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Good Governance and Integrity Reporting Bill: plein d’espoir et de craintes

Chaque samedi, l’équipe de l’émission « Au cœur de l’info » décortique l’actualité de la semaine. Les divers invités apportent, au micro de Jean-Luc Émile, un nouvel éclairage aux débats en cours. Nous en reproduisons les extraits saillants.

Antoine Domingue, président du Bar Council: « Le Parlement ne doit pas renverser la Constitution »

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/div> Pourquoi y a-t-il une grande appréhension par rapport au Good Governance and Integrity Reporting Bill ? L’Assemblée nationale sera appelée à débattre de deux importants projets de loi qui sont complémentaires, dont celui visant à amender l’article 8 de la Constitution pour autoriser la saisie des biens acquis durant ces sept dernières années de tout citoyen qui ne pourrait expliquer leur provenance (unexplained wealth). Le projet de réforme constitutionnelle prévoit que cette loi entrera en vigueur le 1er janvier 2016 avec effet rétroactif à 2009. L’autre projet de loi prévoit la création d’une agence dont le but est de traiter toute information reçue sur un supposé bien mal-acquis. Et tout citoyen visé doit obligatoirement expliquer la provenance du bien en question dans un délai de 21 jours. Il ne pourra évoquer son droit au silence. Il est obligé de fournir les informations requises. En cas de refus, il est passible d'une amende de Rs 50 000 et d'une année d'emprisonnement. C'est une atteinte au droit au silence garanti par la Constitution. De plus, cette agence pourra même faire une demande devant un juge en chambre pour la confiscation des biens de la personne concernée. Cela, avant même de référer l’affaire devant le conseil indépendant (Integrity Reporting Board), présidé par un ancien juge de la Cour suprême, dont la responsabilité est de décider si cette affaire doit être poursuivie ou pas. On ne peut s’empêcher de se demander pourquoi cette loi sera rétroactive sur sept ans ? L’explanatory memorandum du projet de loi ne répond pas à cette interrogation. Y a-t-il d’autres craintes ? Oui. Elle est encore plus sérieuse. Dans notre système légal, un citoyen mauricien ne peut être puni par l’État à moins d’avoir commis un délit ou un crime. La Constitution prévoit la présomption d'innocence, le droit au silence et le droit à un procès équitable devant une juridiction indépendante. Ce sont des garde-fous. C’est à la suite d'une procédure pénale instituée par ou avec l'approbation du Directeur des poursuites publiques qu’un suspect est sanctionné sous la forme d'un Order of forfeiture par une cour de justice. La Cour peut émettre ou pas un tel ordre. Voilà notre système légal. Le Parlement mauricien ne doit pas renverser (subvert) le système pénal et la Constitution. La personne qui a préparé ce projet de loi cherche à court-circuiter le Directeur des poursuites publiques. Elle veut court-circuiter les garanties constitutionnelles sur les droits fondamentaux en matière de justice pénale. Il semble que cette nouvelle législation ne sera applicable qu’aux citoyens mauriciens et non aux étrangers. L'idée étant très probablement de ne pas effrayer les investisseurs étrangers. Mais si c’est réellement le cas, le gouvernement devrait le dire clairement. Pour moi, la formulation du projet de loi est une insulte à la population, à la majorité des Mauriciens qui ont acquis des biens de façon honnête. Est-ce qu’une majorité de l'électorat a voté pour ce gouvernement pour se voir imposer une telle loi ? Le ministre de la Bonne gouvernance soutient que cette loi marque une étape importante pour l'avenir du pays… Je ne partage pas cet avis. Je ne pense pas que nous ayons besoin d’une telle loi. Nous avons probablement besoin d'un fine-tuning des textes existants. D’autant que le Good Governance and Integrity Reporting Bill risque fortement d’être déclaré anticonstitutionnel. Le gouvernement dispose d'une majorité pour faire adopter ce projet de loi… Certes, mais il ne s’en sert pas correctement. S’il présente une loi qui bafoue tous les principes constitutionnels, elle sera rejetée en cour, comme cela s'est passé en Italie. Que fera le Bar Council si le gouvernement continue dans cette voie ? Je ne crois pas qu'elle va persister.

