Economie

Produits amaigrissants : un business qui ne paie plus

C’est un marché qui est à la fois tributaire des tendances extérieures, du développement économique et de l’état de santé des Mauriciens. Les produits amaigrissants sont censés répondre à la question des femmes souhaitant perdre du poids. Mais quelle est leur réelle efficacité ? Est-ce que c’est un marché en croissance et quelle est la clientèle pour ce produit parfois présenté comme « miraculeux » ? L’idéal féminin mauricien serait-il à mi-chemin entre la pulpeuse Nikki Minaj et Kate Moss, surnommée « La Brindille » ?

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D’une pharmacie à l’autre, les avis varient, d’une réflexion sans complexe à une autre qui se veut plus nuancée. À la Pharmacie Jhugroo, une vendeuse explique que les produits amaigrissants sont recherchés par hommes et femmes indistinctement, dans la tranche d’âge de 19 à 50 ans. « Le marché est en hausse », assure une vendeuse. Mais à Port-Louis, à la Pharmacie Newton, Vicky Ramlaggun, pharmacien, fait observer que les ventes de ces produits connaissent une véritable baisse depuis ces cinq dernières années, une tendance confirmée par un haut cadre d’une grosse société d’importation de produits pharmaceutiques. Directeur de la société Friedelshiem Ltd, Denis Halbwachs, lui, abonde dans le même sens : « Les Mauriciens sont aujourd’hui dans la pratique d'activités plus saines, après avoir pris conscience des effets néfastes de ces produits ».  

Culte du corps

Selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en France « (…) perdre du poids n’est ni anodin ni sans conséquence pour la santé. Une telle démarche sans indication médicale et/ou basse sur des méthodes sans fondement scientifique peut avoir des conséquences graves pour la santé. ».

Comment, durant de longues années, en était-on arrivé à un tel engouement pour des produits aussi variés que chers, selon leur pays de fabrication ? Dans les années 2000, après plus d’un quart de siècle de travail dans le secteur manufacturier, les femmes ont franchi un nouveau cap socioprofessionnel et culturel – tributaire de leur niveau d’éducation -  qui se reflète dans leur comportement tant vestimentaire qu’alimentaire. Le travail au bureau, l’utilisation de la voiture et l’impact de la culture occidentale ont fini par imposer une certaine dictature de la minceur. C’est un faisceau de facteurs presque tous liés l’un à l’autre qui ont abouti au culte du corps, relayé par une publicité sans vergogne.

Vikky Ramluggun explique que cette frénésie a affecté les femmes dans la tranche d’âge de 19 à 50 ans, « des jeunes filles étaient, elles, influencées par l’univers du mannequinat tandis que leurs aînées, proches de la quarantaine ou plus, étaient séduites par une pub, leur affirmant qu’il n’y a pas d’âge pour être belle ».  L’impact de l’industrie vestimentaire, avec ses canons véhiculés par les mannequins et les défilés, sans oublier les concours de beauté, qui, aujourd’hui, se déclinent en communautés,  ont eux-aussi participé au recours aux produits amaigrissants.

« Après une période faste et de gros revenus, le marché a rebondi sur des bases saines », explique Vikky Ramluggun. « Grâce à trois facteurs : un travail de prise de conscience effectué par les nutritionnistes, puis le fait que les clients étaient eux-mêmes devenus plus prudents face à ces produits et, enfin, l’ouverture des espaces où se pratiquent des exercices physiques ayant pour but de maintenir la forme. À eux, ces facteurs ont contribué à faire chuter par plus de moitié le marché des produits amaigrissants ».

Chute du marché

Est-ce que la chute du marché des produits amaigrissants a-t-elle pesé sur le chiffre d’affaires des importateurs ? « Pas chez nous, fait valoir Denis Halbwachs. Car nous avons vu venir la tendance. À coté des mannequins maigrichons qui monopolisaient les catwalks et qui n’ont pas totalement disparu, on a vu apparaitre des filles avec des formes. Il n’y avait plus cette tyrannie de la minceur. Les Mauriciennes ont suivi le pas, avec une réelle alternative offerte par les salles de gym et les conseils des nutritionnistes ».  

