Interview

Joël Le Bon, Professeur de Marketing à l’Université de Houston : «L’île Maurice peut relever le défi du digital»

La vente devient plus que jamais digitale et les métiers commerciaux offrent des opportunités importantes à ceux qui sauront s’adapter à cette transformation. Dans l’interview qui suit, Joël Le Bon, Ph.D., Professeur de Marketing à l’Université de Houston, consultant international, et Mauricien né à Moka, explique les enjeux de la vente de demain.

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Vous avez organisé la Conférence Annuelle du GSSI, le Global Sales Science Institute, à Maurice début juin. Comment avez-vous pu réunir un tel sommet avec une soixantaine de professeurs de 16 pays différents à Maurice ?
Nous tenons notre congrès annuel dans un pays différent tous les ans pour échanger sur l’état des recherches et enseignements en vente, ce dans une perspective internationale. Il y a deux ans, lors de notre congrès au Japon, le Board du GSSI m’a demandé si je voulais bien organiser avec une collègue de l’Université de Baylor, Andrea Dixon, le congrès de 2017 dans mon pays natal, Maurice. J’ai, bien sûr, immédiatement accepté. Le GSSI souhaitait aussi s’ouvrir au continent africain et mieux comprendre le leadership de Maurice dans la région.

C’est pour cette raison que j’ai aussi souhaité la participation d’experts mauriciens à notre congrès. Les interventions de Philippe Espitalier-Noel (Rogers), Allan Brelu-Brelu (Nestlé), Richard Arlove (ABAX), Kris Poonoosamy (CMT), également sponsors de la conférence, ou encore de Youvraj Seeam (Air Mauritius) ont non seulement impressionné les congressistes, mais également démontré le dynamisme de Maurice dans la région dans des secteurs clés tels que le tourisme, l’alimentaire et la nutrition, les services financiers, le textile, ou encore l’aérien.

Par ailleurs, la présidente de la République, le Dr. Ameenah Gurib-Fakim, était le Guest of Honor du dîner de gala de la conférence, au cours duquel elle a prononcé un discours visionnaire et inspirant sur le rôle des chercheurs, professeurs et entrepreneurs pour le continent africain et les générations futures. Je tiens également à mentionner le rôle important des educational sponsors de la conférence, la Sales Education Foundation et BIC, ainsi que l’Hôtel Paradis pour leur accueil, professionnalisme et leur contribution essentielle aux moments mémorables que les congressistes garderont de Maurice.

Quel est l’intérêt de Maurice pour la transformation digitale des forces de vente ?
Le Budget 2017-2018 fait référence à la nécessité de passer à l’économie digitale durant les prochaines années. Maurice a toujours été au rendez-vous des phases de transition importantes de son histoire. Le pays a non seulement réussi à appréhender, mais également à accompagner les bouleversements économiques et sociaux clés de son développement.

De la canne à sucre, qui remonte à l’ère pré-indépendance, au textile, en passant par le tourisme, l’immobilier, ou encore les services financiers, il faut saluer la capacité du pays à envisager son développement économique et renouveler sa capacité d’innovation radicale et pérenne. Mais depuis ces dernières années, Maurice, tout comme de nombreux pays développés, est confrontée au défi du digital. Je suis profondément convaincu que Maurice peut réussir ce pari en appréhendant et en investissant dans trois domaines, le ‘mindset’, le ‘skill set’ et le ‘tech set’.

Le ‘mindset’ représente la culture qui doit évoluer rapidement vers l’acceptation du digital comme partie prenante du développement commercial des entreprises, ce au-delà de Facebook ou de Snapchat, qui font déjà partie de la vie privée. Le ‘skill set’ fait référence aux compétences clés à développer dans le domaine du digital pour justement accompagner cette transition avec une implication forte de l’enseignement supérieur, mais aussi des entreprises elles-mêmes en matière de développement professionnel de leurs employés.

Enfin, le ‘tech set’ concerne les technologies et plateformes à utiliser pour faciliter le développement commercial. Par exemple, il y a 10 ans, seulement une douzaine de logiciels étaient disponibles pour assister le vendeur dans sa mission commerciale. Aujourd’hui, on a dépassé les 500. Mais combien de ces logiciels les entreprises utilisent-elles réellement pour automatiser, augmenter et assister leurs forces de vente ? Le ‘tech set’ représente des gains d’efficacité et de productivité énormes pour le vendeur d’aujourd’hui, ce pour le bénéfice de leur propre entreprise. Cela passe notamment par l’utilisation de plateformes telles que Salesforce.com ou LinkedIn à des fins de collaboration, de prospection commerciale et de gestion de la relation client.

En fait, grâce aux nouvelles technologies, les forces de vente sont en train de passer de l’Outside Sale (prospection et vente sur le terrain via les réseaux de transport physique), à l’Inside Sale (prospection et vente digitale via les réseaux sociaux et digitaux) dont la progression a dépassé celle de l’Outside Sale. Par exemple, plus de 500 millions de professionnels sont sur LinkedIn. La probabilité que les clients d’une entreprise y soient est donc extrêmement forte.

Mais certains opérateurs dans le commerce insistent sur la nécessité des rencontres physiques pour que le commerce soit sain et repose sur la confiance ?
C’est une condition qui n’est plus nécessaire, ni suffisante. Je veux parler des rencontres physiques, bien sûr, car pour la confiance, cela reste une condition plus que nécessaire bien évidemment, mais elle peut se construire et s’établir aussi de manière digitale.

De toute façon, les clients convergent radicalement vers une interaction de plus en plus digitale avec leurs fournisseurs, donc s’ils ne vous trouvent pas, vous ne pourrez leur apporter de la valeur.

Ce qui est dommage si vous avez une valeur différenciante sur le marché. Et le vendeur a un rôle essentiel et croissant pour construire son Digital Personal Brand pour faire partie de l’univers de référence du client. D’ailleurs, LinkedIn vous permet de construire et de connaître votre Social Selling Index (SSI), qui traduit votre capacité à utiliser et profiter de leur plateforme digitale pour votre développement commercial. Celui-ci dépend notamment de votre capacité à développer votre réseau de relations commerciales avec du contenu pertinent.

Ce vendeur-là serait-il le salarié le plus cher de son entreprise ?
En tout cas, la sélection, le recrutement, la formation et la rétention des vendeurs est sans nul doute l’un des postes de coûts le plus important des entreprises. D’où la nécessité d’en améliorer l’efficacité et le retour sur investissement. Et les vendeurs de talent doivent être rémunérés en fonction de leurs compétences, car ils sont à la base du chiffre d’affaires de leur entreprise.

De fait, le vendeur de demain ne saurait plus être le VRP qui va se servir des arguments de marketing classique, qui relèvent plus de la présentation. Le vendeur digital est plus dans l’écoute et la mise en valeur du client que de sa propre personne, qui lui permettent d’apporter des solutions recherchées par le client, et comprises en tant que telles par le vendeur. Une partie importante de son approche consiste d’ailleurs à suivre les clients sur les réseaux sociaux pour mieux appréhender leurs domaines d’intérêt au travers de ce qu’ils ‘like’, ‘comment’, ‘share’ et ‘post’. Ce que l’on appelle le Social Listening.

 

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