L’avocat Eassen Soobramanien soutient qu’il faut changer la mentalité de souffrir en silence dans des cas de violence domestique. Il faut toujours, insiste-t-il, encourager la victime à dénoncer son agresseur.
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La violence domestique est devenue un fléau. Il y en a plusieurs formes. Pouvez-vous nous en parler ?
La violence conjugale est basée sur une relation de domination. Les victimes peuvent souffrir d’isolement, de harcèlement, de dénigrement, d’humiliation, d’intimidation, de dévalorisation, de menaces, de violence physique et sexuelle, de chantage affectif ou d’injures. Le conjoint, ayant des comportements violents, peut abuser de sa victime en gérant ses revenus et ses dépenses afin de lui enlever son autonomie. L’emprise du conjoint peut aussi s’exercer sur le plan psychologique en cherchant à contrôler ses paroles et ses gestes ou en surveillant ses allers et venues.
De quel recours la victime dispose-t-elle pour se protéger ?
Le droit d’un époux ou d’une épouse contre la violence domestique est garanti sous notre système juridique grâce à la ‘Protection from Domestic Violence Act’ de 1997. Cette loi offre une protection contre toute forme de brutalité dans un foyer, comme des actes physiques, d’intimidation voire des actes de cruauté par l’un des conjoints. Cette loi (la protection contre toute forme d’abus domestique) est aussi applicable pour protéger des hommes battus ou victimes d’abus de la part de leurs épouses.
Le ‘Protection order’ est-il le seul recours pour une victime ?
À Maurice, il y a aussi des Organisations non gouvernementales (Ong) qui font campagne contre la violence domestique. Elles offrent des supports légaux administratifs ainsi que des centres (shelters) pour recueillir des femmes battues.
Il y a plusieurs centres, à travers le pays, pour offrir un toit aux femmes victimes d’abus. Elles peuvent y habiter le temps de trouver une solution à leur problème. Ces centres sont sécurisés et difficiles d’accès pour les hommes et autres conjoints, qui veulent entrer en contact avec leurs victimes. Une victime peut aussi obtenir une ‘Occupation order’, soit un ordre de la Cour qui lui donne le droit exclusif d’habiter sous le toit conjugal
«La sensibilisation est essentielle et il y a toute une éducation à faire et à refaire.»
Si une femme se rend à la police pour porter plainte contre son époux, peut-elle exiger d’être entendue par une policière au lieu d’un policier ? Afin de se sentir plus à l’aise…
Oui, c’est possible. En général, pour les cas de violence domestique, c’est la ‘Family Protection Unit’ de la police qui s’en occupe. En principe, cela revient à une policière d’enregistrer la plainte de la victime et de l’accompagner tout le long de l’enquête. Par contre, un cas de violence domestique peut être rapporté à la police par un ‘Enforcement Officer’ attaché au ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille. S’il a des soupçons raisonnables selon lesquels une personne a été ou serait susceptible d’être victime d’un acte de violence domestique, il doit mener une enquête le plus vite possible.
Que font les autres institutions, notamment le ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille et la police, entre autres, pour venir en aide à une victime ?
La police doit enquêter dans le cas où une victime, un ‘Enforcement officer’ ou une autre personne porte plainte et s’il y a eu, s’il y a ou s’il y aurait un acte de violence domestique. Un policier, à partir du grade d’assistant surintendant, est habilité à donner l’instruction d’arrêter une personne soupçonnée d’avoir causé une blessure physique ou s’il y a raison de suspecter qu’un époux a omis de se conformer à un ordre de la Cour par rapport à un cas de violence domestique.
Ne nous voilons pas la face ! Il y a aussi des hommes victimes de violence domestique. Comment peuvent-ils se protéger ?
La procédure est la même pour un homme. Si l’époux subit ou est victime d’un acte de violence domestique, il peut faire une demande en Cour pour un ‘Protection order’ qui restreindra l’autre partie à abuser de lui. En prenant en considération la demande de la victime, une Cour de justice doit considérer le besoin de protéger la victime, d’assurer sa sécurité, le bien-être des enfants(s) du couple, s’il y en a, mais aussi de son droit à un toit pour y vivre en toute sécurité.
Pensez-vous que les amendements apportés à la ‘Protection from Domestic Violence’ sont dissuasifs ?
Il faut, avant tout, encourager les femmes/hommes victimes d’abus, à venir de l’avant pour dénoncer leurs agresseurs. En général, les victimes de violence domestique, pendant plusieurs années, n’ont jamais eu le courage de le faire. Il faut changer cette mentalité de souffrir en silence. La violence verbale fait partie du quotidien de bon nombre de femmes et d’hommes. La sensibilisation est essentielle et il y a toute une éducation à faire et à refaire. En rendant les lois plus sévères, on pourrait décourager la violence domestique mais je pense qu’en parallèle, il faudrait aussi travailler sur le changement des mentalités mauriciennes.
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Family Support Bureau
Le ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille a six bureaux régionaux appelés ‘Family Support Bureau’. La hotline 119 est opérationnelle 24 heures sur 24 pour les problèmes familiaux. Il y a aussi la 139, dédiée à la violence domestique. Dépendant des cas, les victimes peuvent préserver leur anonymat lors des appels effectués sur ses numéros. Il y a huit ‘Police Family Protection Units’, composées de policières pour intervenir dans des cas de violence domestique.
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