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Le style Pravind Jugnauth sous la loupe

Pravind Jugnauth

Quelques proches collaborateurs du Premier ministre racontent sa façon de travailler depuis qu’il a accédé au poste suprême.

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Pravind Jugnauth a-t-il changé son approche et sa façon de travailler depuis qu’il est devenu Premier ministre ? Le Défi Quotidien a approché quelques-uns de ses proches collaborateurs de divers secteurs, à savoir un collègue ministre, un conseiller et son Constituency Clerk, pour tenter de répondre à la question. Il en ressort que le leader du Mouvement socialiste militant a tenu à maintenir un contact régulier avec sa base électorale de la circonscription No 8.

On rencontrerait difficilement quelqu’un de plus enthousiaste que Sanjay Karria, Constituency Clerk de Pravind Jugnauth, dès qu’on mentionne le nom de ce dernier. On voit son large sourire lorsqu’il exulte : « Je suis fier ! Je suis content qu’il ait fait sa première année. Déjà, il a fait mieux que son père ! » La présence du chef du gouvernement sur le terrain pendant le passage de la forte dépression Berguitta l’aura, par exemple, enchanté. Sa présence continue dans sa circonscription, aux mariages et aux funérailles, contribuerait à le rendre populaire.

Au-delà des exubérances de fans, Sanjay Karria livre quelques secrets de la méthode Pravind Jugnauth : « Nous travaillons tous en équipe autour de lui, les conseillers et autres, le travail d’équipe est important. » Pravind Jugnauth n’est donc pas allergique aux points de vue de ses collaborateurs. « Il n’a pas changé, il ne garde pas ses distances et a la même considération pour tout le monde », note Sanjay Karria.

Yogida Sawmynaden, colistier de Pravind Jugnauth et ministre des TCI, explique que le PM sait aussi laisser travailler ses collaborateurs. « Pravind Jugnauth a tout le temps travaillé en équipe, déclare-t-il, il accorde énormément de latitude à ses collaborateurs. Il peut donner des directives générales, mais ce qui lui importe, c’est que le travail soit bien fait. » Du moment que les résultats sont là, Pravind Jugnauth serait donc un chef de gouvernement qui accorde la liberté requise à ses collègues.

Un des nouveaux noms qui figurent parmi les collaborateurs du Premier ministre, Ken Arian, responsable de la communication, résume la personnalité de Pravind Jugnauth en une série de termes : « Les qualificatifs « bosseur », « ferme » et « courtois » viennent à l’esprit. » Il décrit un chef de gouvernement sur ses pieds jusqu’à fort tard chaque jour, enchaînant les rendez-vous, les sessions de travail, les visites de courtoisie, les sorties publiques…

« Un autre élément que j’ai remarqué, c’est qu’il va au fond des choses, ajoute Ken Arian. « Il lit toujours tout ce qui figure dans ses dossiers et il pose des questions pour pouvoir prendre une décision. » Des questions qui ont une perspective à long terme. « Sur le cyclone, par exemple, il y a les décisions immédiates qu’il faut prendre, mais à côté, il songe aux décisions qui concernent l’avenir », indique le conseiller. Il faudrait donc, si on se fie aux propos de Ken Arian, s’attendre à des décisions majeures à ce niveau.


 

Les faits saillants

Une passation des pouvoirs minée par Roshi Bhadain

Alors que la date du 23 janvier était censée mettre uniquement Pravind Jugnauth en lumière, Roshi Bhadain joue les trouble-fête. Celui qui avait été choisi par Pravind Jugnauth pour occuper le poste de ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance manque à l’appel lors de la prestation de serment du premier gouvernement de Pravind Jugnauth. Roshi Bhadain annonce qu’il a décidé de refuser de faire partie du nouveau Cabinet car les conditions de cet exercice de passation des pouvoirs entre sir Anerood Jugnauth et Pravind Jugnauth ne correspondent pas, selon lui, aux normes de la bonne gouvernance.

