Interview

Gong Yufeng, chargé d’affaires de la République Populaire de Chine : «Aviation, finance et tourisme, des noyaux de coopération»

Gong Yufeng

Le chargé d’affaires de la République Populaire de Chine à Maurice, Gong Yufeng, fait le point sur la ‘Belt and Road Initiative’ après la tenue du second forum sur ce projet. Il s’exprime sur l’endettement et les avenues de collaboration entre les deux pays.

Publicité

Le second forum sur la ‘Belt and Road Initiative’ a pris fin le 27 avril à Beijing. Y-a-t-il toujours incompréhensions et craintes par rapport à ce projet de la République Populaire de Chine ?
Ce sont 40 chefs d’État et de gouvernement et 6 000 participants, représentant 150 pays, et 92 organisations internationales qui ont répondu présents au second forum de la ‘Belt and Road Initiative’ pour la coopération régionale. À ce jour, 127 pays et 29 organisations internationales ont signé des accords de coopération.

L’initiative est en place depuis six ans. On pourrait dire que ce concept est encore nouveau. C’est donc tout à fait normal qu’il existe des incompréhensions. Cependant, ces incertitudes ne représentent aucun obstacle à l’élargissement du cercle de coopération entre la République Populaire de Chine et ses partenaires. Parce que la ‘Belt and Road Initiative’ a été mise en place dans un esprit d’ouverture. Nous espérons que tout le monde accueille l’initiative avec cette même attitude en mettant les préjugés de côté pour se forger une opinion basée sur les faits.

Qu’est-ce qui a motivé la création de la ‘Belt and Road Initiative’ ?
Avec la montée du protectionnisme et de l’unilatéralisme, la Chine a proposé l’initiative pour défendre le système de libre échange et prôner une économie mondiale ouverte. La Chine souhaite promouvoir l’intégration des stratégies de développement entre les pays riverains, l’exploitation du potentiel des marchés régionaux, une impulsion aux investissements et la consommation, l’augmentation des demandes et création d’emplois.

La Chine est la deuxième puissance économique mondiale. D’une part et à travers la ‘Belt & Road Initiative’, elle envisage de s’intégrer de manière plus profonde dans le système économique mondial. D’autre part, elle invite le monde entier à partager les profits générés par les réformes et le développement chinois au cours des décennies écoulées.

D’où proviennent les fonds pour financer cette initiative ?
Les fonds pour des projets infrastructurels sont puisés du capital des entreprises de construction, incluant le cofinancement avec les partenaires et une participation éventuelle des compagnies locales, voire de parties tierces.

Ceci dit, les investissements peuvent être obtenus des circuits financiers existants, dont la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, la Banque mondiale ou encore la Banque de Développement de Chine et des prêteurs commerciaux tels que la Banque de Chine. Autant que je sache, de nombreuses banques internationales, à l’instar de la HSBC et la Standard Chartered, financent de manière active la ‘Belt & Road Initiative’.

Les investissements proviennent aussi de fonds d’investissement souverains tels que les Fonds de La Route de la Soie.

Au-delà de ces explications, vous conviendrez que la ‘Belt and Road Initiative’ fait peur. L’exemple de certains pays d’Afrique et d’Asie, où la Chine est accusée de vouloir endetter les pays en développement afin d’asseoir son autorité, est mis en avant.
Soyons d’accord sur le principe que tout jugement doit être basé sur des faits. Les prêts octroyés par la Chine ont beaucoup contribué aux projets infrastructurels dans des pays riverains en raison d’un seuil d’intérêt bas et de la non-imposition de conditions politiques. C’est un fait !

L’initiative a permis aux Maldives de construire le premier pont traversant la mer. La Biélorussie dispose désormais de son industrie automobile. La Mongolie a augmenté sa croissance économique de 1,5% grâce à la construction d’une route ferroviaire vers l’intérieur. Ces faits démontrent que l’initiative n’est en aucun cas un piège d’endettement. C’est un bénéfice pour les peuples.

