Interview

Octroi d’un passeport à Mike Brasse - Me Dev Erriah : « Pas nécessaire à ce stade que le CP ‘step down’ »

Le commissaire de police (CP) Mario Nobin s’est retrouvé sous le feu des projecteurs depuis l’éclatement de l’affaire entourant l’octroi d’un Temporary Passport à Mike Brasse. Les procédures légales ont-elles été respectées dans le traitement de ce dossier ? Nous avons sollicité l’avis de Me Dev Erriah. Selon l’avocat, ce n’est « pas nécessaire que le CP ‘step down’ à ce stade ». 

Le CP est-il mandaté pour interférer dans les demandes de passeport ? 
Il ne peut pas s’impliquer directement dans l’octroi des passeports. Ce rôle incombe au Passport and Immigration Office (PIO). Mais il arrive qu’en cas de blocage ou de lenteur administrative, les demandeurs sollicitent l’intervention du bureau du CP. Dans bien des cas, le CP demande au PIO de considérer telle ou telle requête. Si pour des raisons quelconques le PIO ne peut pas délivrer de passeport, il doit en informer le CP. L’Immigration doit ensuite demander à ce dernier s’il maintient sa décision et ses ordres. 

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Mario Nobin aurait-il outrepassé les « Standing Orders » de la police ? 
Les Standing Orders ne prévoient rien au sujet de l’octroi de passeports au bureau du CP. Les Standing Orders ne comportent que des ordres au sein de la force policière, donnés par un supérieur à un subordonné (Junior Officer). Si le subordonné estime que les instructions du bureau du CP ou du CP lui-même ne sont pas dans l’intérêt de la justice, il doit informer son supérieur qui décidera de la marche à suivre. 

Estimez-vous qu’il y a eu transgression des règlements dans ce cas ? 
Il faut établir à quel moment il y aurait eu l’intervention de Mario Nobin. Si cela a eu lieu après l’enregistrement de la demande, le CP se retrouvera dans une posture problématique. Les demandeurs de passeports ne doivent pas solliciter le CP, sauf en cas de lenteur dans les procédures. 

Le PIO dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour octroyer un passeport ou pas, sans aucune intervention. Or, l’exception peut survenir s’il s’agit d’une demande complexe. Dans ce cas, le CP peut être consulté. Il doit, à son tour, solliciter l’avis du State Law Office ou celui de l’Attorney General. La date de la demande est importante dans ce cas, car normalement, il y a une enquête qui s’étend sur trois mois environ. 

Le CP devrait-il « step down », le temps de l’enquête ? 
Ce n’est pas nécessaire à ce stade. Le PIO a aussi ses responsabilités. Il aurait dû informer le CP des risques qu’il y avait dans ce cas précis. « Pouvons-nous aller de l’avant ? » C’est la question que le PIO aurait dû adresser au bureau du CP. 

Le Divisional Commander doit aussi préciser sa position, c’est-à-dire s’il donne son feu vert ou pas au PIO. Il revient au patron du PIO d’informer le Divisional Commander et le CP de la situation. Si on évoque une démission, à la fois le CP et l’ancien patron du PIO doivent démissionner. Le CP reçoit beaucoup de requêtes par jour. 

Dans le cas présent, c’est l’enquête qui déterminera les circonstances. Normalement, le PIO doit avoir put on record les instructions du CP – s’il y en a – et préciser si le cas comportait des risques.

Mike Brasse : skipper mais pas seulement 

En novembre 2016, Mike Brasse est intercepté à La Réunion avec 42,2 kilos d’héroïne valant Rs 600 millions. Son passeport temporaire est saisi. Le Mauricien est placé en détention. Les circonstances de la perte de son passeport font également l’objet d’une enquête. Les autorités françaises, chargées de cette enquête à La Réunion, expriment toujours des réserves en ce qui concerne leur collaboration dans cette enquête. Mike Brasse purge sa peine de huit années de prison sur le sol réunionnais. « L’Ilot Gabriel », le hors-bord utilisé par Mike Brasse pour ses traversées Maurice-Réunion, a été saisi. Le Mauricien est soupçonné d’être celui qui assurait les traversées sur l’axe Madagascar-Réunion-Maurice.

Les procédures 

Dans les milieux des Casernes centrales, les avis sont mitigés. Y a-t-il eu faute ? Certains gradés affirment que Mario Nobin et Narendra Boodhram ont agi selon leurs prérogatives. Une source explique que Narendrakumar Boodhram est un assistant surintendant de police (ASP) et que le CP peut intervenir dans ses dossiers. « Di moman ki se so junior e an fonksion lirzans sitiasion, li kapav intervenir. Enn kriminel se enn sitwayen ki ena drwa gagn enn passeport », indique notre source. 

Toutefois, poursuit-elle, l’ASP aurait dû informer le CP. Elle estime que Narendra Boodhram aurait dû demander à ce dernier s’il souhaitait aller de l’avant vu les circonstances, en lui posant la question suivante par exemple : « Would you consider the matter even if someone suspected to be involved in drug trafficking ? » Or, avant cela, Mike Brasse n’était pas fiché à l’Anti-Drug and Smuggling Unit. Mais aux Casernes centrales, on affirme qu’un CP aurait dû détenir des informations de cette nature.

 

 

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