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Kulwantsingh Sreepaul : «La Commission Vérité et Justice est le combat de ma vie»

Kulwantsingh Sreepaul Kulwantsingh Sreepaul veut accomplir une mission historique.

Un homme de combats et d’engagement. À 65 ans, Kulwantsingh Sreepaul ne cesse de scruter la société mauricienne. Le but : comprendre ses avancées et ses faiblesses. Défenseur de la cause des métayers, dont la survie est menacée par l’abolition des quotas sucriers, l’engagement qui a cependant mobilisé toutes ses forces reste sa participation à la Commission Vérité et Justice. « C’est une grande cause, une spécificité mauricienne qui mérite d’avoir un retentissement mondial ».

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De l’allure altière, rehaussée par une tignasse blanche qu’il redresse avec un geste élégant, Kulwantsingh aurait dû terminer sa carrière comme un grand commis de l’État. Cela, s’il n’était pas né dans une famille nombreuse, où souvent, on choisissait de stopper les promesses d’un parcours éducatif par faute de moyens. « Aux examens de sixième, j’avais obtenu trois distinctions et un crédit. À l’époque, un tel résultat aurait dû me conduire loin dans les études secondaires, mais, j’ai atterri à la poste, jusqu'à la retraite », explique-t-il avec un petit sourire.

À Chemin-Grenier, où il réside, les Sreepaul font figure de notables, sans doute à cause d’un bien foncier qui s’étendait sur 40 arpents, mais qui a filé entre leurs mains pour atterrir chez les barons sucriers du Sud. Ce qui, des décennies plus tard, le poussera à témoigner devant la Commission Vérité et Justice. « Mais, il nous manquait des pièces justificatives pour démontrer cette spoliation. Toutefois, mon implication dans la commission m’a sensibilisé à la même tragédie vécue par les descendants d’esclaves, qui ont perdu les terres qui appartenaient à leurs ancêtres, mais qu’ils ont perdues parce qu’ils leur manquaient les moyens pour le prouver. En ce sens, la Commission Vérité et Justice a accompli un grand pas vers la justice, mais le combat reste inachevé », dit-il.

Ce combat-là reste celui de toute sa vie, lui donnant la dimension d’une quête pour la vérité. Si bien qu’il va en parler jusqu’au temple de la culture française, l’Institut Français de Maurice, à Rose-Hill, qui organise une activité sur la diaspora indienne. « Je voulais, à tout prix, expliquer aux personnes qui étaient là comment des travailleurs engagés et des descendants d’esclaves ont été spoliés parce que la justice était entre les mains des barons sucriers. Mon père, lui-même, est décédé d’une hémorragie cérébrale à force d’attendre que justice nous soit rendue. »

Laboureurs et artisans

Mais les travaux de la Commission ne resteront pas vains. Grâce au soutien bénévole de l’ex-ministre des Terres, Kishore Deerpalsing, qui négocie avec les sucreries de Bel-Ombre et de St Félix, des laboureurs et artisans, au nombre de 250, arracheront à celles-ci des concessions, dont des terres à La Fleche et à St Félix. « J’ai participé à des recherches pour obtenir des documents, cela me passionnait. J’avais le sentiment d’accomplir une mission historique pour rétablir la vérité, la justice », se souvient-il encore, avant d’ajouter : « Il faut mobiliser toutes les forces et trouver les moyens pour mettre en œuvre les propositions des commissaires, dont le Land Tribunal. »

Si le sort des métayers figure, aujourd’hui, en tête de ses combats, c’est qu’il entrevoit un avenir sombre pour eux, à cause de la fin des quotas qui ont longtemps favorisé le sucre mauricien. « À ce jour, les sucriers ne se soucient que de leur avenir, explique Kulwantsingh Sreepaul, qui préside l’Association des Metayers Sud. Même la Maison des Planteurs, qui a pour mission d’informer les métayers, ne fait rien, c’est une officine qui fonctionne au ralenti. »

Observateur de la scène politique mauricienne, il déplore qu’au nom de la partisannerie, des professionnels aux talents rares sont exclus de certains secteurs où leurs connaissances sont recherchées. « Je pense à cet ingénieur agronome, qui a été viré au nom de la petite politique, il est sans emploi alors que le pays a besoin de ses compétences dans le domaine agricole, à un moment où l’industrie sucrière est à un tournant historique », dit-il. Pour notre interlocuteur, si Maurice veut affronter avec succès les défis économiques et sociaux, qui peuvent aboutir à des crises, s’ils ne sont pas maîtrisés, il faut faire appel aux compétences d’où qu’elles viennent. « Nous avons les ressources humaines nécessaires et nous avons toujours su affronter les défis majeurs. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’écarter les compétences mauriciennes de la vie active du pays à cause des divergences politiques », ajoute-t-il.

 

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