L’ambassadeur de Chine à Maurice, répond aux questions portant sur les aspects diplomatiques et économiques, ainsi que sur la position de Maurice dans les tensions géopolitiques entre grandes puissances mondiales.
Publicité
Qu’est-ce qui peut expliquer le ralentissement, qui s’est traduit notamment par le projet Jin Fei, au niveau de la coopération entre Maurice et la Chine ?
Il n’y a pas de ralentissement. Nous avons lancé plusieurs projets avec Maurice et nous envisageons d’autres initiatives. Chaque année, nous accueillons en Chine entre 300 et 400 personnes pour des études et des formations. Il est vrai que le projet Jin Fei a connu des retards, en particulier en raison de la pandémie. Aujourd’hui, des questions se posent quant à l’adaptabilité du projet au pays. J’encourage toutes les parties à engager une discussion commune afin de donner une nouvelle orientation à ce projet. Jin Fei est bien positionné pour permettre à Maurice de jouer un rôle clé en tant que plaque tournante en Afrique.
L’année dernière, vous aviez laissé entendre que la Chine avait été blessée après l’éclatement de l’affaire de « sniffing » à Maurice et et par la manière dont les autorités mauriciennes l’avaient présentée. Quel est votre sentiment aujourd’hui ?
Dans son histoire, la Chine a connu plusieurs moments de douleur depuis 1840, notamment lors de la guerre d’Orient. Cependant, la Chine demeure sereine et déterminée face aux divers défis, démontrant qu’une voie alternative de développement est possible et tangible. Il existe une mentalité hystérique chez de nombreux Occidentaux qui tend à associer la Chine à chaque problème.
En ce qui concerne l’affaire que vous évoquez, il était suggéré que Huawei représentait une menace pour la sécurité nationale. Mais de quelle sécurité nationale parle-t-on ? Présentez-moi des preuves concrètes ! Aucune preuve n’a été avancée depuis des années concernant les allégations formulées à l’encontre de Huawei. En revanche, il est clairement établi que ce sont les États-Unis qui espionnent le monde entier. Cependant, les États-Unis n’ont pas réussi à rattraper le niveau de développement technologique de Huawei.
La Chine souhaite partager ses avancées technologiques avec Maurice. Nous accordons une importance particulière à Maurice. Le premier centre culturel ouvert par la Chine, il y a 35 ans, était situé à Maurice. Au niveau des relations sino-africaines, Maurice est le seul pays à bénéficier d’un accord de libre-échange avec la Chine.
Il existe une mentalité hystérique chez de nombreux Occidentaux qui tend à associer la Chine à chaque problème."
Le nombre de touristes chinois ayant visité Maurice est passé de 73 085 en 2015 à 20 535 en 2019. Comment faire pour qu’ils reviennent ?
La reprise des vols directs entre les deux destinations est cruciale pour faire revenir le touriste chinois à Maurice après la pandémie. Le constat est que les touristes chinois ne viennent pas en masse à Maurice depuis la réouverture des frontières chinoises.
En raison de sa position géographique, Maurice se trouve à la convergence de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe. Toutes les grandes puissances mondiales ont un intérêt pour cette zone d’influence. Comment la Chine perçoit-elle la position de Maurice dans ce contexte ?
Est-ce que d’autres pays ont l’ambition de contrôler cette région ? C’est à eux de l’exprimer ! La Chine concentre ses efforts sur le développement intérieur afin d’améliorer la qualité de vie de son peuple. Notre objectif est de voir notre pays se développer et prospérer, car la Chine a longtemps souffert de la pauvreté et de l’instabilité. Il est faux de prétendre que la Chine a l’intention de conquérir le monde. Protéger notre propre territoire est déjà un défi difficile, et il est encore plus complexe de s’aventurer dans l’océan Indien à la recherche de domination. Les relations diplomatiques entre Maurice et la Chine remontent à 51 ans. Notre volonté est de développer une coopération basée sur l’égalité, la transparence et le respect mutuel. L’objectif est que d’autres pays, y compris Maurice, se développent parallèlement à la croissance économique de la Chine. La philosophie de la Chine vise à créer un monde harmonieux.
