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Programme de méthadone à partir de 15 ans : entre trois et cinq adolescents font une demande chaque année

La méthadone est un traitement de substitution médical approprié pour les adolescents qui consomment des drogues. Cependant, selon les autorités, il sera administré en dernier recours. Des éclaircissements concernant les modalités autour de cette nouvelle approche sont, toutefois, attendus.
En administrant, dans des cas spécifiques, de la méthadone à partir de l’âge de 15 ans, l’objectif du ministère de la Santé est d’offrir aux jeunes consommateurs de drogue une meilleure réinsertion sociale. Actuellement, la Harm Reduction Unit (HRU) travaille sur les critères et les conditions entourant ce traitement, qui devrait bientôt être lancé. 

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Cependant, plusieurs voix se sont élevées pour exprimer leurs réserves quant à cette décision. Selon un psychiatre qui n’a pas souhaité être cité, la méthadone risque de créer une nouvelle dépendance chez de jeunes patients. En revanche, le Dr Luxmi Tauckoor de la Harm Reduction Unit (HRU), affirme que ce traitement ne sera proposé qu’à certains adolescents, dans des cas spécifiques, et non à tous.

Cette décision fait suite au rajeunissement de la toxicomanie, avec la consommation d’héroïne et d’autres opiacés dès l’âge de 11 ans dans certains cas. Le Dr Tauckoor explique : « Il y a un rajeunissement parmi les consommateurs et nous anticipons les problèmes futurs, comme aux États-Unis où des décès par overdose surviennent régulièrement. Si nous ne faisons rien, cette situation va se poursuivre. »

Le programme envisagé par le ministère vise à sortir rapidement les adolescents de l’emprise de la toxicomanie, plutôt que d’attendre l’âge de 18 ans pour qu’ils puissent bénéficier du traitement à la méthadone. Selon le Dr Tauckoor, entre trois et cinq adolescents demandent chaque année à intégrer le programme de méthadone en tant que traitement de substitution pour sortir de leur toxicomanie. Toutefois, ils essuient des refus, car le traitement n’est pas adapté pour eux pour le moment. « Nous devons établir les critères et les modalités, c’est ce sur quoi nous travaillons actuellement », souligne-t-il.

Il affirme que les lignes directrices seront calquées sur ce qui se pratique à l’international dans les pays confrontés à des problèmes d’opiacés, suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ainsi, il n’est pas automatique que les adolescents consommateurs de drogue passent par la méthadone pour leur réhabilitation et leur réinsertion. « Chaque patient devra d’abord passer par des étapes de désintoxication. Il devra suivre au moins une ou deux séances de désintoxication en accord avec ses parents ou son tuteur », ajoute le Dr Tauckoor.

Ce n’est qu’en cas d’échec que le panel médical, composé de psychiatres, de médecins généralistes et d’un représentant du centre de réhabilitation où le patient a suivi ses séances de désintoxication, décidera s’il peut passer à la méthadone. La décision sera également prise en consultation avec la famille afin d’obtenir les autorisations nécessaires. Le comité s’assurera également qu’aucune contre-indication n’est présente chez le patient et que tous les critères d’admission au programme sont respectés.

Réserves

Cependant, en l’absence d’informations précises sur le programme, Kunal Naïk, psychologue et addictologue, ainsi que Danny Philippe, chargé de plaidoyer pour la prévention à l’ONG Drip, expriment quelques réserves. Pour Kunal Naïk, la méthadone ne devrait pas être le traitement de première intention chez les adolescents. « Je suis en faveur d’un programme dépendant du type de protocole qui sera mis en place », dit-il. Selon lui, la méthadone est administrée aux moins de 18 ans dans des cas bien spécifiques dans plusieurs pays, conformément aux recommandations de l’OMS.

