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Hossen et Sameer meurent à 24 ans d’intervalle en prison : le sort funeste des frères Jugurnauth

• Naz, 70 ans, leur mère : « Sameer ti mo lame drwat »

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Elle pensait qu’ils passeraient le Ramadan ensemble, comme chaque fois. Mais cette année, c’est sans son fils Sameer que Naz Jugurnauth, 70 ans, traversera cette période. Ce dernier, âgé de 49 ans, a perdu la vie, le 4 mars, alors qu’il était incarcéré à la New Wing de la prison de Beau-Bassin (NdlR, réservé aux suspects en détention provisoire), dans le cadre d’une affaire de vol (voir plus loin). L’autopsie réalisée par le Dr Chamane a attribué le décès à une hémorragie intracrânienne. 

C’est le second fils que perd la septuagénaire, après Hossen, décédé lui aussi en prison, dans des circonstances troubles, en 2000. Il était alors âgé de 26 ans (voir encadré).

Chez les Jugurnauth, à Le Hochet, Terre-Rouge, la vie semble s’être figée. Naz jugurnauth, mère de quatre enfants, trois fils et une fille, peine à accepter la disparition subite de ce fils qui était, selon elle, « mo lame drwat ». La septuagénaire confie : « Zame li ti les mwa fer nanye, limem fer tou louvraz e bwi mo dite kan li sort namaz fajar. »

Cette mère éplorée est catégorique : son fils n’a jamais été impliqué dans l’affaire de vol pour laquelle il a été incarcéré : « Mo mintenir zame mo garson Sameer finn al kokin. » D’ailleurs, affirme-t-elle, il était avec elle, chez eux à Le Hochet, au moment où le vol aurait été commis, soit le 21 février dernier, entre 3 heures et 5 h 25 du matin.

C’est un ingénieur informatique résidant à Le Hochet, Terre-Rouge, qui a porté plainte pour vol. Selon lui, plusieurs objets de valeur ont été dérobés à son domicile, notamment des bijoux en or, une montre Tissot, une Smart Watch Huawei et une tirelire remplie de pièces, pour une valeur totale de Rs 376 000. Dans sa plainte, il avait dit soupçonner Sameer Jugurnauth, qui habitait la même rue, d’être l’auteur du vol. La police n’a constaté aucune effraction au domicile de l’ingénieur.

Sameer Jugurnauth est arrêté le 22 février par la CID de Terre-Rouge. Shirin, la sœur de Sameer Jugurnauth, nous livre avec émotion le dernier souvenir qu’elle conserve de lui. Le vendredi 1er mars, sa mère et elle s’étaient rendues au tribunal de Pamplemousses à 9 heures du matin. Ce n’est qu’à 11 h 30 que la police a emmené Sameer au tribunal. Le magistrat, raconte-t-elle, est arrivé vers 13 h30. « Ce jour-là, Sameer m’a serrée fort dans ses bras, comme s’il avait un pressentiment de ce qui allait arriver. Bann polisie mem ti pe riye. Mo dir Sameer ‘fer so, to pe may mwa’ », confie-t-elle. 

La dernière image qu’elle a de son frère vivant, c’est quand la police l’a emmené dans le fameux van bleu surnommé « kamion lisien » parmi les détenus et la police. « Plus jamais je ne pourrai être près de mon frère », dit-elle, le cœur gros. « J’ai perdu deux frères en prison. Ce sont leurs cadavres que les autorités nous ont rendus. Pour nous, c’est vraiment difficile », murmure Shirin avec une profonde tristesse.

Sameer Jugurnauth était considéré comme un homme sans histoire dans la localité. Cet ancien peintre professionnel a fait une chute sur son lieu de travail, il y a quelques années, se fracturant la jambe. Après une intervention chirurgicale, il portait des vis. C’est alors qu’il avait commencé à vendre de petits articles de luxe en tant que marchand ambulant. 

En 2021, sa compagne est décédée après avoir lutté contre une longue maladie. Le couple n’avait pas eu d’enfants. Aujourd’hui, le quadragénaire laisse derrière lui sa mère Naz, ainsi que sœur Shirin, et des petits neveux et nièces.