Il faut dire que certaines femmes ont elles-mêmes associé la consommation de ces produits à des dysfonctionnements qu’elles ressentaient sans pouvoir établir de lien direct avec ces produits. Employée dans un magasin situé dans le centre commercial Royal, à Rose-Hill, Malini (prénom d’emprunt), la quarantaine, explique qu’au bout de trois mois de consommation d’un produit dit ‘bio’, elle a commencé à ressentir des signes de lassitude, bien qu’elle ait maigri. « J’avais la bouche sèche, j’avais du mal à me réveiller et je ne pouvais plus tenir sur les jambes au travail », raconte-t-elle.

«Blocages intestinaux»

Interrogée, Divya Poorun, nutritionniste, n’en est guère étonnée. « Ce sont tout à fait les effets ressentis par ce type de produits », dit-elle. « Bien sûr, ils feront perdre du poids rapidement, mais majoritairement sous forme d’eau et non de gras. À long terme, la déshydration de même que d’autres désordres risquent de survenir. Au niveau de l’appétit, ils réduiront la faim, mais certains suppléments à base de fibre, pris sans autre apport, peuvent provoquer des blocages intestinaux, avec pour résultat qu’on perd tout aux selles, dont les sels minéraux et les vitamines indispensables au corps. Il existe bien certaines pilules amaigrissantes qui contiennent de l’eau. Lorsqu’on raconte qu’on a perdu deux kilos en une semaine, il ne s’agit pas de gras, mais de l’eau. À un grand rythme, la déshydratation peut accélérer le vieillissement. Lorsqu’on vient à manquer de certaines vitamines, cela entraîne la carie, l’ostéoporose. Certaines jeunes filles poussent l’excès jusqu'à couper les repas, ce qui peut mener à l’anorexie. »

Contrefacons

Aux dangers que cite Divya Poorun, il convient d’ajouter deux autres éléments contenus dans le rapport de l’ANSM : Le rapport bénéfique/risque des rares médicaments autorisés (en France) dans le traitement de l’obésité ou du surpoids est modeste. De plus, l’arrêt du traitement s’accompagne d’une reprise de poids. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 50 % des médicaments achetés sur des sites internet dissimulant leur adresse physique sont des contrefaçons. Par ailleurs, le recours aux plantes pour la perte de poids est fréquent. Perçues comme naturelles, sans risques et facilement accessibles, puisque ne nécessitant pas de prescription médicale, elles ne sont pas cependant sans danger : les normes de qualité propres aux médicaments, y compris à base de plantes, permettent, eux, d’éviter ou de limiter les risques pour la santé.

Les solutions à l’obésité sont toutes simples et accessibles, mais il faut être capable de résister aux phénomènes de mode, qui ont tendance à ériger la minceur en modèle de beauté, insiste Divya Poorun. « C’est d’abord dans nos assiettes qu’il faut agir, en équilibrant la composition de nos repas en dosage, puis dans la pratique d’une activité physique, sans oublier l’eau dont il faut consommer deux litres au quotidien. Je ne suis pas contre la fréquentation des salles de gym si une personne a besoin d’être motivée pour effectuer des exercices physiques. »


Entre pharmacies et grandes surfaces

« À cause de la vente des produits phytosanitaires dans les grandes surfaces, il est difficile d’évaluer avec précision le marché des produits amaigrissants. De nombreux hypermarchés possèdent aujourd’hui des rayons dédiés à ces produits », explique un représentant d’une grosse société d’importations de produits pharmaceutiques, située à Port-Louis.

Toutefois, ce dernier fait ressortir que ce marché a connu une légère baisse durant ces dernières années. « Mais », nuance-t-il, « les produits phytosanitaires attirent toujours, parce qu’il existe un marché féminin très fort, dans la tranche de 20 à 40 ans, avec aussi une petite clientèle masculine. Durant ces dix dernières années, le marché, dominé par les marques européennes, a vu la concurrence des produits indiens, dont certains sont de qualité presqu’égale aux produits européens et à des prix très accessibles. Mais, les marques européennes, que ce soit en pharmacies ou dans les supermarchés, restent encore les plus prisées, parce qu’ils ces produits ont subi des tests en laboratoires et respectent les normes. »

 

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