Pravind Jugnauth renforce sa majorité

Les tractations qui ont précédé l’exercice de passation des pouvoirs ont par la suite mené au débauchage de pas moins de cinq députés provenant d’autres formations politiques. Marie Claire Monty et Alain Wong quittent le navire du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) pour prêter main forte à Pravind Jugnauth. Alain Wong se voit même offrir le poste de ministre de l’Intégration sociale. Par la suite, Zouberr Joomaye, Joe Lesjongard et Raffick Sorefan leur emboîtent le pas. Ces débauchages ont certes été vivement critiqués par l’opposition en accusant le Mouvement socialiste militant (MSM) d’encourager le transfugisme, mais cela a tout de même permis à Pravind Jugnauth de diriger plus confortablement.

Ces élus de la majorité qui ont embarrassé le gouvernement

Cette première année de Pravind Jugnauth aux commandes a aussi beaucoup rimé avec des séries de controverses entourant les ministres et députés du MSM et du Muvman Liberater (ML). C’est le député du ML, Ravi Rutnah qui a été un des premiers à s’illustrer en traitant une journaliste de «femel lisien» lors d’un congrès du ML à Trèfles. Le public et l’ensemble de l’opposition montent au créneau pour réclamer la tête du député. Loin d’être insensible aux propos insultants de son député, Pravind Jugnauth le condamne lui aussi publiquement en direct sur les ondes de Radio Plus. Ravi Rutnah ne sera cependant pas sanctionné. Puis l’Attorney General, Ravi Yerrigadoo, a embarrassé le gouvernement.

Cité dans une affaire de paris et de blanchiment d’argent, il est contraint à la démission, après consultation avec Pravind Jugnauth. Toujours durant ce même mois de septembre 2017, Kalyan Tarolah qui s’était montré très discret depuis décembre 2014, sort subitement de l’ombre dans le cadre d’une affaire de sextos adressés de l’enceinte même de l’Assemblée nationale alors en pleine séance. Il se voit éjecté de son fauteuil de Parliamentary Private Secretary à la veille de la rentrée parlementaire. C’est par la suite le No 4 du gouvernement, Showkutally Soodhun, qui embarrassera à son tour la majorité gouvernementale. Une bande sonore enregistrée lors d’une réunion tenue au ministère du Logement et des Terres fait état de propos discriminatoires et insultants à l’égard d’une composante de la société mauricienne tenus par cet occupant du Front Bench gouvernemental.

Le scandale suscite l’indignation générale, y compris celle de des dignitaires religieux. Face à la pression populaire, Pravind Jugnauth lui montre la porte de sortie du Conseil des ministres. L’inconditionnel du Sun Trust Building et président du MSM est relégué au rang de simple backbencher.

Une femme au Front bench

Après la Présidence et le poste de Speaker, une autre femme monte en grade au sein de l’État. Fazila Daureeawoo est appelée à remplacer Showkutally Soodhun au rang de vice-Premier ministre et accède au Front Bench.

Les mesures sociales

L’introduction du salaire minimal, la Negative Income Tax, une compensation salariale de Rs 360. Une chose est sûre, Pravind Jugnauth n’a pas ménagé ses efforts pour venir en aide aux plus démunis. À travers la Negative Income Tax, il incombe à l’État d’allouer une subvention à ceux dont le salaire de base ne dépasse pas les Rs 9 900. Cette mesure coûtera Rs 1,3 milliard à l’État annuellement.

Les contestations judiciaires

Outre les contestations en cour contre la passation de pouvoirs entre sir Anerood et Pravind Jugnauth, ce dernier continue de traîner l’affaire MedPoint. Le Directeur des poursuites publiques a, en effet, obtenu l’autorisation de la Cour suprême pour contester devant le comité judiciaire du Conseil privé l’acquittement de Pravind Jugnauth prononcé en appel devant la Cour suprême. L’actuel Premier ministre et ministre des Finances avait précédemment été condamné par la cour intermédiaire pour conflit d’intérêts dans le cadre de l’acquisition, par l’État, de la clinique MedPoint.

