Des études supérieures gratuites, une réalité à Maurice depuis l’annonce du Premier Ministre en janvier dernier. Ouf de soulagement pour de nombreux parents et étudiants. Mais quel impact sur ces universités publiques ? Tour d’horizon.
Après sept ans, elle a décidé de reprendre ses études. Stacy V., mère de famille de 27 ans, s’est longtemps demandé si elle recommencerait un jour à apprendre. Si, après avoir quitté le collège, elle s’était dit qu’elle irait à l’université, elle s’est vite retrouvée emprisonnée dans le monde du travail, car ses parents n’avaient pas les moyens de lui payer des études tertiaires. Elle a eu besoin de travailler. « Je me suis alors dit que je travaillerais pour ramasser de l’argent et faire des études. Sauf qu’en travaillant, on travaille encore plus, on commence à dépenser et finalement, on s’habitue à ce train-train quotidien. »
Elle avoue cependant avoir ressenti un pincement au cœur en voyant ses anciens camarades de classes obtenir leurs diplômes. « à chaque fois que je voyais des photos sur les réseaux sociaux, je me disais que ça aurait pu être moi. Et puis, j’ai commencé à avoir des complexes et finalement, je me suis éloignée de toutes ces personnes qui me demandaient si j’avais fait des études à l’université. » Entre-temps, Stacy est devenue mère. Elle a aujourd’hui un petit garçon de deux ans. La mesure annoncée par le Premier ministre a créé un déclic dans sa tête.
Rappelez-vous, Pravind Jugnauth avait créé la surprise lors de son message du Nouvel an, en annonçant la gratuité des études tertiaires dans les universités publiques.
Stacy se dit alors qu’elle n’a plus de prétextes. « Pour uniquement Rs 4 000 par semestre, donc Rs 8 000 par année, je peux aujourd’hui obtenir une licence. Il est vrai que j’ai mis en avant beaucoup de prétextes au début, mais c’est différent pour les moyens financiers. Quand on reçoit Rs 9 500 par mois et qu’on a un enfant et des frais mensuels, ce n’est pas facile de payer Rs 50 000 pour des études à temps partiel. Je me suis donc décidée à me lancer, car pour moi, c’est comme un cadeau qu’on m’a offert. » Elle s’est donc enregistrée à l’Open University, il y a quelques semaines, et est ravie de pouvoir poursuivre ses études.
Comme elle, ils sont nombreux à s’être décidés à renouer avec les études, d’autant plus que des cours en ligne et des études à temps partiel sont désormais à la portée de tous.
Pour Abdool Faizal H., fonctionnaire et père de cinq enfants, c’est un véritable soulagement également : « J’ai deux enfants à l’université et il me fallait trouver Rs 90 000 et Rs 50 000 chaque année pour eux. Je suis content de pouvoir investir dans d’autres domaines pour leur bien-être. D’ailleurs, je pense que je vais moi aussi m’y inscrire. Cela me coûtera Rs 16 000 pour deux années. Alors, pourquoi pas ? »
Si, au début, il y a eu certaines confusions au sujet de cette mesure, aujourd’hui il semblerait que tout est bien compris. Certaines universités, pour des raisons d’infrastructure, n’ont malheureusement pas pu accueillir plus d’étudiants, tandis que d’autres ont fait des provisions pour répondre à la demande. L’inquiétude porte cependant désormais sur la qualité des cours. Les responsables des universités se montrent rassurants. Donnons-leur à tous la chance de faire leurs preuves…
De 1 000 à 1 800 inscriptions à l’Open University of Mauritius
Si, l’année dernière, l’Open University avait accueilli un millier d’étudiants, la direction avait prévu, après la mesure annoncée par le Premier Ministre, une hausse de 50 % au niveau des inscriptions. La réalité dépasse les attentes, selon le Dr Kaviraj Sharma Sukon, directeur général de l’Open University of Mauritius. Et il en est ravi : « Si on compare Maurice à Singapour, eux aussi comptent beaucoup sur leurs ressources humaines. Je suis convaincu qu’avoir plus de gradués entraînera plus d’investissements dans le pays. Je suis content de voir cet intérêt des Mauriciens pour les études supérieures. Nous avons eu tellement de demandes que, pour certains cours, nous avons dû demander aux personnes d’attendre janvier pour les inscriptions. Comme nous avons deux inscriptions par année, ils n’attendent pas trop longtemps. »
Un plus grand nombre d’élèves signifie également divers changements. « Depuis 6 mois, nous travaillons sur de nouvelles dispositions pour accueillir plus d’élèves. Il a fallu plus de classes, plus de chargés de cours. Il y a un recrutement continu à ce niveau et nous continuons à faire de notre mieux pour donner une éducation de qualité et former les professionnels. » Il demande cependant aux étudiants d’être très sérieux. « Certains peuvent avoir tendance à banaliser les cours, parce que c’est gratuit. Ce n’est pas du tout l’attitude à adopter. »
Dr Radhakhrishna Somanah : « 25 % des parents peinaient à payer les frais »
Augmentation de 50 % des étudiants également au niveau de l’Université des Mascareignes, selon le Dr Radhakrishna Somanah, Directeur général de l’établissement. « Aujourd’hui, toutes les classes de l’université sont remplies et cela fait plaisir de voir que beaucoup de parents ont encouragé leurs enfants à faire des études supérieures. Pendant ces trois années à l’université, j’ai été témoin de la difficulté de nombreux parents à régler les frais d’université. Malgré les facilités de paiement, au moins 25% des parents n’arrivaient pas à honorer les paiements. Aujourd’hui tous les enfants ont une chance égale ».