Le problème d’endettement de certains pays, tel que répercuté par la presse internationale, n’est pas nécessairement en relation avec la mise en place de l’initiative et de ses projets. L’endettement de ces pays en voie de développement a un lien avec la situation économique mondiale.

Certains pays qui font partie de l’initiative ont non seulement emprunté de la Chine mais aussi des pays occidentaux. C’est à se demander pourquoi l’argent prêté par les pays occidentaux est considéré comme un bénéfice alors que les montants octroyés par la Chine sont qualifiés de pièges.

Avec cette initiative, la Chine ne veut-elle pas remplacer le statut des pays occidentaux auprès de leurs anciennes colonies ?
La ‘Belt and Road Initiative’ est motivée par un esprit de coopération pacifique, d’ouverture et d’inclusion, d’apprentissage et de bénéfices mutuels. Elle encourage la coopération caractérisée par l’égalité, la négociation et le bien-être pour le peuple. Elle est totalement différente de la colonisation occidentale.

L’investissement chinois n’est soumis à aucune condition politique. L’initiative  ‘La Ceinture et la Route’ relève d’une coopération économique. La Chine construit des routes et des ponts, crée des emplois et contribue à améliorer le niveau de vie des résidents locaux. Notre but n’est pas de prendre la place de qui que ce soit ou d’obtenir un certain statut, mais de promouvoir le développement commun à travers cette plateforme.

Maurice et la Chine sont en passe de signer un accord de libre-échange. La Chine a déjà financé de nombreux projets de grande envergure à Maurice. Quel est l’intérêt pour Maurice d’adhérer à la ‘Belt and Road Initiative’ ?
Maurice se situe dans l’extension naturelle de la Route de la Soie maritime du XXIe siècle. Elle dispose d’un avantage géographique unique. Elle offre un environnement favorable pour les services financiers et les investissements. La ‘Belt and Road Initiative’ canalisera beaucoup d’investissements vers la juridiction financière mauricienne. Le pays sera une plaque tournante, attirant les investisseurs chinois qui souhaitent aller en Afrique. Qui est plus est, le gouvernement mauricien s’efforce actuellement de développer l’économie bleue, d’agrandir les facilités portuaires et d’investir dans les technologies de l’information. Ces secteurs correspondent très bien aux objectifs d’interconnexion mis en avant par l’initiative. À mon avis, cette initiative représente une bonne occasion pour hisser la coopération sino-mauricienne à un niveau plus élevé.

D’un point de vue concret, quels types de projets la Chine va-t-elle promouvoir à Maurice et dans les zones économiques qui appartiennent à Maurice ?
Comme Maurice n’a pas encore signé d’accord de coopération dans le cadre de l’initiative, je ne peux me prononcer sur les projets concrets que la Chine va promouvoir. Néanmoins, nous savons que Maurice dispose de solides atouts dans les domaines de l’aviation, de la finance et du tourisme. Ces domaines pourraient devenir le noyau de coopération entre nos deux pays. En outre, le gouvernement chinois est toujours ouvert aux projets de coopération qui sont les plus appropriés pour les deux pays.

Que se passerait-il si Maurice se retrouvait dans l’incapacité de respecter ses engagements ? La Chine procèderait-elle à des saisies ?
C’est une question vague et hypothétique. Si vous faites allusion aux risques d’endettement, je peux vous dire que tout projet dans le cadre de la ‘Belt and Road Initiative’, qu’il s’agisse d’interconnexion ou de coopération de capacité, doit faire l’objet d’études de faisabilité, menées de manière scientifique et d’une révision stricte de prêts.

La réalisation d’un projet se limitera à la capacité financière du gouvernement mauricien de rembourser de même qu’une mitigation des risques. (…) Nous n’avons aucune envie de faire des saisies. Le but ultime est le bénéfice mutuel et le développement commun.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !