- Des Mauriciens très fortunés impliqués
- Une trentaine de « clients » dans le viseur
C’est une affaire qui a éclaboussé le village de Rivière-Noire. Après les dénonciations de trafic humain d’une Biélorusse, les limiers de la Criminal Investigation Department (CID) de la Western Division sont sur le point de démanteler un réseau de prostitution de luxe, impliquant des escort-girls étrangères. La police a noté une forte présence de filles venues d’Europe de l’Est. Des jeunes femmes qui écument le littoral Ouest pour monnayer leurs charmes.
Jeudi, la police a appris que la dénonciatrice, une certaine Liudmila, âgée de 38 ans, avait déjà quitté le pays. Elle avait, dans sa version aux policiers, laissé comprendre qu’il fallait payer gros pour les services de ces filles. « Il faut compter entre Rs 125 000 et Rs 130 000 ($ 3 000) pour une nuit avec une de ces filles », a-t-elle dit.
La CID de la Western Division et la police du Tourisme ont ouvert une enquête, après la plainte de la dénommée Liudmila. Elle a dénoncé les agissements d'un couple de Franco-mauriciens. L’homme, Eddy, et sa femme, Elzat, seraient, selon elle, les cerveaux et les agents-recruteurs pour ce réseau de prostitution de luxe qui comprend aussi des jeunes Russes et Ukrainiennes. Un dénommé Thierry ferait aussi partie de ce réseau.
Les clients étaient majoritairement des étrangers : des touristes ou des expatriés pleins aux as, selon les recoupements de la police. Les proxénètes, à en croire les dénonciations de la Biélorusse, lui auraient proposé, via la messagerie de Telegram, de venir passer des vacances à Maurice. Le hic : Liudmila aurait refusé ses services à des clients mauriciens, mais elle aurait été forcée à accepter ». C’est ainsi qu’elle s'est tourné vers la police du Tourisme de Trou-aux-Biches. Toutefois, la plainte a été enregistrée à Rivière-Noire.
Selon les informations obtenues par le Field Intelligence Office (FIO), le couple proxénète aurait imposé leurs conditions à quatre femmes. À leur arrivée, ils décidaient où elles allaient habiter et recevoir les « clients ». Le déplacement des Biélorusses vers Rivière-Noire est survenue après la plainte à la police. C'est une descente de l'équipe du SP Bansoodeb et de l'Assistant Commissaire de Police (ACP) Bhunoo, de la Western Division CID, à Trou-aux-Biches, qui a permis à la CID de retracer Ludmilla qui a ensuite dénoncé les proxénètes, l’homme de main et des clients.
À Rivière-Noire, à proximité de l’appartement où logeaient les filles, leurs activités n’étaient pas un secret, mais un sujet tabou peut-être. « Nou kone ena bizness zoli fam lizie ble, me sa deroul an sekre », témoigne un chauffeur de taxi opérant sur le littoral Ouest. La présence de berlines laisse deviner que ceux qui viennent en ces lieux à la tombée de la nuit sont des gens fortunés.
L’appartement dispose de deux portes d’accès, mais les va-et-vient sont visibles de la route principale. « Ban dimounn ki vinn dan sa bann loto-la ou fini trouve bann patron sa », lâche François (prénom modifié), un habitant du village. « Landrwa-la plin ar etranze, linn vinn enn zafer normal. Dan weekend, aswar, la faya dan sa lapartman-la », dit-il.
Les Casernes centrales enquêtent en concert avec Interpol Maurice sur ce réseau de prostitution. La CID de l’Ouest a sollicité le Passport and Immigration Office (PIO) pour une liste des jeunes femmes venues de Russie, de Biélorussie et de Roumanies, entres autres. La police veut aussi connaître la raison avancée pour leur entrée sur le territoire.
Les enquêteurs tenteront d'établir s’il y a bien un cas de trafic humain. Pour la police, le couple de proxénète ne serait plus au pays. Un homme de loi avait fait savoir, au nom du couple en question, qu’ils allaient se présenter dans une des branches de la CID de l’Ouest durant la semaine. Mais l’avocat les a vainement attendus au poste de police. Pour la police, ce sont des « delaying tactics » pour permettre à ces individus de quitter le pays. L’homme de loi pourrait aussi être inquiété. Il a précisé n'avoir pas perçu ses honoraires jusqu'ici.
Les dessous de l'affaire
La police privilégie l'existence du réseau avec un ou plusieurs contacts locaux, avec le couple Eddy et Elzat, comme têtes pensantes. Outre les pays cités plus haut, ces agents-recruteurs auraient également établi des contacts au Kazakhstan. Ils se chargeaient de la réservation des billets d’avion pour un séjour d’un mois à Maurice.
C’est ainsi que les quatre prostituées ont débarqué à Maurice pour se faire de l'argent. Liudmila, la dénonciatrice, membre du réseau, avait été convaincue de repousser son billet d'avion pour les besoins de l’enquête. La Biélorusse a raconté avoir eu des relations sexuelles avec plusieurs hommes « allant du cadre à des individus aux dents de platine ».
