentiel pour la démocratie à Maurice. Mais, ici, nous avons des politiciens qui s’accrochent à la direction des principaux partis politiques, le Parti travailliste (Ptr), le Mouvement socialiste militant (MSM) et le Mouvement militant mauricien (MMM) et qui monopolisent la scène politique depuis l’indépendance. Le rajeunissement est impossible avec des politiciens qui ont échoué.

Aucun pays démocratique au monde ne fonctionne ainsi. En Angleterre, Ed Miliband, âgé d’à peine 40 ans a mené le Labour Party à la défaite et il est parti. C’est la même chose pour David Cameron, pour le Parti conservateur et pour François Fillon, pour Les Républicains, en France. Ce faisant, ils laissent la place aux nouveaux.

Mais pas à Maurice, où on étouffe l’émergence de nouvelles têtes. Ici, le patronyme joue un rôle terrible, même au sein de l’électorat. C’est très souvent « le fils de… » qui part avec une longueur d’avance. Il est potentiellement projeté comme le successeur de son père. Comme la presse a besoin d’informations, elle se tourne vers lui, car c’est lui qui est appelé à diriger le parti.

Qui peut œuvrer aux changements à la tête des partis politiques traditionnels ?
Ce sont aux dirigeants eux-mêmes de savoir partir s’ils échouent à mener leurs partis à la victoire. C’est le jeu démocratique. Certains dirigeants politiques à Maurice se comportent comme les propriétaires de leurs partis. Le plus grave, c’est qu’ils en contrôlent les finances. La question de la transparence financière au sein d’un parti est au centre même de l’enjeu de la démocratisation de l’espace politique et de son renouvellement.

Leurs membres peuvent-ils apporter ou susciter le rajeunissement ou le renouvellement ?
Non, parce qu’ils pratiquent une sorte d’idolâtrie du dirigeant suprême.

Est-ce qu’ils le font par manque d’intelligence ?
Maurice est l’un des seuls pays au monde où existe ce phénomène, à l’exception de quelques pays en Afrique. Ça n’a rien à voir avec l’intelligence.

Au Mouvement Patriotique, Alan Ganoo a largement dépassé les 60 ans. Ne se fait-il pas vieux lui-aussi ?
Sans aucun doute, il n’a plus 50 ans, mais c’est oublier qu’il est régulièrement élu depuis 1982, ce qui est une reconnaissance populaire, légitime. Puis, il sort du lot en raison de sa disponibilité, de son tempérament, de ses convictions profondes qu’il n’a jamais reniées. Il ne faut pas oublier que le Mouvement Patriotique a une direction collégiale.

L’élection d’Emmanuel Macron peut-elle, donc, avoir une quelconque influence à Maurice ?
Je ne crois pas. Son élection s’inscrit dans la décision des partis politiques français d’organiser des élections primaires afin de designer un candidat à l’élection présidentielle. Cette décision permet à tout le monde d’avoir la chance de se porter candidat. Le système politique français permet à n’importe qui d’être candidat à la présidence de la France.

Le scrutin primaire est-il envisageable à Maurice ?
Non, nous avons un système de Westminster qui marche.

Vous êtes en politique depuis plus de 10 ans et vous avez été, pendant de longues années, membre du MMM. Pourquoi n’avez-vous jamais gravi les échelons ?
Ecoutez, je n’ai pas envie d’être prisonnier du passé. Je dois tout de même rendre justice à Paul Bérenger qui m’avait coopté au comité central, en même temps que Vijay Makhan et feu Oomar Uteem. Cela dit, je suis secrétaire-général du Mouvement Patriotique.

 

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