Rajen Bablee, directeur exécutif de Transparency Mauritius: « Un projet de loi intéressant »

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[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3500","attributes":{"class":"media-image wp-image-5145","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"634","alt":"Rajen Bablee"}}]] Rajen Bablee, directeur exécutif de Transparency Mauritius

Transparency Mauritius estime que la Good Governance and Integrity Reporting Bill  « est un projet de loi intéressant » dans le combat contre l'enrichissement illicite. « Contrairement à ce qui est prévu dans l'Asset Recovery Act, une charge au pénal ne sera plus obligatoire pour que les autorités initient une enquête sur les avoirs d’une personne. Donc, n'importe qui pourra dénoncer un individu soupçonné d’avoir acquis des biens de manière illicite », explique Rajen Bablee, le directeur exécutif de l’organisation. Il a ajouté que c’est surtout l’aspect se rapportant à la dénonciation (whistle blowing) qui intéresse Transparency Mauritius. Néanmoins, Rajen Bablee souligne qu’il aurait « préféré une perception d’indépendance totale » et que « la nomination du directeur et des membres du conseil d'administration de l’agence soit revue ». Sur la rétroactivité, il soutient que le ministre « s’est expliqué » à ce sujet vendredi et que Transparency Mauritius étudie la question avec ses hommes de loi. Enfin, concernant la saisie des biens, Rajen Bablee soutient que le pouvoir « réside entre les mains du judiciaire », car « c'est un juge qui doit décider s'il va émettre ou non un ordre de saisie ou porter l'affaire devant la Cour suprême ».
 

Maneesh Gobin: « Il y aurait une autre solution »

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Il y avait déjà l’Independent Commission against Corruption (Icac) et la Mauritius Revenue Authority (MRA). Pourquoi la nécessité de créer une autre institution pour combattre l'argent sale ? Il y avait une lacune dans notre arsenal légal concernant les biens inexpliqués. Maurice est en retard. Nous ne sommes pas le premier pays à introduire une telle législation. Il se peut que notre version soit unique, mais nous devons combattre les biens obtenus de manière illicite. Mais n’y a-t-il pas la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act ? Cette législation criminalise le blanchiment d'argent sale. À l’époque, rappelez-vous, cela avait suscité un tollé chez certains avocats. Ils disaient que le gouvernement enfreignait l’article 10 de la Constitution et qu'on pouvait accuser une personne « without avering or proving the predicate offence ». Un juge avait même indiqué qu’il fallait « aver in details le predicate offence ». Finalement, le Privy Council a statué que nous étions dans la bonne direction. Cela se répète aujourd’hui. Dans des pays où une telle loi existe, est-ce le ministre qui nomme les assesseurs ? Pourquoi fait-on une fixation sur la nomination en occultant le fait que l'ordre final est émis par un juge de la Cour suprême ? Il y a aussi le droit d'appel et le Conseil privé. Jusqu’ici, le suspect avait le temps de dissimuler tous ses biens illicites. Pourquoi ne pas revoir la loi existante et renforcer les pouvoirs de la MRA ? La MRA est concernée par la taxe seulement. Que va-t-elle faire après son enquête ? Prélever une taxe de 15 % sur la valeur des biens en question ? Que fait-on des 85 % restants ? Sous la nouvelle législation, nous allons procéder directement à la saisie des biens. Ne vise-t-on pas à court-circuiter le système judiciaire ? Non, l'ordre final est rendu par le judiciaire. Pensez-vous que les institutions qui seront créées auront leurs importances ? Valeur du jour, un unexplained wealth order n'existe pas. Bien souvent quand une loi révolutionnaire est introduite au Parlement, il y a des débats émotionnels, voire hystériques. C’était le cas avec la Prevention of Corruption Act en 2003 et même pour la création de la MRA. Avec le temps, on a vu leur importance. Ce sera la même chose avec cette nouvelle législation. Il y a la perception que cette nouvelle législation a pour objectif de contraindre Navin Ramgoolam à expliquer la provenance des Rs 224 millions saisies à sa résidence ? Il ne faut pas personnaliser le débat. Toute personne qui possède des biens inexpliqués sera sujette à un unexplained wealth order. Cela dit, vous m’avez demandé s’il fallait créer d'autres institutions ? Je parle en mon nom personnel. Cela n’engage que moi. J’étudie toujours l'Asset Recovery Act pour me faire une idée. Il se pourrait qu'il y ait une solution autre que la création d’une autre institution. Peut-être qu’on pourrait renforcer les pouvoirs d'une institution existante... La Mauritius Revenue Authority ? Non. Ni l’Icac ni la MRA. Leurs fonctions sont différentes. Quelle institution ? Je suis ouvert à toute suggestion, mais je pense qu’on pourrait confier cette responsabilité à l'Asset Recovery Unit. Sous la législation existante, ce n’est pas possible. Il faudra alors amender la loi. Je réfléchis toujours s’il faut donner ce pouvoir à une institution existante ou en créer une autre. L'Asset Recovery Unit doit-elle être sous l'autorité du DPP ? Dès le début, on avait dit non. Le Directeur des poursuites publiques ne peut être juge et partie.
   