Le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a récemment effectué une visite officielle en Chine. C’est une première depuis 5 ans. Comment qualifieriez-vous les relations entre la Chine et les États-Unis ?
Les relations entre la Chine et les États-Unis sont actuellement très tendues, ce qui est regrettable pour le monde entier, étant donné qu’il s’agit de deux puissances mondiales. Cette situation pose problème à de nombreux pays qui ont du mal à choisir leur position. Cette récente visite montre que les États-Unis cherchent à gérer les risques de manière appropriée. La Chine affirme aux États-Unis qu’il est essentiel d’avoir un minimum de respect dans les relations entre les deux pays. La question de Taïwan, qui suscite des divergences, ne peut être comparée à celle de l’Ukraine. Il n’y a pas d’invasion chinoise à Taïwan, et nous préconisons une solution pacifique à ce différend.
La Russie et la Chine ambitionnent de mettre fin à l’hégémonie du dollar sur le marché mondial. Le yuan a-t-il cette capacité et doit-on s’attendre à ce que les paiements entre Maurice et la Chine se fassent en yuan dans un avenir proche ?
Nous avons fait un grand pas en avant avec Maurice. La Banque de Maurice et la Bank of China ont établi une banque de compensation en yuan l’an dernier. L’objectif est de faciliter les échanges entre les deux pays à travers le yuan. La Chine effectue des transactions via le yuan avec de plus en plus de pays. Le dollar est la monnaie numéro un, mais il ne faut pas qu’il soit instrumentalisé comme moyen de sanction ou pour des objectifs égoïstes. Le monde est tellement diversifié et le développement de la Chine ne se fait pas au détriment des autres. Nous pensons que toutes les devises ont leur place.
Est-ce que la présence indienne dans l’océan Indien inquiète la Chine ?
Maurice entretient des liens historiques et culturels très étroits avec l’Inde. L’Inde joue également un rôle important dans d’autres pays de la région. La Chine n’est pas concernée par la question d’Agaléga, qui relève des affaires entre Maurice et l’Inde. Nous ne sommes pas inquiets quant aux progrès de l’Inde dans l’océan Indien. Chaque pays fait son travail et il n’y a pas de concurrence géopolitique à mes yeux. Maurice entretient de bonnes relations tant avec l’Inde qu’avec la Chine. La priorité du gouvernement mauricien est de développer ses relations avec ces deux pays. Nos deux nations travaillent en étroite collaboration sur le plan politique et défendent ensemble nos intérêts fondamentaux.
Visite de Liying Zhu dans les locaux du Défi Media Group
L’ambassadeur de Chine à Maurice a effectué une visite dans les locaux du Défi Media Group à Port-Louis le 28 juin. C’est avec une présentation effectuée par quelques responsables de cluster du Défi Media Group que la visite de l’ambassadeur de Chine à Maurice a démarré. Durant un peu plus de 50 minutes, Liying Zhu a également répondu aux questions de quelques membres du groupe, dont des responsables de différentes rédactions et des journalistes. Celles-ci étaient notamment axées sur la coopération sino-mauricienne, la relation diplomatique entre les deux pays et des questions d’actualité. Présent à Maurice depuis un peu moins de deux ans, Liying Zhu affirme que le constat le plus frappant dans le pays est la sécurité et la stabilité. « Ce sont des choses de plus en plus rares dans des pays développés. À Maurice, on peut se promener librement et tranquillement. » Avant de prendre ses fonctions à Maurice, Liying Zhu travaillait en tant qu’ambassadeur de Chine au Mali. Les diplomates chinois qui opèrent dans ce pays d’Afrique, explique-t-il, ont droit à des véhicules blindés et des gardes du corps.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !