Les familles mauriciennes doivent payer davantage pour les leçons particulières en 2017. Selon Statistics Mauritius, celles-ci coûtent 4,9 % plus cher. Impuissantes, les familles n’ont pas le choix, ce qui fait le bonheur de certains enseignants.
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À Rose-Hill, un enseignant de mathématiques loue une petite salle où presque tous les jours et chaque samedi, il donne des leçons à Rs 500 l’heure. Dans l’Est, un de ses confrères, prof de chimie dans un collège d’État, a aménagé un petit laboratoire dans sa maison, destiné aux leçons de chimie. Coût des cours : quelque Rs 1 000. Cette pratique est connue de nombreux collégiens de Centre-de-Flacq, et personne n’y trouve à redire. « Il faut dire que le laboratoire du collège manque d’appareils et de cours pratiques, c’est pour cela que l’enseignant a trouvé nécessaire d’accommoder un labo pour les cours pratiques de chimie », explique une fille dont la sœur suit ces cours.
Est-ce que les leçons sont devenues un passage obligé pour tous les collégiens à partir de la Form 1V ? Est-il vrai qu’il a été démontré qu’elles leur apportaient un complément indispensable pour leur réussite aux examens. Zahia, ex-élève d’un collège privé de Curepipe, explique : « J’ai pris des leçons parce que je sentais que le même enseignant en classe, durant la journée, était plus proche durant les leçons qu’il donnait en fin d’après-midi. Je le voyais plus explicite, plus disposé à nous expliquer, alors qu’au collège, il restait vague, ne se souciant pas si nous avions compris ses cours ». Avec ses deux frères eux-aussi ‘abonnés’ aux leçons particulières, elle concède que le budget des leçons a coûté une ‘petite fortune’ à son père, le seul à nourrir la famille.
Recalée en deux occasions
La fille de Somnath, ex-collégienne d’un collège d’État de Plaines Wilhems, a été recalée en deux occasions aux examens du SC. « Je n’avais pas les moyens pour lui payer des leçons particulières. Il m’aurait fallu trouver Rs 2 000 en moyenne chaque mois, mais mon salaire était insuffisant, d’autant plus que mon épouse ne travaille pas. Résultat : elle a dû quitter le collège. Elle a commencé à travailler pour financer les frais d’un stage de formation », explique le père, un quadra de Rose-Hill.
Mais, tous les enseignants ne saignent pas à blanc les parents de leurs élèves. Les explications dont font valoir certains pour justifier les leçons qu’ils donnent, ont trait aux conditions qui prévalent dans les classes où ils travaillent : le nombre d’élèves dans une classe, l’exiguïté de celle-ci, l’absence de climatisation. Toutefois, tous s’accordent sur un point : la recherche d’un certain niveau chez les élèves qu’ils acceptent de prendre en leçons. « Ni le niveau social ou le collège ne compte, indique un enseignant de mathématiques. Ce n’est qu’après un ou deux mois, après une évaluation, que je parviens à connaître le niveau de chacun de mes élèves. Même si quelques-uns sont moyens, je ne les renvoie pas, c’est à eux de se hisser. Je ne leur demande pas un sou de plus », explique une enseignante de mathématiques, qui fait ressortir que depuis trois ans, ses frais sont restés à Rs 400.
Déterminantes dans la réussite
Que valent véritablement les leçons particulières ? Sont-elles déterminantes dans la réussite ou l’échec d’un collégien ? L’exemple de Somnath, cité plus haut, réponde à ces questions. Une ex-collégienne d’un établissement d’État de l’Est explique : « Il arrive souvent que des enseignants qui dispensent des leçons ne donnent pas le meilleur d’eux-mêmes durant les classes au collège. Ils gardent certains items pour les leçons qu’ils offrent. Ainsi, les collégiens qui ne prennent pas de leçons sont pénalisés. » Cette pratique est tellement répandue qu’elle en arrive à faire ressentir un sentiment d’exclusion aux élèves d’une même classe, mais qui ne prennent pas de leçons d’un enseignant de cette classe.
« Il arrive que dans une même classe, certains élèves sont en avance sur le programme, tout simplement parce que durant les leçons particulières, l’enseignant qui leur donne des leçons leur a appris certains items du programme. Lorsque certains élèves disent qu’ils ont réussi à un test ou à l’examen parce qu’ils ont pris des leçons auprès d’un certain enseignant, on a un sentiment de culpabilité, de raté et d’exclusion », explique une adolescente en Form 1V dans un collège privé de Rose-Hill.
Les leçons sont l’expression la plus visible de la perversion de notre système éducatif, dont aucun ministre de l’Education ne veut abolir. Considérées en amont et en aval, elles sont devenues une sorte d’école parallèle, car elles existent dans toutes les matières et sont offertes tous les jours. Leurs frais sont constitués de la rémunération de l’enseignant, mais aussi des matériaux scolaires, dont il faut se garder de mélanger avec ceux des cours au collège. L’aspect financier est le plus important, car il permet aux parents d’offrir un maximum de leçons à leurs enfants, aussi nombreux soient-ils. Pour les enseignants qui, en fausse pudeur, font ressortir qu’ils ne font partie que d’un système établi longtemps, les leçons particulières sont toutes bénefiques, car elles ne sont pas interdites et les revenus qu’elles génèrent ne sont pas imposables, aucune registre officiel n’existant ne permet leur traçabilité.
Dès lors, on peut comprendre comment l’élitisme se reproduit dans notre système éducatif, grâce à un savant mélange de capital social et la complicité passive du corps enseignant.
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