Le travail avant l’indépendance : quand les employés de l’époque racontent leur parcours

Auguste Follet, Potaya Kuppan, Hassam Khodabux et Elsie Luchmun. Auguste Follet, Potaya Kuppan, Hassam Khodabux et Elsie Luchmun.

Il ne fait aucun doute que  la vie des travailleurs s’est grandement améliorée à Maurice après un demi-siècle d’indépendance. Outre le fait d'être mieux rémunérés, leurs droits sont aussi protégés à travers des institutions qui ont été mises en place.

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Comment vivaient les travailleurs à l’époque de l’indépendance ? Des anciens qui avaient la trentaine en 1968 sont unanimes à dire que la vie était difficile.

Ancien syndicaliste, Auguste Follet a 38 ans quand Maurice accède à l’indépendance le 12 mars 1968. Il est alors artisan dans l’industrie sucrière. « La vie n’était pas facile. Un artisan touchait à l’époque Rs 175 par mois.  Les conditions de travail étaient très difficiles.  Nous n'étions pas des permanents peu importe nos années de service »,  dit-il.

C’est en 1972, soit quatre ans après l’indépendance, qu’après une longue lutte de l’Organisation Unité Artisans (OUA), menée alors par Alex Rima, que le salaire des artisans passera à Rs 550 par mois.

En 1973, sur des recommandations d’un comité présidé par  sir Harold Walter, les artisans seront employés sur une base permanente après deux années de service.

Pas mieux lotis

Les laboureurs de l’industrie sucrière n’étaient pas mieux lotis. Potaya Kuppan, ancien président de la Sugar Industry Labourers Union (Silu), la vingtaine à l’époque de l’indépendance, se souvient qu’un laboureur touchait Rs 3,50 par jour. Pendant la coupe, on lui payait 25 sous par tonne de canne coupée. « Pour subvenir à leurs besoins en légumes, des travailleurs entretenaient un petit potager dans leur cour ou élevaient des animaux –vaches, boucs et cabris », dit-il.  

Il nous parle de ses parents qui habitaient Chemin-Grenier et qui quittaient la maison chaque matin à 4 heures pour se rendre à pied à Bel-Ombre pour travailler. Ils rentraient dans l’après-midi avec un fagot d’herbe sur la tête pour nourrir les vaches. Grâce à leurs économies, ils ont pu acheter 12 perches de terrain à Rs 125 et qui fait toujours partie du patrimoine des Kuppan à Chemin-Grenier.

L’esprit de partage disparaît peu à peu de nos jours»

À une certaine époque, Potaya était marchand de pains. En 1968, un pain  maison coûtait 5 sous, se rappelle-t-il. Autre fait marquant, explique-t-il, à l’époque, la grosse majorité des travailleurs ne possédaient pas de téléviseur. Dans l’après-midi, ils se réunissaient sous un arbre pour jouer aux dominos ou à d’autres jeux de société alors que d’autres prenaient un verre dans la taverne du coin.  « Certes, la vie était difficile mais nous étions plus ou moins heureux », dit-il.

Potaya Kuppan avance que c’est à travers une longue lutte syndicale menée notamment par la General Workers Federation (GWF) que les conditions de vie des travailleurs se sont améliorées. Au front de la lutte syndicale, il  a aussi  connu la prison.  

Ayant côtoyé  la misère avant l’indépendance,  Elsie Luchmun, 80 ans, trouve que les Mauriciens sont mille fois mieux lotis sous l’indépendance. Orpheline de père, dès son plus jeune âge, elle a vu sa mère se cambrer sous le poids du travail pour soigner ses huit enfants. « Le matin, elle travaillait comme bonne à tout faire au HMS Mauritius et le soir comme baby-sitter. » Ses frères aînés ont quitté tôt l’école pour travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Elle se souvient qu’elle ne recevait que  deux sous pour aller à l’école. Le plus souvent, elle se contentait que de son pain avec un peu de margarine.

Caissière

En 1965, Elsie trouve de l’emploi comme caissière chez Caustat, un marchand-tailleur à Curepipe pour un salaire mensuel de Rs 250 et 50 sous quotidiennement comme allocation de transport. Par la suite, elle travaillera comme réceptionniste sur la propriété de Highlands avant de prendre de l’emploi chez Mikado où elle allait terminer sa carrière. « L’indépendance a grandement contribué au bien-être des Mauriciens », dit-elle. Aujourd’hui, plusieurs membres de la famille Luchmun ont émigré en Angleterre.

Propriétaire d’une boutique à Vacoas, Hassam Khodabux, aujourd’hui âgé de 81 ans, a broyé du noir avant l’indépendance.  Il explique que la misère l’a poussé à quitter l’école après la sixième pour trouver de l’emploi dans  une boutique pour Rs 25 par mois. Peu de temps avant l’indépendance, alors âgé d’une trentaine d’années, il trouver de l’emploi dans une autre boutique pour un salaire de Rs 75 par mois.

Société matérialiste

Marié et père de deux enfants, il devait se débrouiller avec ces Rs 75 pour payer le loyer et subvenir aux besoins de sa famille. Heureusement, dit-il, que sa maman qui vivait sous son toit, contribuait aux dépenses familiales avec sa pension de vieillesse de Rs 15. Grâce à ses économies, il a ouvert une boutique, en 1973 soit cinq ans après l’indépendance et il y est toujours.

Pour Hassam, il ne fait pas de doute que la vie des Mauriciens s’est grandement améliorée sous l’indépendance. « Aujourd’hui, les gens consomment de la viande ou du poulet au moins trois fois par semaine », dit-il. Toutefois, il regrette que la société mauricienne soit devenue trop matérialiste. «  Bien qu’on vivait dans la misère avant l’indépendance, on avait aussi l’esprit de partage. Ce qui disparaît peu à peu de nos jours », dit-il.

 

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