Fête nationale : zoom sur quelques décorés de la République

Comme le veut la tradition, la liste des récipiendaires des décorations de la République, attribuées à l’occasion de la fête nationale célébrée  dimanche 12 mars, a été rendue publique. 

Alan Ganoo (Grand Commander of the Order of the Star and Key of The Indian Ocean (GCSK)) : « Je ne regrette nullement ma vie de politicien » 

À la tête de deux ministères (Transport et Affaires étrangères), Alan Ganoo ne manque pas d’exprimer sa joie d’avoir été élevé au rang de Grand Commander of the Order of the Star and Key of The Indian Ocean (GCSK). « C’est avec beaucoup d’émotions et d’humilité que je remercie le Premier ministre qui a pris cette décision.  », a-t-il déclaré au Défi Quotidien. Le ministre ne manque pas de nous confier que cette passion remonte bien avant sa première élection aux législatives de 1982. Se souvenant de ses années précédant son entrée en politique, Alan Ganoo avance qu’il a eu droit à un véritable apprentissage politique lorsqu’il s’est rendu en Angleterre pour poursuivre ses études d’enseignement supérieur.

« Lorsque je suis retourné à Maurice j’étais alors âgé de 24 ans. J’ai commencé à aider des syndicats ainsi que des fédérations de travailleurs », raconte-t-il. L’entrée en politique active d’Alan Ganoo se fait en grande pompe puisqu’à l’âge de 31 ans, il participe au tout premier 60-0 de l’histoire lors des élections générales de 1982. « Je suis alors devenu Speaker. J’ai eu l’occasion de servir mon pays comme ministre et aussi en étant dans l’opposition. J’ai aussi été ministre de la Justice », ajoute-t-il.  « Ma vie politique n’a évidemment pas toujours été rose. Il y a eu des hauts et des bas. Beaucoup de moments de tristesse et d’amertume. Mais ceci dit, je suis content d’avoir pu servir mon pays. J’ai été candidat en dix occasions dans la même circonscription et je ne regrette nullement ma vie de politicien. Même si cela a bien souvent été au détriment de ma vie professionnelle, familiale et même de ma santé. Mais j’emprunterai le même parcours si c’était à refaire », confie-t-il tout ému. 

Haniff Peerun (Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (CSK) : « La lutte pour les travailleurs continue » 

Le syndicaliste Haniff Peerun s’est distingué pour sa contribution dans le domaine de l’éducation et pour son engagement syndical. À 65 ans, il est fait Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (CSK). « C’est un honneur que le gouvernement reconnaît ma contribution dans ces deux domaines. J’ai passé 44 ans de ma vie dans l’éducation et 33 ans dans l’univers syndical. Et la lutte pour les travailleurs continue », raconte Haniff Peerun. Ce dernier a commencé par l’enseignement, pour ensuite gravir les échelons jusqu’au poste d’inspecteur. Il vient de prendre sa retraite en septembre 2022 et cette renaissance tombe à point nommé, selon lui. Idem pour le monde syndical dans lequel il a grandement contribué, notamment en créant la Government Urdu Teachers’ Union en 1991. Il a été le président de cette union depuis sa création et vient tout juste de laisser la barre en janvier 2023. Dorénavant, il agit comme conseiller et négociateur pour l’union. Haniff Peerun a aussi mis en place l’All Workers Federation (AWF)depuis plus d’une dizaine d’années.

Vaco Baissac (Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (GCSK) à titre posthume) : Marie-Anne Stahëli, sœur de l’artiste : «Cette reconnaissance vient trop tard»

L’artiste-peintre Vaco Baissac, décédé le 4 février dernier à l’âge de 82 ans, a quant à lui été élevé au rang de Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (GCSK) à titre posthume. Reconnaissante de cette décoration, la sœur de l’artiste, Marie-Anne Stahëli estime toutefois qu’elle aurait dû lui être attribuée de son vivant. « Cette reconnaissance vient trop tard. Il méritait de l’avoir avant », est-elle d’avis, tout en soulignant que Vaco Baissac a toujours été un grand ambassadeur de son pays. « Il a fait une grande différence dans l’art mauricien et partout où il est allé, il a toujours parlé que du bien de son pays », ajoute-t-elle.

Vinesh Hookoomsing (Grand Officer of the Order of The Star and Key of the Indian Ocean) : « Un beau message pour les jeunes »

« Je suis surpris, mais très content. C’est un beau message pour les jeunes que les efforts finissent toujours par être récompensés. J’ai eu une très longue carrière et je suis content de voir que la langue créole est en train d’avoir sa place dans le domaine de l’éducation ».

