Société

Jeunes détenus: quand la réhabilitation est mise à l’index

Comment réhabiliter les jeunes détenus ? Selon certains anciens pensionnaires des centres de détention et de réhabilitation, ces institutions ne rempliraient pas leur rôle. Pour les travailleurs sociaux, le système doit être revu. Aux autorités de proposer une alternative, afin que ces jeunes ne sombrent pas davantage dans la délinquance. «RYC inn fer mwa vinn pli move. » C’est ce qu’a fait ressortir en substance Camille. Aujourd’hui âgée de 23 ans, la jeune femme n’a pas eu une adolescence facile. Issue d’une famille brisée et ayant des problèmes de comportement, elle a été envoyée au Rehabilitation Youth Centre (RYC) pour filles à deux reprises. La première fois, elle y est restée pendant 15 jours, la deuxième, six mois. « À chaque fois que je me disais que mes parents ont permis que je sois placée au RYC, cela me perturbait davantage. J’avais de la haine pour tout le monde. » Camille dénonce l’environnement au RYC qui n’arrangeait en rien les choses, ce qui la rendait plus violente. Selon la jeune femme, les officiers ne savaient pas parler aux jeunes pensionnaires. Mais ce qui l’a le plus marquée pendant son séjour, c’est l’environnement dans lequel elle vivait. « À 18 heures, les portes des chambres sont verrouillées. On nous donne un pot de chambre pour faire nos besoins. Parfois, quand on est malade, on vient ouvrir, mais souvent, il est trop tard. »

Du RYC à la prison pour adultes

La jeune pensionnaire du RYC est parvenue à se reprendre en main et a fini par se marier. D’autres anciens détenus du centre correctionnel n’ont malheureusement pas eu le même parcours. À l’instar de cet homme qui a passé ces trois dernières décennies sur les sentiers de la perdition. Dominique Chan Low, coordinateur au sein de l’association Kinouété, a rencontré ce dernier au cours de ses visites à la prison. Il nous raconte son histoire. Cet homme est aujourd’hui âgé d’une soixantaine d’années. À sa naissance, il est abandonné par sa mère. Après cinq années en crèche, il est envoyé dans un shelter. Commencent alors ses problèmes de comportement. Il est transféré dans un autre abri. À l’âge de 15 ans, il atterrit dans un centre de réhabilitation, où il passera les trois prochaines années de sa vie.  « Sa réhabilitation et sa réinsertion ne se sont pas passées comme prévues. À 18 ans, en sortant du RYC, il n’a ni famille ni endroit où aller. Il commet un premier délit et atterrit dans une prison pour adultes. Là, il commence à se droguer. Il en ressort quelque temps après et commet cette fois un meurtre. Il passera 40 ans en prison », poursuit Dominique Chan Low. Tout cela aurait pu être évité, selon le travailleur social. « Juste avant de sortir de prison, il m’a dit qu’il n’était pas prêt à affronter la société. Li pa konn lavi an deor baro. Il ignorait comment prendre l’autobus. Il n’a jamais connu ses parents biologiques. » La réhabilitation des mineurs, c’est le débat qu’a soulevé le bureau de l’Ombudsperson for Children après une enquête réalisée dans les centres de détention pour mineurs la semaine écoulée. Les conditions de vie aux RYC et Correctional Youth Centres (CYC) ont été sévèrement critiquées par la directrice Rita Venkatasawmy. La nouvelle Ombudsperson for Children soutient que les droits fondamentaux de ces enfants doivent être respectés.

Autre son de cloche

Toutefois, à l’inauguration du CYC pour filles, le mercredi 27 avril, les avis étaient tout autres. Marie, qui vit au RYC depuis sept ans, estime que cet encadrement lui est nécessaire pour ne pas sombrer. Elle dit n’avoir rien à reprocher aux officiers de l’établissement, la vie au centre n’étant pas si dure que cela. Le matin, des préposées à la cuisine préparent le thé pour les filles. Après le petit-déjeuner, les pensionnaires se douchent, suivent quelques heures de cours et peuvent ensuite vaquer à leurs occupations. « Avant j’étais très agressive. Je ne pouvais m’exprimer correctement. Les officiers m’ont appris à me respecter et à m’aimer. » Chaque année, une centaine de jeunes délinquants sont concernés par les services de réhabilitation à Maurice (voir tableau). [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16412","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-27712","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"1452","alt":"Tableau"}}]]
 
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Profil des détenus mineurs

Les jeunes qui atterrissent au centre de correction n’ont pas obtenu l’encadrement familial nécessaire pour faire la différence entre le bien et le mal. Le psychologue Vijay Ramanjooloo évoque les différentes raisons de ce mal-être. Selon lui, il s’agit le plus souvent de mineurs issus de familles brisées, où tout le système familial est fragilisé. Cela peut être en raison de la mort ou du remariage d’un parent, ou du divorce des parents, soutient le psychologue. En outre, si l’enfant ne s’entend pas avec le beau-père ou la belle-mère, cela peut aggraver la situation. De plus, la crise de l’adolescence peut créer un véritable cocktail explosif, ajoute notre interlocuteur. C’est ce qui provoquerait les troubles du comportement chez ces adolescents. « C’est ce type d’enfant qui, généralement, va fuguer, ne va pas rentrer à la maison à l’heure et aura un comportement inacceptable en société », souligne Vijay Ramanjooloo. Il fait aussi ressortir que ces agissements ne sont que des appels à détresse car ces adolescents souffrent beaucoup. [row custom_class=""][/row]  
 
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Un centre correctionnel pour filles

L’inauguration d’un Correctional Youth Centre pour filles représente un pas vers une meilleure réhabilitation, selon Fazila Daureeawoo, ministre de la Sécurité sociale et des institutions réformatrices. Elle est d’avis qu’il faudrait séparer les jeunes délinquants de ceux qui ont un souci par rapport à l’autorité. Pour Fazila Daureeawoo, cela permettra un meilleur suivi. « Les filles qui ont seulement un problème de comportement, qu’on appelle Children Beyond Control, et celles qui ont commis des délits plus graves étaient dans un seul bâtiment au RYC. Nous nous sommes rendu compte qu’il était grand temps de les séparer. Le fait d’être ensemble était mauvais pour leur réhabilitation », souligne la ministre. [row custom_class=""][/row]    
 

Les obstacles

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[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16418","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-27720","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"500","height":"500","alt":"Me Herv\u00e9 Lass\u00e9millante"}}]] Me Hervé Lassémillante