Élection partielle : Le MSM joue aux abonnés absents

La non participation du MSM à l’élection partielle du No 18 (Belle-Rose/Quatre-Bornes), le 17 décembre, est à double sens pour le parti Soleil et Pravind Jugnauth. Si les défaites du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) et du Mouvement militant mauricien (MMM) ont certes été applaudies par le MSM, il n’en reste pas moins que la victoire d’Arvin Boolell a permis au Parti travailliste de reprendre du poil de la bête et de positionner comme un adversaire de taille pour le parti Soleil.


Pierre Dinan : «Les problèmes d’éthique qu’il a eu à résoudre sont des poids lourds»

Que retenez-vous de cette première année de Pravind Jugnauth comme Premier ministre ?
Je vois une continuité dans l’action du gouvernement. Il a eu ses problèmes, mais en gros, disons qu’au niveau de la politique économique, celle qui m’intéresse davantage, ce que je retiens de ces derniers mois, c’est son budget. Il y a eu la Negative Income Tax, par exemple. C’est une décision qu’on peut associer à ce gouvernement, ainsi que le salaire minimal. Voilà deux événements. Reste à voir quelles en seront les conséquences.

Dans le passé, l’économie a été reléguée au second plan au profit des petites affaires du jour. Est-ce que cela a encore été le cas durant cette dernière année ?
On n’a pas beaucoup entendu Pravind Jugnauth, ministre des Finances. Je continue à craindre que ce soit encore le cas. Je garde notamment un regret: il m’a semblé, ces derniers mois, qu’il y a eu un cafouillage autour de l’économie bleue. Je me rappelle, cela ne m’avait pas fait plaisir, d’une grande réunion qui devait avoir lieu avec des représentants de la Banque mondiale. Ce jour-là, un des ministres importants n’était pas à Maurice, la réunion n’a pas eu lieu. Il a fallu attendre quelques semaines en plus. C’est dommage. On parle depuis des années de l’économie bleue, à juste titre, avec nos 2,3 millions de kilomètres carrés de ressources que nous ne savons exploiter. C’est cela aussi la continuité.

Pensez-vous que la création de l’Economic Development Board pourra changer cela ?
C’est un point valable. Mais il faudra un peu de temps pour sa réalisation. Reste à voir comment cette institution va fonctionner. Le point positif, plus général, que je retiens de tout cela, c’est qu’il ne cesse de dire il faut rationaliser les institutions, il y en a trop. S’il poursuit, je crois que c’est une bonne chose, à condition que les institutions amalgamées soient efficaces. L’autre chose positive, c’est que le Social Register qui permet de mieux cerner qui sont les pauvres, est en train d’être utilisé à bon escient. Ça va dans le sens de l’aide ciblée, même s’ils ne le diront pas eux. Par contre, on a annoncé un High Powered Committee sur les pensions. On n’en entend plus parler. Où en est-on ? Il s’agit d’un gros problème pour l’avenir. On va de plus en plus augmenter nos dépenses. J’ai tout de même une petite sympathie pour Pravind Jugnauth, car dans un gouvernement précédent, celui de 2000-2005, il a essayé de cibler. Depuis, il ne touche plus à ce sujet.

Êtes-vous d’accord avec ceux qui disent que Pravind Jugnauth est surtout handicapé par l’équipe qui l’entoure ?
C’est l’équipe B ou C, pas l’équipe A, s’il faut faire une analogie avec le football. Oui, c’est l’impression qui se dégage. Les problèmes d’ordre éthique qu’il a eu à résoudre, certes, il n’est pas le responsable, mais ce sont des poids lourds qu’il doit traîner avec lui, qui l’empêchent de donner une attention plus prononcée aux vrais problèmes du jour. Nous avons vu en fin d’année deux rapports en novembre, un de la Banque mondiale, l’autre du Fonds monétaire international. Ils ont largement été passés sous silence. Ces rapports parlent des défis et des dysfonctionnements. Ils montrent les problèmes que nous avons devant nous et qu’il nous revient de régler. Tout est là : il faut s’y mettre.

 

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