Christian Leopold (Grand Officer of the Order of The Star and Key of the Indian Ocean) : « Il faut viser haut, peu importe notre situation sociale et économique »

 « C’est avec beaucoup d’humilité et de fierté que j’accueille cette nomination. C’est un honneur pour moi-même et pour Rodrigues. Je remercie le président de la République qui m’a décoré en ce jour spécial. J’ai envie de remercier mes parents qui sont tous deux décédés. Je suis issu d’une famille de onze enfants, je suis le sixième et mes parents ont fait beaucoup de sacrifice pour que je puisse aller au collège. Je remercie aussi mon épouse et ma fille et j’espère que cela servira d’exemple pour les jeunes. Il faut viser haut, peu importe notre situation sociale et économique ».

Pour sa contribution dans le domaine juridique : L’ancienne juge Nalini Matadeen élevée au rang de GOSK

L’ancienne juge Hima Nalini Matadeen, âgée de 68 ans, a été décorée, le dimanche 12 mars 2023, Grand Officer of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean. Cela, pour sa contribution dans le domaine légal.

Avant de prendre sa retraite en juin 2021, elle a occupé le poste de Senior Puisne Judge au sein du judiciaire. Elle a été pendant huit ans à la tête de la division familiale de la Cour suprême. Elle a aussi siégé à la cour de médiation. C’est en 2003 qu’elle est nommée juge après avoir occupé le poste de Master and Registrar. Elle a aussi été la présidente de la cour intermédiaire durant sa carrière.

L’ancienne juge a également siégé à la cour civile intermédiaire et à la cour industrielle. Mais, avant d’être affectée à la magistrature, elle a travaillé pendant quelque temps au parquet.
Pour rappel, l’ancienne juge Hima Nalini Matadeen est l’épouse de l’ancien Chef juge Kheshoe Parsad Matadeen qui avait pris sa retraite, le 26 mars 2019, après avoir été à la tête du judiciaire. Ce dernier est l’actuel président de la Commission de pourvoi en grâce. 

Chandan Jankee : « La bénédiction de ma maman »

Il a été élevé au rang de Grand Officer of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (GOSK). Chandan Jankee s’en réjouit. « C’est définitivement un ‘milestone’. Je suis content que le gouvernement et le pays reconnaissent ma modeste contribution en tant que Lecturer, économiste et ambassadeur », déclare l’ambassadeur de Maurice qui est posté à Moscou (Russie) après avoir servi à Berlin (Allemagne). 

Chandan Jankee parle de sacrifices qu’il a faits mais qui n’ont pas été vains. Ce qui le rend à la fois « ému et honoré » pour sa contribution au niveau de l’éducation tertiaire et sur le plan de la diplomatie économique. L’ambassadeur affirme être encore plus motivé. « Je vais travailler encore plus dur pour le développement économique et social du pays. Surtout au niveau de la diplomatie économique », lance celui qui remercie le Premier ministre, sa famille, ses amis, ses collègues, ses camarades universitaires ainsi que les journalistes qui lui ont permis d’exprimer ses opinions. 

Il a une pensée pour le leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo, qui avait recommandé sa nomination en tant qu’ambassadeur en 2014. Chandan Jankee dédie sa distinction à sa maman qui n’est plus de ce monde. « C’est la bénédiction de ma maman. Elle me disait que je devais avoir une décoration un jour », raconte notre interlocuteur. 

Il poursuit qu’être un décoré de la République est un signal aux jeunes qui sont issus de milieu modeste comme lui. « Mon père était chauffeur d’autobus et marchand de légumes au bazar de Rose-Hill. J’ai aussi travaillé comme marchand. J’ai travaillé dur et j’ai investi dans l’éducation », indique-t-il. 

Chandan Jankee espère être un exemple. « Si vous êtes intègre, honnête et travaillez dur, vous allez voir le résultat », affirme notre interlocuteur.

Vinod Seegum : «J’ai travaillé 24/7»

L’ex-président de la Government Teachers’ Union (GTU), Vinod Seegum, s’est vu décerner le titre de Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (CSK) pour avoir oeuvré dans la filière académique et dans le syndicalisme. « C’est la consécration de mon dur labeur. J’ai été enseignant avant de me consacrer au syndicalisme, où j’ai été président de la GTU pendant 17 ans. J’ai step down pour faire de la place aux jeunes », rappelle ce dernier. 

Vinod Seegum avoue avoir « travaillé à mort » pour faire bouger les choses. « J’ai donné ma vie. J’ai travaillé sur une base 24/7. J’ai fait beaucoup de sacrifices puisque j’ai des visions pour les enseignants du primaire », dit-il. Il revient sur ses grandes luttes pour ces derniers, dont l’alignement salarial avec les enseignants du secondaire ou encore que les enseignants du primaire soient diplômés. Il ose espérer que ces derniers pourront enseigner jusqu’en secondaire, soit la Grade 9, car ils ont les mêmes qualifications que ceux du secondaire. 