Un détenu passe aux aveux 

Une reconstitution des faits, supervisée par le CI Moorghen (voir encadré), a eu lieu le 4 mars dernier à la New Wing de la prison de Beau-Bassin. Le détenu Visham Parsaramudu a admis avoir frappé Sameer Jugurnauth pendant que ce dernier était allongé sur un matelas. Par la suite, Varun Gangoo, un policier détenu pour un cas d’importation de drogue, lui aurait asséné plusieurs coups de pied. La tête du quadragénaire a heurté violemment le sol. Les deux suspects auraient agi ainsi à cause des perturbations causées par Sameer Jugurnauth depuis son arrivée au centre pénitentiaire, selon les premiers éléments de l’enquête.


Chronologie des faits

  • 22 février : Arrestation de Sameer Jugurnauth par la CID de Terre-Rouge. Il est placé en cellule policière pendant une semaine.
  • 1er mars : Il est traduit en cour de Pamplemousses, où il obtient la liberté contre une caution de Rs 25 000. Ses proches ne disposant pas de cette somme, il est transféré à la New Wing.
  • 2 mars : Il est sauvagement agressé par deux détenus qui se trouvaient dans la même cellule. 
  • 3 mars : Le corps nu de Sameer Jugurnauth est découvert inanimé et portant des blessures dans sa cellule. Il est conduit à l’hôpital Jawaharlal Nehru, Rose-Belle, pour y recevoir des soins. 
  • 4 mars : Vers 23 h 30, il succombe à ses blessures. 
     

Zones d’ombre autour de la mort de Hossen Jugurnauth en 2000 

Le 18 février 2000, Hossen Khaleel Jugurnauth, âgé de 26 ans, trouve la mort à la prison centrale de Beau-Bassin. Il purgeait une peine de six mois pour une affaire de vol, après avoir été condamné en 1999. Il ne lui restait que trois semaines d’incarcération avant de retrouver la liberté, le 11 mars 2000. 

Mais c’est son cadavre qui a été remis à la famille. C’est à ce moment-là que les proches ont constaté la présence de plusieurs traces de blessures, et « disan kaye » sur différentes parties de son corps. À l’époque, Nooran, un autre frère de la victime, avait déclaré : « Ti ena mark bate e disan kaye. »

La famille avait déploré le fait que ce n’était que bien après son décès qu’elle en a été informée. À ce jour, les zones d’ombre subsistent quant aux circonstances de sa mort. 


Le CI Rajesh Moorghen à la rescousse

Le mardi 5 mars, à la suite de la mort suspecte de Sameer Jugurnauth, un inspecteur de police se rend à la prison de Beau-Bassin pour enquêter. Il se heurte à un mur, les six hommes en détention provisoire refusant de coopérer. C’est alors que le chef inspecteur (CI) Rajesh Moorghen, fort de ses 34 années de service, décide de mettre son expertise à contribution pour obtenir des réponses des détenus. Effectivement, ces derniers finissent par se confier à lui, et il parvient à obtenir des informations sur les circonstances de l’agression dont a été victime Sameer Jugurnauth. Il parvient même à faire avouer son agresseur. Un rapport d’enquête préliminaire complet est ensuite transmis à la Major Crime Investigation Team pour qu’elle prenne le relais.

Le CI Rajesh Moorghen compte plusieurs cas résolus à son actif, dont le meurtre de Barthélemy Azie à Rodrigues, survenu 14 ans auparavant. Ce jeune de 17 ans avait été violemment agressé devant la boutique de son père, son corps retrouvé caché sous un tas de feuilles à Bois-d’Oiseaux.

Son expertise s’est également manifestée à l’échelle internationale lorsqu’il a appréhendé un suspect recherché pour un meurtre commis en 2004 en Angleterre. Sailesh Doomun, un Mauricien, était accusé du meurtre de sa petite amie tchèque, qu’il avait décapitée, et il avait dissimulé son corps dans un garage à Londres. Après avoir initialement fui en Italie avec un faux passeport, Sailesh Doomun avait fini par être arrêté par Rajesh Moorghen et son équipe du Central Criminal Investigation Department dans une maison de jeux à Quatre-Bornes.

En collaboration avec les autorités de Scotland Yard, le chef inspecteur avait réussi à faire extrader le suspect.
Le CI Rajesh Moorghen s’est également illustré, le dimanche 24 décembre 2023 à Côte-d’Or. Ce matin-là, une femme âgée de 29 ans, mère d’un nourrisson de trois mois, était sur le point de commettre l’irréparable. Le CI Rajesh Moorghen, qui faisait du vélo dans les environs, est intervenu à temps.

 

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