Kunal Naïk est d’avis qu’il faut avant tout proposer un programme de réhabilitation et envisager des traitements de substitution si le patient continue de présenter des problèmes et s’il est un consommateur régulier. « Cela doit se faire dans le cadre d’un programme spécifique avec un suivi sur une période de six mois à deux ans maximum et ne pas devenir permanent comme c’est le cas actuellement chez certains adultes », indique-t-il. La méthadone, fait-il ressortir également, a prouvé son efficacité chez de nombreux patients, en particulier chez ceux qui n’ont pas consommé de drogues depuis longtemps.

Danny Philippe, de son côté, affirme que l’annonce de ce projet a pris tout le monde par surprise. Selon lui, les ONG engagées dans la réduction des risques n’ont pas été consultées ni informées de ce projet, ce qui limite leur compréhension de son déroulement. Cependant, étant donné le rajeunissement de la toxicomanie, il estime que ce programme peut aider dans les cas extrêmes. Il craint, toutefois, que les adolescents encore scolarisés ne soient victimes de stigmatisation et de discrimination s’ils participent à ce programme de réhabilitation à la méthadone.

De plus, Danny Philippe plaide en faveur d’une formation du personnel chargé d’encadrer et d’offrir un accompagnement psychosocial des patients. Selon lui, cet aspect fait actuellement défaut chez les adultes déjà sous traitement. Également, il craint que la méthadone puisse être nocive pour les jeunes cerveaux en développement, qui n’atteignent leur maturité qu’à l’âge de 25 ou 26 ans. Le responsable du plaidoyer pour la prévention chez Drip se dit donc avant tout favorable à la prévention primaire dès la petite enfance.

Assurance

L’addictologue de la HRU se veut, cependant, rassurant. Avec un taux d’échec de plus de 90 % pour les programmes de désintoxication, le programme de méthadone peut être bénéfique. Pour lui, en récupérant ceux qui ont échoué dans un programme de désintoxication, on évite qu’ils perdent deux à trois ans avant de pouvoir accéder à la méthadone selon le processus actuel. Il est d’avis que beaucoup se retrouvent ainsi sans encadrement adéquat.

En l’absence de chiffres précis, il explique qu’il doit, toutefois, y avoir un nombre important d’adolescents nécessitant une prise en charge pour surmonter leur addiction. Selon les informations disponibles, 29 % des patients âgés de 18 à 25 ans consomment de l’héroïne, et pratiquement le même pourcentage jusqu’à l’âge de 34 ans. « En interrogeant les patients âgés de 18 ans, nous apprenons qu’ils ont commencé à consommer de la drogue dès l’âge de 13 ou 14 ans, voire 11 ans dans certains cas », affirme-t-il. Cependant, selon lui, la majorité a pris sa première dose vers l’âge de 16 ans.


Réinsertion sociale

Selon le programme de méthadone qui sera mis en place pour les adolescents, les éventuels patients devront suivre une session de désintoxication dans un centre de réhabilitation pendant environ deux semaines. Ensuite, le patient pourra se rendre dans le centre de santé le plus proche de chez lui pour recevoir sa méthadone, avec l’accord de ses parents ou de son tuteur s’il remplit tous les critères. Il bénéficiera également régulièrement d’un suivi avec un psychologue, un médecin généraliste, un addictologue ou un membre de la Harm Reduction Unit pendant toute la durée du traitement.

« Nous allons collaborer avec les professionnels de la santé pour faciliter la réinsertion dans le système éducatif. Ils auront besoin d’une réinsertion plus large, incluant la famille, la société et les groupes de pairs ou scolaires », explique le Dr Tauckoor. Selon lui, dès qu’un patient est prêt à suivre le programme de méthadone et qu’il n’éprouve plus de manque pour les opiacés, il pourra réintégrer la société en tant qu’individu normal. « Souvent, les personnes sous l’emprise de la toxicomanie abandonnent l’école. Notre objectif est de les aider à reprendre leurs études en fonction de leur âge », souligne le Dr Tauckoor.
 

 

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