Il revient aussi sur sa décision de step down comme président de la GTU. Il avoue qu’il aurait pu conserver son poste. « J’ai préféré step down. Sinon, la jeunesse n’aurait pas eu l’occasion d’assumer ces responsabilités. En tant que président, j’ai mis ma vie privée entre parenthèses. Désormais, je souhaite aller à la découverte des lieux que je ne connais pas », confie notre interlocuteur.

Sarita Boodhoo : «Mon combat ne s’arrête pas là»

La présidente de la Bhojpuri Speaking Union, Sarita Boodhoo, a reçu la distinction de Grand Officer of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (GOSK). Pour elle, il s’agit d’une consécration et surtout une reconnaissance de sa contribution pour la promotion du bhojpuri. 

Cela fait plus de 40 ans que Sarita Boodhoo, qui est âgée de 80 ans, veille à la diffusion, la promotion, la transmission et la sauvegarde du bhojpuri. « J’ai à plusieurs reprises reçu des décorations de divers gouvernements, mais j’ai toujours refusé car Harish faisait de la politique active. Il menait des combats en conflit avec les gouvernements qui m’ont proposé les distinctions. Je ne voulais pas embarrasser Harish par rapport à sa lutte, car je lui apportais mon soutien », relate celle qui est aussi auteure. 

Maintenant que Harish Boodhoo n’est plus actif dans l’arène politique, Sarita Boodhoo a accepté la distinction qui lui a été offerte cette année. « Mon combat est comme un livre ouvert tant sur le plan local qu’international. La nation mauricienne m’apporte mon soutien. Je remercie le Premier ministre pour ce geste », déclare Sarita Boodhoo, qui dédie sa décoration au peuple mauricien. 

Elle avance être encore plus motivée pour la reconnaissance du bhojpuri. « Ma lutte ne s’arrête pas là. Je vais continuer à œuvrer pour que le bhojpuri réintègre le cursus scolaire. Il avait pu intégrer le milieu scolaire en 2012, mais a été retiré. Il faut honorer cette langue et faire de sorte que les jeunes éprouvent de la fierté et ne pensent pas que c’est une langue que pour les ‘nanis’ et les ‘dadis’, mais bel et bien une langue moderne qui est notre héritage », espère-t-elle.

Pramila Patten : «Ma vie a été consacrée à l’avancement des droits humains»

Secrétaire générale adjointe des Nations unies et représentante spéciale du secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits, Me Pramila Patten s’est vu décerner la décoration de Grand Officer of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (GOSK). Ce, pour sa contribution pour l’avancement des droits de l’homme aux niveaux national, régional et international. 

« C’est vraiment avec beaucoup d’émotions que j’accepte cette distinction qu’on me décerne. Je considère cela comme une récompense pour le travail accompli. Presque toute ma vie a été consacrée à l’avancement des droits humains. Je considère cette distinction comme un défi pour travailler davantage pour les droits de l’homme pour que cela ne soit pas une vaine promesse », lance Me Pramila Patten. 

Elle avance que nous traversons une « turbulence massive et mondiale » avec de multiples crises. « Nous traversons le plus grand nombre de conflits violents. Je sors de l’Ukraine et là, je me rends prochainement en Colombie. Il y a des violations multiples et graves des droits de l’homme et aussi le recul des droits de la femme, par exemple, en Afghanistan, où on recule. Cette distinction m’encourage à œuvrer davantage pour des droits de la femme à travers le monde », ajoute-t-elle. 

Me Pramila Patten dit avoir une pensée spéciale pour son papa qui a été son ‘role model’ et remercie sa famille dont son fils Irvin pour son soutien indéfectible. « Il m’a poussée à donner le meilleur de moi-même », lance-t-elle en souhaitant une bonne fête nationale aux Mauriciens. 

Alain Jeannot : «C’est une première reconnaissance dans le domaine de la sécurité routière»

Pour sa contribution dans le domaine de la sécurité routière, le président de Prévention Routière Avant Tout (PRAT) a été fait Officer of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean (OSK). Il se dit « touché » par cette reconnaissance. 

« Je suis content que la sécurité routière figure parmi les raisons pour lesquelles des citoyens sont décorés. C’est un aspect incontournable de la vie. On est obligé de prendre la route. C’est une première reconnaissance dans ce domaine et je ne peux qu’être fier et honoré », affirme Alain Jeannot. 

Il avance qu’il continue à militer pour que nos routes soient encore plus sûres. « C’est un domaine à ne pas banaliser. On a près de 30 000 accidents par an. Heureusement, pas beaucoup de morts et de blessés. Il faut concéder qu’il y a eu une amélioration ces trois dernières années. Je souhaite qu’il y ait moins d’accidents. Un engagement reste un engagement. Avec ou sans, j’allais continuer à sensibiliser », souligne le président de PRAT qui espère que d’autres trouveront en cette reconnaissance une motivation pour se joindre à la cause.