La Journée de l’Afrique, célébrée ce vendredi 25 mai, commémore la signature, à Addis-Abeba, en Éthiopie, de l’acte constitutif de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en 1963, qui deviendra l’Union africaine (UA) en 2002. « La Journée de l’Afrique vise à rapprocher les peuples africains, consolider leur foi en l’intégration et populariser l’idéal d’union du continent », explique Alain Laridon, ancien ambassadeur mauricien (2005-2012) au Mozambique, Tanzanie et Zambie, et basé à Maputo.
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«Au lendemain de l’indépendance du Zimbabwe (en 1980), Maurice avait délégué des enseignants dans des écoles de ce pays pour enseigner l’anglais. On se souvient de ces enseignants au Zimbabwe », rappelle Alain Laridon, soulignant les liens étroits, historiques et fraternels que Maurice a tissés avec l’Afrique. « Ils sont toujours reconnaissants envers le pays, mais Maurice n’est pas suffisamment présent en Afrique pour bâtir sur ces liens, alors que depuis ces 10 dernières années, les grandes puissances économiques, la Chine et l’Inde en tête, ont commencé à investir massivement sur le continent », indique-t-il.
Le continent africain, ce sont 54 États sur une superficie de plus de 30 millions de kilomètres carrés et plus d’un milliard d’habitants, soit 16 % de la population mondiale. Des chiffres sur lesquels se penchent hommes d’affaires et sociétés transnationales à la recherche de marchés et matières premières. Ce berceau de l’humanité regorge de ressources naturelles et humaines susceptibles d’être transformées en richesse réelle au bénéfice de sa population. Hélas, l’Afrique ressemble aussi à ce verre que certains voient à moitié vide, et d’autres, à moitié plein, car l’endettement de certains États reste très lourd pour leurs peuples, faute d’un développement économique harmonieux. Ajoutées à cela, la préoccupante pénurie d’eau potable et ses conséquences sur la santé de la population.
Concernant la pandémie du VIH-Sida, le Continent noir présente le plus fort taux de séropositivité au monde. Pourtant, il existe bien une Afrique qui bouge et dont les images ne sont pas souvent montrées dans les médias, notamment en Europe.
« …Croissance inclusive »
Dans son rapport intitulé « L’Afrique dans 50 ans - vers une croissance inclusive », la Banque africaine de développement (BAD), qu examine les perspectives socioéconomiques des pays africains pour les 50 années à venir jusqu’à l’horizon 2060, arrive à ce premier constat : « Au cours des 10 dernières années, en dépit des crises alimentaires et financières mondiales successives, l’Afrique a enregistré un taux de croissance sans précédent. S’il est vrai qu’il faudra encore des décennies d’expansion pour faire des progrès notables dans la lutte contre la pauvreté, les potentialités que recèle ce continent suscitent un regain d’optimisme. » Maurice est-il informé de ces potentialités ? Veut-il être un partenaire de développement de l’Afrique, dans une win-win situation et loin du regard douteux qu’inspirent chez certains observateurs africains les grandes manœuvres chinoises sur la terre africaine ?
« Préjugés hérités du colonialisme »
« Nous avons encore des préjugés hérités du colonialisme à l’égard des Africains. C’est un obstacle qui ne nous permet pas de les traiter d’égal à égal », observait Rajiv Servansing, directeur de MindAfrica, dans une interview accordée au Défi-Quotidien. Alain Laridon ajoute : « Nous nourrissons un complexe de supériorité vis-à-vis de l’homme noir en général ». Dans son bureau dans une capitale africaine, où il est responsable de communication pour une société de financement, le Mauricien Vidur Ramdin nuance : « Au départ, c’était difficile de travailler dans ce pays, pour des raisons culturelles, mais j’ai fini par m’y habituer. Je ne recherche plus les mêmes facilités que j’avais à Maurice, ni le shopping ou le style de vie. Mais force est de reconnaître qu’il m’est difficile de me fondre dans la vie quotidienne des habitants ici, c’est pourquoi, je vis dans le quartier des étrangers. »
Professionnelle dans le domaine des ressources humaines, Jessyka Joyekurun a, elle aussi, éprouvé des obstacles avant de nouer des relations de confiance avec des entrepreneurs africains. Elle met de l’avant le regard méfiant de certains Africains envers les personnes de type asiatique. « Je comprends leur sentiment de méfiance, car ils ont vécu la colonisation, mais il y a aussi un regard négatif sur la femme entrepreneure qui, heureusement, change petit à petit », confiait-elle au supplément économie du Défi Quotidien.
« L’Afrique Noire est mal partie »
Cinquante-trois ans après la publication de l’ouvrage «L’Afrique Noire est mal partie », le nombre de préoccupations que son auteur, l’agronome René Dumont, considérait comme un handicap majeur au développement du continent, reste d’actualité : l’Afrique piétine et a l’air de n’avoir pas encore trouvé ses repères. Le continent est miné de l’intérieur par des conflits armés, des guerres civiles et ethniques, souvent instrumentalisées de l’extérieur, avec tout ce que cela comporte comme violations des droits humains et prédations des ressources naturelles. La République démocratique du Congo en est un exemple.
Face aux afro-pessimistes, se dresse un argumentaire qui donne espoir : les forts taux de croissance enregistrés ces dernières années, une population jeune et mieux formée, d’immenses ressources naturelles, des entrepreneurs qui croient au destin africain, des professionnels qui travaillent et vivent dans leurs pays. Le politologue Isidore Kwandja Ngembo se veut réaliste : « Les Africains doivent éviter de tomber dans le fatalisme, le pessimisme et la résignation. Ils doivent avoir la conviction qu’il est possible de procurer de l’avenir aux milliers de jeunes aujourd’hui abandonnés à leur sort. Ces jeunes ont manifesté au « Printemps arabe », au mouvement « Y’en a marre » au Sénégal, au « Balai citoyen » au Burkina Faso ou le « Filimbi » en République démocratique du Congo. Ces manifestations illustrent le degré de frustrations des jeunes Africains qui osent défier les régimes en place, quand d’autres affrontent la mort en embarquant à bord de bateaux de fortune à la recherche d’une « vie meilleure » en Occident.»
Continent des possibilités
Alain Laridon affirme que l’Afrique a sorti la tête de l’eau et se présente aujourd’hui comme un continent de toutes les possibilités. « Depuis plus de 20 ans, des groupes industriels et des entrepreneurs mauriciens ont acheté des terres à Maromeu, grâce aux accords conclus entre Maurice et le Mozambique. Depuis, d’autres possibilités de coopération existent au sein de la SaDC et du Comesa. Ces organisations ont dégagé des avenues de coopération, mais les Mauriciens restent peu présents en Afrique. Ce qui explique leur méconnaissance des réalités du continent qui n’est pas un bloc monolithique. Grâce à notre bilinguisme, le niveau de formation des Mauriciens dans les secteurs bancaires, financiers, informatiques et touristiques, et l’image de réussite économique que projette Maurice, ces citoyens jouissent d’une image meilleure que tout autre étranger. Ces atouts, il faut les mettre en avant en Afrique.»
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