Il ajoute que l’Université des Mascareignes prévoit un nouveau campus à Bel Air. « Il sera doté d’un laboratoire de recherche et nous offrirons bientôt de nouveaux cours tels que le Master en Intelligence artificielle et Robotique ».
Université de Maurice : même ordre de grandeur
À l’université de Maurice (UoM), le Prof. Dhanjay Jhurry, vice-chancelier, affirme que le nombre d’étudiants pour la rentrée académique 2019 est de 2 887 (Undergraduates et Postgraduates).
Il soutient que « le nombre d’étudiants pour la rentrée académique 2018 était du même ordre de grandeur, soit environ 2 900. Ceci s’explique par le fait que l’UoM ne peut pas augmenter la capacité de ses infrastructures et aussi par le fait que le nombre d’Undergraduate Programmes a été revu à la baisse pour développer davantage de Postgraduates, où le nombre d’étudiants est bien inférieur ».
Le vice-chancelier qualifie cette mesure de positive. Il souligne que « cette mesure permet à tous ceux qui ont de bons résultats d’envisager des études supérieures et de ne pas être bloqués par des problèmes financiers. Cela permettra aussi, à terme, d’augmenter notre Tertiary Enrollment rate, capital pour développer une économie innovante ».
L’UoM offre six nouveaux cours d’Undergraduate programmes et 11 nouveaux Postgraduate programmes. Les détails sur les nouveaux cours sont disponibles sur le site web www.uom.ac.mu.
MIE : cours de perfectionnement
Le Mauritius Institute of Education (MIE) propose des cours professionnels. Ce sont des cours de perfectionnement en éducation allant jusqu’au doctorat. Situé au Réduit, il s’engage également dans le développement professionnel continu par le biais d’une formation ciblée sur la mise en œuvre du programme d’études. La formation s’adresse aussi aux responsables travaillant avec les enfants à besoins éducatifs spéciaux. Le MIE utilise aussi la technologie en ligne pour dispenser ses cours.
L’inscription au Mauritius Institute of Education était déjà gratuite. Le MIE ne suit pas le calendrier de l’université. Quant aux cours, ils ont débuté au mois de juillet.
Les critères...
La gratuité des études supérieures concernent uniquement les universités publiques.
Il y a en 10 à Maurice, dont l’université de Maurice, l’Open University of Mauritius, l’université des Mascareignes, l’université de Technologie de Maurice (UTM), le Mauritius Institute of Education, le Mahatma Gandhi Institute, le Mauritius Institute of Training and Development, le Mauritius Institute of Health et le Fashion and Design Institute.
La gratuité concerne les cours, qui étaient autrefois payants. Cependant, l’étudiant doit s’enquérir des frais administratifs, qui commence à partir de Rs 3 250 par semestre. Cependant, en cas d’échec, la gratuité ne s’applique plus.
En ce qui concerne les critères d’éligibilité, la gratuité s’applique uniquement à ceux qui ne sont pas diplômés. Ils peuvent s’inscrire soit pour un diplôme, soit pour une licence.
MITD : panoplie de cours professionnels
Le Mauritius Institute of Training and Development (MITD) offre une panoplie de cours menant à une formation professionnelle. Ils sont à plein temps ou à temps partiel.
Tous les cours offerts sont gratuits, à l’exception des frais administratifs.
Karmaraj Nosib, directeur par intérim de l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval (EHSGD), nous confie que le Diploma in Tourism Management, qui est l’équivalent d’un BTS Tourisme en France, est maintenant accessible à Rs 3 250. En terme d’admis, l’administration a enregistré 62 étudiants cette année, contre 48 l’année dernière.
Le National Diploma in Hospitality Management a enregistré 76 étudiants, contre 64 l’année dernière. D’une durée de trois ans, les cours sont offerts en partenariat avec la Pearson Education, d’Angleterre. Concernant les cours à temps partiel, il sont disponibles à Rs 7 500, contre Rs 25 000 avant la réforme. Ce cours est destiné à ceux qui ont déjà une expérience professionnelle et qui sont à la recherche d’un diplôme.
Le National Certificate 4, formation des superviseurs dans l’hôtellerie dans divers domaines comme la cuisine, la pâtisserie, le house keeping et le tourisme, est également disponible à Rs 3 250. Il faut savoir que les cours de National Certificate 4 et 5 sont aussi offerts dans d’autres domaines comme la technologie, l’ingénierie méchanique & électrique, l’ingénierie civile, l’automation et les télécommunications. Ils ne sont plus payants.
Le MITD offre également aux détenteurs d’un School Certificate (SC) le National Apprenticeship Programme (NAP). Ces cours mènent au niveau du National Certificate level 3, National Certificate level 4, National Certificate level 5, et Brevet de technicien dans diverses filières, dont :
- Tourism and Hospitality Management
- Information & Communication Technology
- Building Construction and Civil Engineering
- Electrical and Electronic Engineering
- Mechanical Engineering
- Automotive
- Printing
- Textile & Apparel
- Beauty Care & Hairdressing
- Agriculture
- Art & Craft
Le NAP offre également aux étudiants des stages en entreprise. Ils ont ainsi l’occasion de mettre en pratique leurs connaissances acquises en classe. à la fin des cours, l’étudiant a une connaissance académique et professionnelle. Avec le NAP, il reçoit des allocations de Rs 5 000 et de Rs 1 000 pendant la durée des cours.
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