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Patrimoine foncier: une famille revendique l’île aux Bénitiers

Alors que le gouvernement se penche sur les possibilités d’exploitation de l’île aux Bénitiers, Jacques Eddy Sévène affirme être le propriétaire de cet îlot situé au sud-ouest du pays. Pour preuve, il brandit un acte de concession datant de 1819 et des documents prouvant qu’il est un descendant du « propriétaire original ».

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Une réponse déposée par le vice-Premier ministre et ministre du Logement et des terres, Showkutally Soodhun, au Parlement vendredi par rapport à l’île aux Bénitiers fait bondir Jacques Eddy Sévène et ses partenaires. Documents officiels à l’appui, ce dernier soutient être « le seul propriétaire légal » de cet îlot situé au large de Cotteau-Raffin, au sud-ouest de Maurice. Cet îlot est estimé à plus de Rs 2 milliards.

« D’abord, il ne se nomme pas île aux Bénitiers. Son vrai nom est Islot du Morne », déclare Anand Raggoo, actionnaire de SRH Development, une compagnie de développement foncier, dont Jacques Eddy Sévène est un des actionnaires, aux côtés de Gérard Harel. Ce dernier emploie Jacques Eddy Sévène comme storekeeper. Jacques Eddy Sévène, soutient Anand Raggoo, « est le seul et unique propriétaire de cet îlot ». La raison pour laquelle le principal concerné vient de l’avant maintenant, c’est parce que ses associés et lui « sont arrivés au bout de leurs recherches et ont pu compiler tous les documents nécessaires » pour prouver leurs dires. D’autre part, ajoute-t-il, le ministre Soodhun affirme dans sa réponse que le gouvernement a mis sur pied un comité pour voir comment développer cet îlot.

De Islot du Morne à île aux Bénitiers

Sur l’acte de concession du 29 juin 1819, l’île aux Bénitiers est nommée Islot du Morne, comme sur toutes les cartes anciennes de Maurice. Il en est ainsi sur celle de Jean-Baptiste de Mannevillette, hydrographe et capitaine de vaisseau de la Compagnie des Indes, faite en 1751. Idem pour celle dressée en 1763 par Jacques-Nicolas Bellin, ingénieur de la Marine. En fait, l’île aux Bénitiers faisait partie d’un ensemble de trois îlots connus comme Les Bénitiers. Deux de ces formations coralliennes ont disparu. La seule à subsister a ainsi, au fil du temps, perdu son nom Islot du Morne au bénéfice de celui d’île aux Bénitiers.

La principale preuve de Jacques Eddy Sévène est un acte de concession (TV 14/77) dressé le 29 juin 1819, qui stipule que Pierre Spéville a racheté la concession de Jean-Nicolas D’Emmerez, qui a lui-même racheté la concession de la comtesse de Lamarque peu avant, « suivant écrit sous signature privée en date du 11 octobre 1807 ». Cet acte a été obtenu auprès du Registration and Mortgage Office le 23 mai dernier. Selon les recherches effectuées par les partenaires, Jean-Nicolas d’Emmerez était lourdement endetté. « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, après 1819, aucun gouvernement n’a octroyé un bail sur l’îlot et il n’a jamais fait l’objet d’un litige quelconque », précise Anand Raggoo.

En ligne directe

Dans un affidavit juré en Cour suprême lundi dernier, Jacques Eddy Sévène soutient qu’il est, jusqu’à preuve du contraire, le seul descendant connu de Pierre Spéville. Il a déposé tous les documents officiels (actes de naissance, de décès et de mariage) provenant des registres de l’État, afin de prouver qu’il est « le descendant en ligne direct de Pierre Spéville ». Pierre Spéville avait aussi obtenu une concession de 490 arpents à Cotteau-Raffin, terrain se situant exactement vis-à-vis de l’île aux Bénitiers. Un notaire nous a confirmé que c’était une pratique courante à l’époque. « Une concession sur un îlot n’était jamais accordée sans qu’elle ne soit accompagnée d’un terrain en bord de mer sur la terre ferme », affirme celui-ci. Cependant, deux actes de concession séparés étaient dressés. La concession de Cotteau-Raffin fait l’objet d’un litige. Jacques Eddy Sévène a porté l’affaire en Cour. En 2011, la Commission justice et vérité s’était penchée sur ce cas précis et avait établi que Pierre Spéville était effectivement le propriétaire de l’îlot et du terrain de Cotteau-Raffin et que le document original avait été « faussé ». Dans son rapport, la commission affirme que les recherches sur ce cas « ont révélé comment le mécanisme de la fraude peut fonctionner à tous les niveaux de la société mauricienne ». Jacques Eddy Sévène et ses associés souhaitent maintenant développer l’île aux Bénitiers et continuent à se battre pour récupérer les 490 arpents à Cotteau-Raffin. Sur ce dernier dossier, ils ont obtenu une injonction de la Cour suprême, mardi, empêchant toute personne d’entreprendre des développements sur ce terrain. Anand Raggoo soutient que des compagnies sont intéressées à développer l’île aux Bénitiers, « mais nous sommes ouverts aux négociations avec l’État, s’il veut racheter l’île ». Le notaire que nous avons contacté affirme que cette histoire est plausible, mais que si Jacques Eddy Sévène veut effectivement exploiter l’île aux Bénitiers, il devra se tourner vers un tribunal afin de se faire reconnaître officiellement comme seul propriétaire des lieux.  


 

 

L’affaire Nubheebucus

L’île aux Bénitiers est aussi revendiquée par les descendants de Soolaman Nubheebucus. Ce dernier voulait obtenir une prescription pour en devenir le propriétaire. Ses descendants ont fondé la compagnie Soolaman Nubheebucus Ltd. Approché par Le Dimanche/L’Hebdo, ceux-ci n’ont pas voulu faire de commentaires. En octobre 2014, l’ancien gouvernement avait offert un bail de 20 ans sur les 130 arpents de l’île aux Bénitiers. Le promoteur serait autorisé uniquement à y planter et cultiver des cocotiers. Aucun contrat n’a cependant été signé.

 

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