C'est dans la soirée du vendredi 7 janvier que l'affaire a été portée à la police. Ludmilla s'y est présentée pour porter plainte pour trafic humain. Selon les renseignements de la police, elle n'aurait pas été payée et son passeport aurait été saisi par le couple de proxénètes. D’où sa décision d’alerter la police. Cependant, dans sa version, elle explique avoir pu mettre la main sur son passeport. Cela après une nuit bien arrosée dans l'appartement où elle résidait avec trois autres Biélorusses, à Trou-aux-Biches.
Liudmila dit avoir profité du fait que le couple était ivre pour prendre de l'argent et son passeport. Une version que la police prend avec des pincettes. La jeune femme soutient avoir pris un taxi pour Flic-en-Flac où elle a loué une chambre d'hôtel. Dimanche, la police l'a de nouveau repérée à Trou-aux-Biches. À l'arrivée de la police elle nageait dans le lagon. Il se pourrait que Liudmila soit inquiétée pour entrave à une enquête policière et pour déclaration fausse et malicieuse, apprend-t-on de sources proches du dossier.
Le profil des clients
Nouveaux riches, fils à papa…
L'appartement Fleur de Sel, à Rivière-Noire, respire le luxe. Un endroit adapté pour la jetset, qui aime s'amuser et s'offrir du bon temps loin des regards indiscrets. Le paiement se fait à l'arrivée sur place, directement au couple recruteur. Si les filles n’avaient jamais bronché pour satisfaire leurs « clients », la semaine dernière, Ludmilla se serait insurgée. L'arrivée d'un client mauricien ne lui aurait pas fait plaisir et elle aurait rappelé au couple qu'elle avait accepté d'offrir ses services aux étrangers seulement. Mais pour les recruteurs, pour $ 3 000 dollars la nuit (entre Rs 125 000 et Rs 130 000), les affaires passent avant les caprices.
Les clients, selon l'enquête de la police, seraient des nouveaux riches, des fils d’hommes puissants ou encore des individus avec des dents de platine ne sachant pas trop comment dépenser leur argent (ndlr : blanchiment). Ludmilla a brossé un tableau du profil des « clients » sans pour autant révéler leur identité. Elle a aussi fait état de la violence de ces hommes quand elle refusait leurs avances.
Clientèle selecte
Ludmilla a parlé, à titre d'exemple, d’un homme noir, aux dents de platine, plein aux as. Lors d'une soirée à l’appartement, avant qu’elle ne fasse ces dénonciations, l'individu s'était présenté à l’appartement et avait eu des relations sexuelles avec elle. Mais elle a refusé de se faire examiner par un médecin de la police, après sa plainte. Le client, selon elle, s’était pointé au volant d’un bolide au bungalow de Rivière-Noire pour passer du bon temps contre rémunération.
Notre enquête indique que les Biélorusses étaient sous les ordres du dénommé Thierry, un Franco-mauricien, et de sa compagne. Ludmilla raconte que le couple dispose de plusieurs passeports et possèdent aussi des bateaux. Ces éléments sont en cours de vérification. Le PIO et la National Coast Guard (NCG) ont été alertés. La femme a indiqué qu’elle n’était pas d’accord pour être Escort Girl. Mais vendredi 7 janvier, Liuimilla a été repéré alors qu’elle se baignait dans le lagon de Trou-aux-Biches par la CID de la Western Division. C’est à ce moment qu’elle a relaté en moult détails les faits.
La dénonciatrice a conduit les enquêteurs dans un appartement dans le Nord où elle vivait et recevait des clients pour le compte du couple Eddy et Elzat.
Mandat d’arrêt contre les dénommés Eddy, Thierry et Elzat
La police a émis un mandat d’arrêt contre Eddy, Thierry et Elzat. La garde-côtes nationale est en alerte, vu que le dénommé Thierry est un habitué de la mer. Un « arrest upon departure/arrival » a été émis contre eux. Dans le sillage du démantèlement d’un réseau de prostitution dans l’Ouest, cette méthode avait payé ses fruits.
En 2019
Une Ukrainienne épinglée
En 2019, une Ukrainienne avait dénoncé, à la police de la Western Division, son petit-ami pour agression. Elle avait expliqué qu’elle était en vacances à Maurice pour un mois. Elle avait ensuite regagné son pays, avant re revenir à Maurice seule. La police l'avait épinglée, faisant le trottoir. Elle était impliqué dans le sex-biz dans le Nord.
En 2016
La CID de la Western Division avait démantelé un réseau de prostitution. Des Ukrainiennes et d'autres femmes issues de pays de l'Europe de l’Est. La bande opérait dans une boîte de nuit, à Flic-en-Flac. À l'issue d'une enquête policière, ces femmes, qui faisaient du gogo-dancing et du striptease, avaient été déportées, avec une mise en garde des autorités. Le gérant de la boîte avait, lui, écopé d'un warning du bureau du DPP. Cela après que le dossier y avait été référé pour « further actions ».
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