[row custom_class=""][/row] « En pareilles circonstances, toute tentative de réhabilitation serait vaine », a fait ressortir Rita Venkatasawmy, le 21 avril dernier. Elle présentait à la presse les premières retombées d’une enquête menée par son bureau au sein des RYC et CYC du pays.  Le rapport indique que ces jeunes détenus n’ont pas accès aux toilettes la nuit et vivent dans des chambres qui ressemblent à des cellules. De plus, les toilettes sont souvent hors d’usage. Les enquêteurs ont souligné l’insalubrité dans laquelle vivent les pensionnaires. Un manque de loisirs et d’activités sportives a également été relevé. De plus, l’Ombudsperson for Children regrette que ces mineurs soient privés d’une éducation de qualité. Rita Venkatasawmy affirme que ces enfants vivent en permanence avec un sentiment de frustration qui pourrait expliquer leur comportement agressif. Elle est rejointe dans ses propos par Me Hervé Lassémillante, vice-président de la Commission des droits humains. Il dit bien connaître l’environnement dans lequel vivent les pensionnaires des RYC et des CYC. Il fustige avant tout le bâtiment qui abrite les jeunes détenus. Un lieu, dit-il, à l’atmosphère négative, insalubre et désagréable. Il cite à titre d’exemple celui du RYC Girls et martèle que cet endroit n’aurait jamais dû être choisi pour ces filles qu’on y envoie pour être réhabilitées.  Autre problématique soulevée par le vice-président de la Commission des droits humains : la confusion qui existe entre les officiers pénitentiaires et ceux du ministère de la Sécurité sociale. Confusion qui a même été soulevée par Jaganadand Rungadoo,  commissaire des prisons par intérim. Pour  Me Hervé Lassémillante, cette situation fait obstacle à la réhabilitation de ces jeunes.  « Ces centres représentent souvent un terrain de confrontation entre autorités pénitentiaires, officiers du ministère de la Sécurité sociale et pensionnaires. Il est clair que dans un tel climat, la réhabilitation ne peut avoir lieu. Nous ne rejetons la faute ni sur le gouvernement ni sur les officiers. C’est le système que nous dénonçons », précise Hervé Lassémillante. Le manque d’expertise des officiers qui travaillent dans ces centres de détention pour mineurs a aussi retenu son attention. Le personnel a une tâche difficile et a besoin d’un encadrement psychologique, estime-t-il. Travailler avec ces filles nécessite de l’expertise. C’est ce qui manque chez ces officiers, souligne-t-il. « Si un système a échoué, il faut le remplacer », conclut Me Hervé Lassémillante.
 
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Éducateurs de rue

Sam Lauthan a cru en la réhabilitation et la réinsertion des jeunes détenues au sein de la société. Quand il était ministre de la Sécurité sociale de 2001 à 2005, ces centres de détention sont passés sous sa tutelle et il avait même fait recruter des travailleurs sociaux pour suivre les enfants des rues. « Quand j’ai examiné les dossiers, je me suis rendu compte que les ex-pensionnaires des RYC et CYC finissent dans les prisons pour adultes une fois qu’ils deviennent majeurs. » Essayant d’y remédier, Sam Lauthan a décidé de mettre en place le projet des éducateurs de rue. Ces derniers auraient la responsabilité de mener un travail de terrain auprès de ces jeunes, de les sensibiliser afin de prévenir tout problème de comportement. Le travailleur social regrette que ce projet ne soit pas allé plus loin. [row custom_class=""][/row]    

Accompagnement individuel

Un accompagnement individuel. C’est ce que préconise Edley Maurer de l’organisation Safire. Cet accompagnement peut voir la participation des parents ou d’autres personnes qui font partie de l’entourage du jeune. Il peut aussi être fait en collaboration avec des psychologues ou tout autre médecin qui pourrait être impliqué dans la réhabilitation du jeune. « Notre objectif, c’est de réinsérer ce jeune au sein de la société. C’est-à-dire qu’il trouve un travail, fonde une famille, soit honnête et responsable. » Pour Rita Venkatasawmy, les Small Therapeutic Units peuvent aussi aider. Ces unités comprennent un accompagnement individualisé qui regroupe des jeunes ayant les mêmes problèmes et les mêmes comportements. Un ciblage qui permettra aux officiers ou toute autre partie prenante de mieux suivre ces jeunes et de leur donner l’attention dont ils ont besoin. L’Ombudsperson for Children estime aussi que l’accent doit être mis sur les délits les plus souvent recensés chez les jeunes, comme le vol, les agressions et la possession de drogue.

Une voie royale... vers la prison

Les travailleurs sociaux et les experts dans ce domaine accusent le système actuel de faillir à son devoir : celui de réhabiliter les jeunes délinquants. Ils dénoncent l’absence de procédures pour la réhabilitation de ces jeunes et le fait que les autorités se concentrent sur la répression. Souvent, les jeunes qui quittent les RYC et les CYC se retrouvent impliqués dans des délits majeurs et vont en prison. C’est aussi ce qu’avance Sam Lauthan, ancien ministre.

 
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