Ce que prévoit le projet de loi

 
  • La création d’une Integrity Reporting Services Agency, qui s’occupera des actions à entreprendre en matière de bonne gouvernance, sur les mauvaises pratiques, mais aussi les cas d’enrichissement illicite.
  • Le directeur de cette agence sera un comptable ou un légiste avec une solide expérience. Il sera nommé avec l’approbation du Premier ministre et du ministre de la Bonne gouvernance.
  • Un Integrity Reporting Board sera aussi créé. Il sera présidé par un ancien juge de la Cour suprême, nommé par le Premier ministre.
  • L’agence aura le pouvoir de demander, par écrit, à une personne de dévoiler ses sources de revenu utilisées pour l’acquisition de ses biens. Cette personne aura 21 jours ou une période déterminée par le directeur de l’agence pour s’exécuter.
  • La loi devant entrer en vigueur le 1er janvier 2016 aura un effet rétroactif de sept ans.
  • Une personne qui ne répond pas aux demandes d’explication de l’agence est passible d’une amende (jusqu’à Rs 50 000) et d’une peine de prison (un an au maximum).
  • Après enquête de l’agence, le cas sera soumis à l’Integrity Reporting Board, qui déterminera quelles actions prendre sur le plan légal. Ce board aura préséance sur toute autre juridiction pour la confiscation des biens.
  • Une personne a 14 jours pour présenter un document requis par le board.
  • Quiconque soupçonne une personne d’avoir acquis des biens de façon illicite peut écrire à l’agence. Il ne sera pas inquiété.
  • Une personne ayant accusé une autre à tort et délibérément encourra une amende de Rs 50 000 et une peine de prison d’un an maximum.
  • L’agence peut demander un disclosure order à la cour pour obtenir les avoirs d’une personne.
  • Le board peut demander à l’agence de demander un unexplained wealth order à un juge en chambre pour la confiscation des biens d’une personne.
  • Un National Recovery Fund sera créé. Ce fonds réceptionnera tous les biens qui auront été saisis.
  • Quant au Constitution (Amendment) Bill, il fait provision pour des changements constitutionnels pour permettre la confiscation de biens.

   

Les arguments…

...de Roshi Bhadain

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    Cette législation est nécessaire pour contrer « l’existence d’économies parallèles ».
  • Elle n’affectera pas le système pénal, encore moins les autres institutions.
  • L’Integrity Reporting Services Agency et l’Integrity Reporting Board joueront respectivement un rôle administratif et exécutif. C’est le juge en chambre qui décidera de la saisie des biens.
  • La personne incriminée pourra faire appel au Privy Council.
  • La loi aura effet rétroactive de sept ans parce que les banques ont obligation de garder les informations sur les comptes de leurs clients pour une période de sept ans.
  • Toute personne ayant soumis sa fiche d’impôts n’a rien à craindre.
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…de Paul Bérenger

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    On ne peut confisquer un bien sans, au préalable, passer par un tribunal.
  • Quiconque ayant acquis un bien peut être inquiété.
  • La Constitution prévoit déjà la confiscation d’un bien si cela est « reasonably justifiable ».
  • Le « burden of proof » incombe à l’accusé. C’est lui qui doit prouver la provenance de ses biens.
  • Crainte que des « nominés politiques » auront le droit d’enquêter sur la provenance des biens.
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…de Navin Ramgoolam

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    C’est un instrument qui va servir à confisquer les biens des citoyens.
  • Le projet de loi ne prévoit pas de « garde-fous » pour éviter tout usage abusif.
  • On enlève la présomption d’innocence.
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