Interview

Me Siv Potayya : «Les banques opèrent comme un cartel»

Avocat expert du secteur bancaire, Me Siv Potayya estime que la Banque de Maurice doit être blâmée dans l’affaire MCB/NPF. Il constate aussi qu’il n’existe pas de réelle concurrence entre les banques qui forment, selon lui, un cartel.

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Quel est votre analyse du secteur bancaire ces dernières années ?
Il y a un manque de contrôle. Il y a une tolérance occulte que les gens n’arrivent pas à comprendre. Comment les banques peuvent fonctionner à leur guise en prétendant satisfaire la clientèle tout en obtenant d’énormes profits? Il n’y a qu’à parcourir leur bilan financier pour voir qu’elles sont à l’antipode du nombre de Sale by Levy devant le Master and Registrar de la Cour suprême. On est en droit de se demander pourquoi il y a autant de cas de Sale by Levy. Cela s’explique par le fait que les clients n’arrivent pas à rembourser des emprunts au moment opportun.

Les banques agissent impitoyablement sans attacher d’importance à l’aspect humain. Si d’un côté, des larmes coulent, de l’autre, les profits augmentent. Je me demande ce que fait le gouverneur de la Banque centrale et le ministère concerné.

Le groupe MCB a été reconnu coupable de blanchiment d’argent. Les magistrats ont fait ressortir un laxisme au niveau du contrôle interne. Quelle votre lecture de ce jugement ?
Toutes les banques sont appelées, comme n’importe quelle entité commerciale, à faire des profits. Mais il ne faut pas oublier que les banques opèrent dans un système normatif. Elles doivent respecter des normes et la non-conformité à ces normes entraînerait automatiquement des sanctions.

À qui incombe ce rôle de contrôle ? Je ne vois pas pourquoi il faut blâmer la MCB si, dès le départ, la personne qui a été investie de ce rôle de contrôle n’a pas fait son travail. Selon les dispositions de la Banking Act de 2004, le régulateur des services financiers bancaires est la Banque centrale. À mon humble avis, il faut blâmer la Banque de Maurice qui n’a pas accompli son devoir.

Malheureusement, c’est celui qui assumait le rôle de gouverneur de la Banque de Maurice lors de l’éclatement de l’affaire MCB/NPF qui détient aujourd’hui ce poste. Il faut sanctionner la Banque centrale qui a omis d’une façon ou d’une autre de faire son travail.

En février dernier, la Competition Commission of Mauritius (CCM) a plaidé pour une baisse des charges afin de démocratiser davantage l’utiilsation des cartes bancaires. Les banques ont-elles suivi cette recommandation ? Quid des autres commissions et frais bancaires ?
Je salue la volonté de l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Manou Bheenick, d’avoir fait de son mieux pour mettre un frein à ces abus des banques. Il avait fait circuler un document invitant la population à s’exprimer sur les activités bancaires à Maurice. Mais depuis son départ, les résultats dorment dans un tiroir. Je me demande si le gouverneur actuel a le courage de mettre un frein à ces exagérations. Je partage l’opinion du public à l’effet que les frais bancaires sont exagérés et que le ministre des Finances doit intervenir.

On annonce l’arrivée éventuelle du groupe Hinduja qui souhaiterait acquérir des parts majoritaires de la MauBank. Cette initiative risque-t-elle de changer la donne sur le paysage bancaire ?
C’est une bonne chose de faire venir des capitaux étrangers à Maurice. Je ne crois pas que la compétition entre les banques sera féroce, car on est sous l’impression que les banques opèrent comme un cartel. Je me demande si la CCM ne peut pas y mettre son nez. Il est temps de ne plus tolérer les abus. Les frais bancaires ne doivent pas être liés aux dépenses pour des berlines de luxe des directeurs de banque, ni à leur canne à pêche, à des bateaux, des voyages en classe affaires, voire en première classe. Il faut respecter le consommateur lambda.

Quid de l’Ombudsman des banques ?
Mes recherches, qui ont abouti à la sortie de l’ouvrage Guide to Decisions of the Supreme Court of Mauritius Affecting Banking (1861 – 2007), m’ont permis de comprendre l’étendue des problèmes rencontrés par les clients des banques. Ils doivent toujours avoir recours aux tribunaux pour les résoudre et ils doivent assumer les dépenses relatives. Les clients sont trop souvent confrontés à des taux d’intérêt abusifs. Ils ne connaissent pas vraiment leurs droits.

Un Ombudsman des banques serait un officiel indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes de ceux estimant que leurs droits ont été violés. Il agirait comme un bureau des plaintes avec des services gratuits. Ce qui réduirait le nombre de cas en Cour. Le public aurait ainsi un meilleur rapport coût-efficacité et un gain de temps, tout en obtenant des décisions plus adéquates.

 

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