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Expropriations : l’Association Justice et Vérité réclame un Land Tribunal

L’Association Justice et Vérité a fait appel au Premier ministre, Pravind Jugnauth, au ministre du Logement et des Terres, Showkutally Soodhun et à l’Attorney-General, Ravi Yerrigadoo, pour qu’un Land Tribunal soit créé conformément aux recommandations de la Commission Vérité et Justice.

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Dans leurs réponses, à l’exception de  l’Attorney-General, le Prime Minister Office et le ministère du Logement et des Terres ont répondu à deux des porte-parole de l’association, Danielle Tancrel et Didier Kistnorbo qu’ils seront informés des développements sur ce dossier.

L’appel de l’Association Justice et Vérité intervient dans le sillage de la fermeture de la Land Research and Mediation Unit, mise en opération en 2015 et placée sous la tutelle du ministère du Tourisme afin de mener une enquête approfondie sur plus de 120 cas d’expropriation révélés lors des travaux de la Commission Vérité et Justice. Le ministère du Tourisme avait alloué un budget de fonctionnement mensuel de Rs 300 000 à la Land Research and Mediation Unit, placée sous la direction de Mahmad Mandary, ex-Deputy Chief Surveyor. Le service, qui avait emménagé dans un bureau au 6e étage du Baroda Building, avait également recruté à temps partiel trois autres personnes, Mme How Man Yoon, ex-Deputy Registrar, l’avoué Hunchun Ganesh et A. Andoo, un arpenteur détaché par le  ministre du Logement et des Terres.

Tactique dilatoire

Toutefois, dès l’annonce de la mise sur pied de cette instance, l’Association Justice et Vérité avait déclaré que celle-ci relevait d’une tactique dilatoire afin de contourner la recommandation de la Commission Vérité et Justice pour la mise en opération d’un Land Tribunal. « Il n’y a pratiquement pas d’auditions et cette unité n’a jamais produit de rapport. Aujourd’hui, les faits nous donnent raison, d’autant que ce service ne fonctionne plus depuis le départ du PMSD du gouvernement », fait ressortir Clensy Harmon, un des porte-parole de l’association. Didier Kisnorbo avait, lui, fait observer que « la proposition de la Land Research and Mediation Unit mettait cette dernière en situation inégale face aux énormes moyens dont disposent les ‘barons sucriers’ ».

Quant à Danielle Tancrel, elle aussi fait état de delaying tactics : « Nous étions déjà convaincus que le ministre du Tourisme d’alors voulait gagner du temps avec la mise sur pied de cette unité. Ceux qui ont leurs titres de propriété attendent qu’on désigne les responsables actuels des ‘vols’ commis par leurs ancêtres, sans qu’ils en soient eux-mêmes tenus responsables. Malheureusement, force est de constater que ces derniers restent sur leurs positions et usent de tactiques dilatoires devant les tribunaux pour ne rien lâcher », fait-elle valoir avant d’ajouter : « À chaque fois qu’on a abordé la problématique des terres volées, certains, parmi de nombreux ‘barons sucriers’,  disent que nous faisons comme au Zimbabwe ».

« Goût d’inachevé »

Feu Benjamin Moutou, un des trois commissaires (les deux autres sont Vijaya Teelock et Parmaseeven  Veerapen) qui avaient auditionné les témoins lors des sessions de la Commission, avait déclaré qu’« il est clair que la commission a un goût d’inachevé. Il faudrait aujourd’hui commencer par mettre sur pied ce Land Tribunal, mais aussi recourir aux services des arpenteurs, notaires, avocats et commissaires fonciers. Certains cas sont toujours complexes ». Autant de services que les familles spoliées ne pourraient s’offrir.

Veda Sreepaul, membre de l’association et président de l’Association des métayers du Sud, attendait lui aussi des retombées de cette unité de médiation. « On a même cru qu’elle serait prête à aller jusqu’à la Cour suprême ou au Privy Council, puis on s’est dit que cela exigerait des millions de roupies.  On a fait confiance à ce service, mais celui-ci n’est jamais parvenu à des solutions », dit-il.

Alliance lepep

À ce jour, aucun ministère ne souhaite rétablir ce service qui relevait de la responsabilité de Xavier-Luc Duval, alors ministre du Tourisme. Le seul parlementaire qui a accordé un certain intérêt à ce dossier est Joe Lesjongard, lequel avait interpellé Xavier-Luc Duval à l’Assemblée législative.

Il convient de souligner que la question d’un Land Tribunal était inscrite dans le programme gouvernemental de l’alliance Lepep et les membres de l’association avaient rencontré tour à tour Paul Bérenger et sir Anerood Jugnauth durant la campagne électorale de 2014. « Tous deux étaient sensibles à cette question et s’étaient engagés à examiner les recommandations de la Commission  Vérité et Justice s’ils arrivaient au pouvoir », se souvient encore Didier Kisnorbo.

Enjeux de développement

Pour les membres de son association, depuis que le dossier Chagos a connu un développement majeur au niveau international, la question des terres est devenue un facteur de premier plan en raison des enjeux de développement à Maurice. « Notre combat dépasse les frontières mauriciennes, fait-il valoir. Il vient illustrer de manière flagrante comment le colonialisme, la traite des esclaves et l’engagisme ont servi à spolier des familles entières et, jusqu’à nos jours, cette question est pervertie par la force de l’argent. »

L’association convoquera la presse le mercredi 9 août à la salle Marie Reine de la Paix, à Port-Louis, pour faire le point sur ce sujet.

 

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